Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Bargème, hors du temps
Rejoindre «le toit du Var», que ce soit à partir de Grasse par la Route Napoléon ou à partir de Draguignan après avoir traversé le camp militaire de Canjuers, cela se mérite car il ne faut pas compter les virages. Partir à la découverte, même en plein hiver de Bargème, ce bourg féodal du XIIe siècle accroché sur les flancs abrupts de la montagne de Brouis, officiellement classé plus haut village du Var à 1097 mètres d’altitude, il faut aimer les vieilles pierres, vestiges du passé. Quand enfin garé sur le petit parking devant une des vieilles portes fortifiées, on descend de la voiture, un panorama exceptionnel nous attend et un silence presque inquiétant nous surprend. Et vous voilà parti à la découverte de ce village hors du temps, avec ses sept habitants au village l’hiver, ses petites rues vides, son labyrinthe d’escaliers en pierres, les vestiges du château Sabran de Pontevès, son petit cimetière avec ses croix rouillées. Elles parlent ces pierres. On a l’impression que le sol raconte l’Histoire. Elles dégagent une sérénité malgré le vent vif qui s’engouffre entre les maisons.
Hugues Liberato, céramiste. En bas du village, «la porte de Garde» franchie, Hugues Liberato, céramiste installé depuis quatre ans au village, aidé par François Meugneux préparent la fermeture de la boutique «l’Esprit des Collines» qui réunit antiquités, objets de décoration, céramiques. Pour Hugues, qui a quitté Agay et le bord de mer pour s’installer à Bargème; «c’est un des rares endroits où l’on éprouve un sentiment de liberté, on voyait les jeunes partir, maintenant ou ils reviennent ou ils restent. Le village se visite toute l’année, on ne se sent pas du tout isolé. On est à trente cinq minutes de Draguignan. Une heure et quart de la mer. En revanche, on a toujours un paquet de pâtes d’avance dans le placard».
Quand à François, décorateur à Comps, installé dans un des huit hameaux depuis 25 années: « j’ai fait le choix d’une vie plus saine et j’ai priorisé une qualité de vie. Cela a été une décision, une volonté. On a un cercle d’amis et de connaissances pour ne jamais s’ennuyer».
Sylvie Delobel, la globetrotteuse reconvertie. À quelques maisons de là, Sylvie Delobel, après avoir parcouru le monde pendant vingt années et tenu une boulangerie bio en Nouvelle Zélande, a choisi de poser ses valises avec sa petite fille Mia à Bargème. Ele a fait le pari d’installer son laboratoire de Bliss Balls (barres énergétiques vegan, sans gluten, sans sucre et sans conservateur) dans une vieille maison qu’elle loue à la mairie. Depuis le plus haut village du Var, Sylvie fabrique elle-même ses boules énergétiques, parcourt la côte pour approvisionner ses soixantedix points de vente et expédie depuis Comps ses commandes internet en colissimo. « Vivre ici, cela remet de la simplicité dans la vie, c’est une connection avec la nature. Certes il faut anticiper son approvisionnement en bois, chausser les pneus neige dès le mois de novembre et prévoir une pelle et des chaînes dans la voiture».
Elsa, sculpteur. «Sensible aux beaux endroits sauvages et isolés», la sculpteur Elsa, 37ans, a fait un choix de vie avec son compagnon. Attachée à l’identité du village, elle s’est installée voici une dizaine d’années. Dans son atelier, l’ardoise guide les pas d’Elsa qui sculpte des pièces qui vont de quelques centimètres à plusieurs mètres sur le thème du végétal. Depuis le plus haut village du Var, elle prépare également ses expositions régionales ou internationales à travers l’Europe : «dans cet environnement propice, je peux travailler tranquillement, c’est pas Saint-Tropez». Pour ce qui est de l’hiver, cela demande une organisation (supermarché à Draguignan 40 kms, le pain 10 kms aller-10 kms retour) et «cela développe une imagination pour les recettes de cuisine au quotidien. Ici tout le monde se connaît, on est solidaire, on se dépanne en cas de besoin».
Catherine Lassalle, la boutique du Terroir. Catherine est installée depuis presque trente années sur la commune. À deux pas des quatre tours du Château et sur le parvis de l’église du XVIIe siècle, elle ouvre presque toute l’année sa boutique du terroir «le Goustadou»: «l’hiver je monte le week-end quand il fait beau et pendant les vacances scolaires». Plus qu’une boutique avec sa petite terrasse où l’on peut prendre un verre de rosé l’été ou un thé l’hiver, Catherine propose de découvrir les gâteaux de Trigance, la charcuterie de Bargème, les fromages du terroir : c’est «un lieu de rencontre, un lieu de partage. J’ouvre pour rencontrer des gens.«Ici on vit avec les saisons. Si on a choisi de vivre là, c’est un choix dans les tripes. L’hiver, «le silence interpelle. Ces vieilles pierres dégagent une énergie positive ».