Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les étapes clés d’une l’affaire à rebondissements
Rarement cambrioleurs se sont montrés aussi gonflés. Être capable de venir, de rester, de revenir, semaines après semaines, dans une petite zone de quelques kilomètres, parmi les villas du Revest et du chemin de la Carraire à Toulon. Cambrioler une maison, celle du voisin, puis le voisin du voisin. Sans se faire prendre. « Au début, on a monté des dispositifs de surveillance en civil. On y a même été en faisant les joggers », grince un policier. « Ensuite, au contraire, on a mis des uniformes sur la voie publique, pour être dissuasif. Même un hélico avec caméra thermique, on a tout fait. » Mais c’est une autre caméra qui a fait basculer l’enquête.
Entre chien et loup, avec des chaussettes
Les voleurs agissent en fin de journée, entre chien et loup. Se glissent dans les jardins, fracturent fenêtres ou baies vitrées avec le plat d’une clé à roue, les mains enfilées dans des chaussettes (sic), pour ne pas laisser d’empreintes digitales. Aucun sac sur le dos. Bijoux et argent liquide finissent dans les poches intérieures du blouson. Furtifs, rapides, précis. Après des semaines de déveine, les policiers tiennent enfin une piste. Rien de moins qu’un film montrant les cambrioleurs en action.
Dans une villa, une caméra se déclenche
À l’intérieur d’une villa, une caméra de surveillance se déclenche discrètement au passage du duo. Cela n’empêche pas le vol, mais au moins, une image apparaît. En noir et blanc, braquée sur un bout de pièce et de couloir. Deux hommes en action. Ils sont parfaitement reconnaissables… Mais ce sont de parfaits inconnus. Une fiche de diffusion est lancée par la police nationale. Dans le village, des photos circulent et se montrent discrètement. « Peutêtre qu’on les reconnaîtra », espère-t-on autour d’un café. Cela n’empêche pas les voleurs de revenir encore au Revest, pour deux cambriolages, mi-décembre.
Point décisif marqué par les gendarmes
C’est dans les Bouches-duRhône que l’enquête franchit une étape décisive. Des gendarmes en patrouille remarquent deux hommes dont le comportement est jugé suspect. Ils les contrôlent, vérifient leurs identités, voient un pied-de-biche dans leur voiture. Personne n’est inquiété, puisqu’aucune infraction n’est constatée. Mais les gendarmes ont de la mémoire. Mi-janvier, en consultant la fiche émise dans le Var, ils reconnaissent vite le visage de leurs visiteurs.
Tribulations en France et polices européennes
Les policiers toulonnais vont alors embrayer sur une phase d’investigations intenses, sept jours sur sept, parfois de nuit. L’intégralité de la brigade anti-cambriolages est mise à contribution, par roulement. Avec des coups de chaud. Sur le même mode opératoire, les cambrioleurs sévissent ailleurs. À Sanary, Saint-Cyr, ou Saint-Zacharie, mais aussi dans l’est des Bouches-du-Rhône, à Auriol ou Aubagne. Deux grandes villes du sud leur servent de pied à terre. Ils disparaissent, sont relocalisés. Se déplacent beaucoup. Insaisissables ? Depuis Toulon, la juge d’instruction passe à l’action et lance un mandat d’arrêt européen, alors que les deux hommes ont pris la route. Rapidement prévenue, la police italienne réagit avec célérité. Le suspect n° 1 est arrêté en premier, en Italie, mais le second n’est pas là. C’est plus loin, à un poste frontière en Croatie qu’il est stoppé. Rattrapé de justesse, avant de s’évanouir dans la nature ?
Qui sont ces deux hommes ?
Désormais, les policiers ont deux prénoms et un même patronyme – frères, cousins? – de nationalité albanaise. L’un des enquêteurs les décrit comme faisant partie «d’un groupe très aguerri, des gars sérieux, hyperprudents, qui ne font pas d’erreur ». S’ils n’ont pas laissé d’empreintes digitales derrière eux, les voleurs ont peutêtre semé de l’ADN. L’enquête se poursuit dans les laboratoires de la police scientifique, qui cherche à établir des profils, qui auraient commencé à « matcher ». La France attend désormais le transfert des deux hommes vers Toulon, où ils seront présentés à la juge d’instruction. Ils pourront répondre, s’expliquer et se défendre.