Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Christian Estrosi : « Ce GP doit avoir une identité »

Président du Grand Prix de France, le maire de Nice est en pole position pour raconter l’aventure

- RECUEILLI PAR DENIS CARREAUX ET PHILIPPE CAMPS

Depuis le début du projet, Christian Estrosi est à fond. Pas une fois il n’a effleuré la pédale de frein. Pourtant, il n’imaginait pas se retrouver un jour organisate­ur d’un Grand Prix de F1. « Je n’étais pas destiné à ça », dit-il avec un petit sourire en coin.

Le retour du Grand Prix de France, c’est le retour de la France qui gagne...

Ces dernières années, la France a souvent mené des combats devant les organisati­ons internatio­nales afin de récupérer des grands événements. Comme les JO que nous aurons de nouveau grâce à Paris-. Notre pays avait un autre devoir : retrouver l’organisati­on d’un Grand Prix de F. Il y avait bien eu des tentatives. Cette fois, on y est.

C’est une aventure un peu folle, non ?

Il y a deux ans, je me suis retrouvé avec deux personnali­tés françaises engagées dans la F. Je peux citer leurs noms : Éric Boullier, patron de McLaren, et Cyril Abiteboul, le directeur de Renault Sport. Au départ, ils m’ont dit : ‘‘Vous êtes le patron de la région. Dans votre région, il y a un magnifique outil : le circuit Paul-Ricard. Si vous êtes prêt à relever ce défi, nous pouvons vous faciliter la mise en relation avec le boss de la F, Monsieur Bernie Ecclestone.’’ Je les ai entendu. Il fallait s’assurer que plusieurs collectivi­tés s’associent au projet. Par le passé, c’était la région Bourgogne qui était leader dans l’organisati­on du GP de France et propriétai­re du circuit de Magny-Cours. C’était alors la volonté du président François Mitterrand. On avait enlevé l’épreuve au Paul-Ricard en  pour le transférer à Magny-Cours sur des investisse­ments publics. Je me suis dit pourquoi ce qui déontologi­quement était acceptable en  ne le serait pas en . Sachant que mieux que MagnyCours, Paul-Ricard est un circuit privé. On s’est mis au travail. Ça n’a pas été simple. Bernie Ecclestone avait des réticences à l’égard de la France. Il avait connu des déceptions. Il était échaudé. Il a fallu le convaincre que nous étions des gens sérieux, crédibles. Les discussion­s ont été sévères, serrées. De notre côté, nous voulions que l’investisse­ment se fasse sur la durée. J’ai dit : ‘‘c’est cinq ans minimum’’. Et on a topé pour cinq ans.

Nous voilà à quatre mois du  juin. La pression monte ?

Il y a évidemment une grosse responsabi­lité sur mes épaules. J’ai accepté de prendre le risque. Je l’ai relevé. Pour l’équilibre du budget du Grand Prix, il y a des contributi­ons des collectivi­tés au GIP. Mais ça ne représente que  %. Le reste, il faut le boucler avec les annonceurs et la billetteri­e. Je ne peux pas me permettre le moindre déficit. Mais je suis plutôt rassuré parce que les deux tiers des billets sont déjà partis. L’enthousias­me est là. Les ‘‘pass  jours’’ se sont vendus à une vitesse inouïe. Les hôteliers et les loueurs ressentent aussi cet engouement. Les indicateur­s cette semainelà sont à un niveau quasi maximum. Le  juin est une très bonne date. L’idéal pour les profession­nels du tourisme. Il y a, il faut le noter, un gros engagement des collectivi­tés.

Bref, tout le monde est concerné...

L’État joue aussi le jeu. Le président Macron devrait être là le jour du Grand Prix. Tous les moyens de sécurité seront mobilisés. Le gouverneme­nt est à nos côtés. La Fédération internatio­nale et Jean Todt sont eux aussi présents et bienveilla­nts.

Ceux qui ne seront pas au Castellet seront devant TF ?

C’est un véritable atout. Une diffusion gratuite et ouverte sur la TNT n’est pas anodine. La course rentrera chez tout le monde. Ce qui n’était plus le cas.

Une semaine avant se déroulent les  Heures du Mans...

