Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Des crises de vertiges nommées Ménière Soins
Vertiges, nausées, acouphènes, surdité transitoire avec sensation d’oreille pleine... la maladie de Ménière bouleverse la vie de ceux qui en souffrent. Des origines aux traitements
Dès qu’une personne souffre de vertiges, elle imagine être atteinte du “syndrome de Ménière” et les médecins eux-mêmes sont nombreux à poser ce diagnostic. En réalité, ce syndrome n’est pas si fréquent, et les causes des crises de vertiges sont souvent d’une tout autre nature (lire ci-contre). » Les propos du Dr Nicolas Guevara, chirurgien ORL à l’IUFC (Institut universitaire de la face et du Cou) à Nice n’ont pas vocation à dénoncer des erreurs diagnostiques mais plutôt à prévenir une errance médicale, en braquant les projecteurs sur une maladie, ou plutôt un ensemble de symptômes invalidants et surtout très anxiogènes, qui restent assez méconnus : le syndrome de Ménière. « De façon classique, lorsque la crise survient, la personne a une sensation d’oreille pleine, elle n’entend plus, elle se plaint d’acouphènes et les murs se mettent à tourner autour d’elle… » Une triade de manifestations angoissantes et invalidantes, caractéristiques du syndrome qui peuvent persister de 20 minutes à 3-4 heures et s’accompagner de nausées, voire de vomissements. « Le patient ne peut même plus quitter son lit ». Autre caractéristique, la répétition des crises de vertiges: toutes les semaines ou 15 jours chez certains patients, une fois par an chez d’autres. « Le diagnostic est plus compliqué lorsque le syndrome ne se manifeste que sous la forme de vertiges, sans acouphènes, ni baisse d’audition, ce qui n’est pas rare. »
Causes inconnues
Dans tous les cas, on retrouve la même origine à ce syndrome: une augmentation de la pression des liquides contenus dans l’oreille interne, dont on ignore les causes exactes. « On ignore par contre les causes exactes de ce dysfonctionnement de l’oreille interne: sont-elles virales, auto-immunes, allergiques?.. » D’aucuns classent même ce syndrome dans les maladies psychosomatiques. « Les vertiges sont très liés au stress et à l’anxiété, convient le Dr Guevara. Souvent, la première crise survient ainsi dans un contexte de problèmes personnels importants… » Une situation qui provoquerait la sécrétion d’hormones de stress auxquelles certains patients « plus fragiles » au niveau de l’oreille interne seraient sensibles et qui déclencheraient chez eux le syndrome. « Parmi les patients souffrant du syndrome, on retrouve souvent des personnes pas très bien dans leur peau, en proie à des difficultés chroniques, familiales, de couple, avec des blocages psychiques émotionnels ». Une situation dans laquelle nombre de personnes peuvent se reconnaître! « On peut tous être anxieux, mais, chez certains, cela va se manifester au niveau de l’oreille interne », répond le Dr Guevara. Point de fatalisme: le syndrome se soigne. « Le traitement consiste en une prise en charge globale, pluridisciplinaire, associant certains médicaments, parfois des injections transtympaniques, dans de rares cas la chirurgie. Mais aucun de ces traitements ne fonctionne sans prise en charge psychique et émotionnelle en parallèle, que ces troubles soient à l’origine ou consécutifs à la maladie. »
Utilisé comme traitement de fond, le Betaserc® associé au Tanganil pour traiter la crise, permet de soulager une majorité de malades. Mais pas tous.
Escalade thérapeutique
« Selon la réponse au traitement médical, premier palier, on peut envisager une escalade thérapeutique. Avec comme traitement ultime : la section du nerf vestibulaire, situé à la sortie du cerveau. » Une intervention lourde (il faut ouvrir le crâne), autrefois pratiquée larga manu, réservée aujourd’hui à quelques cas extrêmes. « Avant cette intervention, des injections transtympaniques de gentamicine et de corticoïdes peuvent être proposées. Ces traitements ne sont pas nouveaux, mais on sait beaucoup mieux les utiliser grâce à une meilleure connaissance du syndrome de Ménière. Le traitement est réalisé à la demande, on voit comment le patient réagit et on adapte. » Une grande étude publiée il y a un an montrait que ces traitements combinés de gentaline et corticoïdes permettent un contrôle de la maladie dans 70 % des cas. « La situation reste difficile lorsque les deux oreilles sont atteintes. Pour procéder à la section du nerf vestibulaire ou à la destruction
de l’oreille interne, il faut en effet que la maladie reste unilatérale. » Tout n’est pas perdu pour ces patients. Une consultation de recours pour ces cas compliqués a ainsi été ouverte à l’IUFC. « Nous l’assurons à trois, avec un autre médecin ORL et un kinésithérapeute spécialisé en rééducation vestibulaire ». Surtout ne pas laisser ces patients en situation d’intense stress dans la nature. « Les explications fournies au patient sont extrêmement importantes. Elles permettent une réassurance immédiate. » Les mots aussi peuvent guérir. Le sujet a été abordé lors des 20e Assises d’ORL de Nice du 25 au 27 janvier, le plus important congrès au niveau national en formation médicale continue.