Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Un siècle après, la police marseillaise résout l’énigme de la dernière lettre d’un Poilu
«Adieu mon vieux»: un siècle après, la police marseillaise a retrouvé les descendants d’un Poilu tué sur le front de la Somme, en 1915. Ici, pas d’ADN, mais la dernière lettre du soldat, et des généalogistes amateurs mobilisés via Internet. Tout part d’une perquisition dans le Ve arrondissement de Marseille, dans le cadre d’une affaire de cambriolage: chez le receleur, un sac plastique contenant quelques bijoux, et une lettre, soigneusement pliée. Les derniers mots de Jean Soulagnes, sergent-fourrier au 75e régiment d’infanterie de Romans-sur-Isère, le 27 mai 1915. Pressentant qu’il n’échappera pas à la mort, le jeune Marseillais de 24 ans écrit « au meilleur, au seul de [ses] amis ». À ce camarade, Jean Audiffen, le matricule 3336 lance « un appel suprême » : « Vous ne refuserez pas le pénible service, en cas d’événement grave, d’avertir ma famille et ma fiancée qu’avant de mourir, après avoir donné ma vie au pays, mon âme ne pense qu’à eux. »
Trouvé en trois jours
De fait, grâce au site web du ministère des Armées, « Mémoire des hommes », les policiers apprennent que ce soldat est mort moins de deux semaines plus tard, le 8 juin, à Hebuterne (Pas-de-Calais). La lettre a-t-elle été reçue? A-t-elle ensuite été remise à la famille de Jean Soulagnes? Pour résoudre l’énigme, le policier a fait appel aux réseaux sociaux, via le compte Twitter @PoliceNat13. En moins de trois jours, le 18 février, un descendant de Jean Soulagnes est identifié par les dizaines de généalogistes amateurs lancés sur la piste : Stéphane Drouhot est agent de maîtrise à la SNCF et vit à Venaray-les-Laumes, en Côte-d’Or. Aucune trace n’est en revanche trouvée de Jean Audiffen ou de ses descendants. Une cérémonie est organisée à l’Évêché, le fief de la police marseillaise, au coeur du Panier, en présence de cet arrière-petit-neveu du Poilu décédé, venu spécialement accompagné de sa femme et de sa fille Clara, 9 ans. Puis M. Drouhot et sa fille ont continué sur les traces de leur ancêtre. Aux Camoins, dans le XIe arrondissement. Sur un minuscule terre-plein, entre une pizzeria, une brasserie et un bar-PMU, un monument aux morts. Et 26 noms gravés dans la pierre. Parmi eux, celui de Jean Soulagnes. C’est là, 102 ans après, au milieu du trafic automobile et sous les regards de quelques passants interloqués, que Clara lit les dernières lignes de son arrière-arrière-grand-oncle : «De cette bataille viendra peut-être ma fin, mais aussi la victoire, et l’affreux cauchemar aura vécu. » Le sergent Soulagnes ne l’a pas su, mais le cauchemar aura duré encore plus de trois ans. 1. Jean Soulagnes n’avait pas eu le temps d’avoir des enfants.