Nous nous parlons avec Pierre Fillon, président de l’Automobile Club de l’Ouest, afin de mettre sur pied des opérations promotionn­elles en commun. Tout ça reposition­ne fortement la France dans le sport automobile.

Les Français sont de nouveau en nombre dans le monde de la F...

Toutes les planètes semblent bien alignées. On a ce que j’appelle une ‘‘French Connection’’ : trois directeurs d’écurie (Boullier, Abiteboul, Vasseur), trois pilotes (Grosjean, Ocon, Gasly). Six raisons d’être optimiste. Puisque nous parlons des Français, j’associe Jean Alesi, qui est un peu le maître à penser du nouveau circuit Paul-Ricard. Avec Yannick Dalmas, avec Patrick Tambay. Mais aussi Alain Prost. Ces figures emblématiq­ues de la F sont très présentes et nous aident énormément. Ils sont nos porte-parole.

Comment imaginez-vous la course?

On a toutes les chances d’avoir un Grand Prix spectacula­ire. Passionnan­t. Sur le Paul-Ricard que je connaissai­s, sur lequel je roulais, il était très difficile de dépasser. Avec l’accord de la FIA, il y a eu trois gros chantiers : sur le S de la Verrerie, sur le virage du Camp et celui du Pont. Cette fois il y aura des dépassemen­ts et des re-dépassemen­ts. Les pilotes ont tous validé ce nouveau tracé.

Un Grand Prix de F peut-il être une fête populaire ?

C’est notre voeu. Notre mission. On veut donner à ce Grand Prix une identité. Monaco a une identité. On est dans les rues de la Principaut­é. Au Castellet, on est dans le Sud. On souhaite donner une image azuréenne et provençale de l’événement. Il y aura un village de   m dédié à nos traditions. On mangera des calissons ou de la socca. Il y aura des terrains de pétanque. On montrera le savoir-faire de chez nous. La patrouille de France et la garde républicai­ne seront là. Il y aura un grand concert, donné par un artiste français de dimension internatio­nale le soir. La piste appartiend­ra au public. L’enjeu est d’en faire un moment populaire. En amont, nous allons d’ailleurs monter des événements à Nice, Toulon et Marseille. Sachez déjà qu’une ou deux F devraient tourner sur la Promenade des Anglais. Ce sera très probableme­nt une Renault. On jouera le ‘‘made in France’’. Ce pourrait même être deux Renault : une d’aujourd’hui et une d’hier avec Alain Prost au volant !

Le partenaria­t avec Renault est important ?

Très important. L’emblème de Renault sera très présent. La marque devrait privatiser une tribune complète de   places qui portera ses couleurs.

Quels souvenirs avez-vous de ce circuit Paul-Ricard?

Dans la vie, il y a des choses surprenant­es. On est parfois poursuivi et rattrapé par des choses qu’on ne cherchait pas forcément. Des choses qu’on avait enfouies ou oublié. J’ai eu une carrière de sportif de haut niveau. Puis j’ai tourné la page. J’ai rangé la moto. J’avais  ans. C’était en . Même si l’année d’après, j’ai fait une saison de championna­t d’Europe de Formule . Je suis passé à autre chose. J’ai fait du vélo, de la course à pied, de l’escalade. Bref, j’avais zappé les sports mécaniques. Et puis un jour, il se passe un truc et le passé ressurgit. J’ai retrouvé le Paul-Ricard. Là où j’avais fait ma première course sur circuit en . Soudain, tout est revenu. J’ai revécu mes plus belles courses avec Giacomo Agostini, avec Johnny Cecotto, Barry Sheene, Steve Baker. Mais aussi Patrick Pons, Christian Sarron, Michel Rougerie, Yvon Duhamel et tous mes potes de l’époque. Les images sont remontées : mes victoires, mes chutes, mes podiums, mes dépassemen­ts... On a un petit ordinateur dans la tête. On n’oublie rien. Rien. Forcément, j’ai cette petite part d’émotion que je dois laisser de côté parce que ma responsabi­lité publique doit dépasser tout ça. Mais ça fait partie de moi. Des années après je suis dans un autre rôle. On appelle ça les circonstan­ces de la vie ou le destin.

‘‘ Les planètes semblent bien alignées” ‘‘ Le président Macron devrait être là ”

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(Photo Dominique Leriche)
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