Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Plus jamais ça!»
Quelques chiffres qui donnent le vertige. La tuerie de Parkland, Floride, qui a fait morts et blessés, était la e fusillade dans une école américaine depuis le début de l’année. À la mi-février, le pays avait déjà connu tueries de masse. Chronique de l’horreur ordinaire. Las Vegas, Orlando… C’est presque devenu une routine. En , on a recensé massacres par balles, presque un par jour. Un peu moins qu’en (). Mais avec davantage de victimes. morts (plus blessés), selon le site « Gun Violence Archive ». En quatre ans, entre et , le bilan des tués s’élève à près de , soit… exactement le nombre d’Américains tombés au Viêt Nam en huit ans. N’importe quel esprit sensé comprendrait qu’on n’est pas en présence d’une succession de faits divers, mais d’un grave dérèglement de la société américaine, qui exige des mesures radicales. Et que l’on se décide enfin à réglementer le commerce des armes à feu, dans un pays qui concentre la moitié de l’arsenal privé mondial, et où il est plus facile pour un mineur d’acquérir un fusil d’assaut que de se faire servir une bière au bar. N’importe qui, mais pas Donald Trump. Entre une mise en cause du FBI et de vagues promesses concernant la détection des malades mentaux, qu’a proposé le président des ÉtatsUnis ? D’armer les enseignants et les personnels scolaires. Plus de gun free zone! Pas moins d’armes, mais davantage ! Coïncidence : c’est exactement la thèse défendue par la NRA, le tout puissant lobby des armes à feu, qui a dépensé millions de dollars pour promouvoir la candidature de Trump et dézinguer Clinton. Nous y voilà. On peut gloser à l’infini sur la place des armes dans l’histoire et l’imaginaire des Américains, leur rapport particulier à l’État, la portée symbolique du fameux e amendement (« le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes »),
la fascination de ce peuple pour la violence, oui, bien sûr… Mais cela ne dit pas tout. Si les militants anti-armes sont allés de défaites en déconvenues, si Obama lui-même a échoué à faire passer des mesures de restriction que la majorité des citoyens pourtant réclament, si ni ses larmes, ni le sang des enfants de Sandy Hook n’ont réussi à ébranler les murs du Congrès, cela tient aussi à une raison bien plus prosaïque : le chantage exercé sur la démocratie américaine par le plus cynique et le plus toxique des lobbies. La NRA, donc, forte des millions de dollars dont elle arrose « ses » candidats, de son redoutable appareil de propagande, et du poids électoral de ses millions de militants fanatisés. Ce n’est pas anecdotique. Pas moins de congressmen ont bénéficié des faveurs de la NRA. Avec le drame de Parkland, les voici montrés du doigt. Et Trump avec eux. La pression pourrait-elle changer de camp? Le cri des lycéens survivants de Floride – « Plus jamais ça ! » – a fait lever à travers le pays, et notamment dans la jeunesse, une formidable vague de révolte contre le libre commerce de la mort. Réussira-t-elle à briser la digue? Ou retombera-t-elle avec la curiosité médiatique et l’émotion populaire des premiers jours – comme ce fut si souvent le cas dans le passé ? La marche sur Washington, le mars, donnera le « la ». On voudrait tant que cette fois, le bon sens et le courage l’emportent.