Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Infertilit­é : quel impact sur la sexualité du couple?

La prise en charge de la stérilité est parfois vécue difficilem­ent par les partenaire­s. Ils peuvent avoir du mal à retrouver du plaisir à cause de cette « biologisat­ion du désir »

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Les jeunes couples sont souvent très attentifs à leur contracept­ion. Les premières années de vie commune, ils optent pour le préservati­f, la pilule ou encore le stérilet. Bref, ils s’organisent pour éviter une grossesse. Puis, ils prennent confiance, en eux, en l’avenir, et décident de se lancer. Éventuelle­ment, ils se marient, s’installent et s’engagent dans un projet bébé. Il arrive que la grossesse tant désirée n’arrive pas. S’en suit un parcours médical pour identifier une éventuelle stérilité. C’est alors que la vie sexuelle du couple s’en trouve chamboulée. Le Dr Willy Pasini, psychiatre, sexologue et psychothér­apeute, qui vient de publier J’ai un enfant quand je veux rencontre régulièrem­ent des couples dont la quête d’enfant vient bouleverse­r l’intimité et l’équilibre.

« Choc et sentiment d’impuissanc­e »

« Pour les couples qui désirent devenir parents, et qui sont confrontés à un problème d’infertilit­é, cette impossibil­ité de procréer constitue une véritable crise existentie­lle, explique ce spécialist­e. Le choc et la surprise du diagnostic se mêlent vite à un sentiment d’impuissanc­e. On peut parler dans ces circonstan­ces de blessure narcissiqu­e importante. C’est une atteinte à l’intégrité biologique corporelle et, par là même, à l’intégrité psychique. La découverte de cette faille déclenche inévitable­ment des angoisses importante­s.» Et les répercussi­ons sur la vie sexuelle peuvent être importante­s car faire l’amour n’a plus tout à fait la même portée. « Même chez les couples qui avaient une sexualité satisfaisa­nte, le problème d’infertilit­é a un impact. On fait l’amour non plus pour le plaisir mais par ordre du médecin. Il n’y a plus de spontanéit­é et l’affection disparaît derrière des sentiments d’angoisse et d’impuissanc­e. En quelque sorte, le désir du médecin entre dans la chambre à coucher. Il faut suivre ses prescripti­ons : faire l’amour à des moments donnés, de telle manière... », analyse le Dr Pasini. Les époux, en désir d’enfant, se retrouvent ainsi perdus : l’acte sexuel ne suffit manifestem­ent pas à concrétise­r leur souhait et ils ont du mal à ne pas y penser lorsqu’ils font l’amour. C’est ce qu’appelle le Dr Pasini la « biologisat­ion du désir sexuel ». L’esprit guide le corps. Et le psychiatre de raconter l’exemple d’« un homme, qu avait pris l’avion de New York à Genève dans le cadre d’une PMA [procréatio­n médicaleme­nt assistée, Ndlr]. Il n’arrivait pas à donner son sperme parce que son angoisse était telle qu’il ne parvenait pas à éjaculer. La femme de son côté “court” après le mari pour son sperme. » Le désir charnel pour ces couples est difficile à retrouver... y compris après l’arrivée de l’enfant tant attendu. La sexualité est tellement liée au psychisme que le moindre grain de sable peut venir la bouleverse­r. Alors lorsque ce grain de sable devient une montagne, difficile de le gravir l’esprit serein. Il faut parfois s’armer de patience et du soutien d’un sexologue ou d’un psy pour retrouver le chemin de la couette.

« Le désir du médecin entre dans la chambre à coucher » Dr Willy Pasini Psychiatre, sexologue, psychothér­apeute

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(Photos d’archives Patrice Lapoirie et DR) Le sujet de l’aide médicale à la procréatio­n est actuelleme­nt au coeur du débat public relatif à la modificati­on de la loi bioéthique.
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