Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« On recherche notre histoire avec cette personne manquante » Témoignage

C’est à l’âge de 39 ans, un an après la mort de son père, que Marc découvre qu’il est issu d’un don de sperme. «J’ai un père, un seul. Mais j’aimerais accéder à mes origines »

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Marc a un père. Un seul. Celui qui assistait à sa naissance quelque 40 années plus tôt. Et qui s’est éteint il y a deux ans, sans jamais confier à Marc le secret de sa naissance: «J’ai été conçu en 1977, à partir d’un don de sperme frais. Deux ans plus tard, ma soeur naissait, elle aussi issue d’un don.» Le jeune médecin azuréen ne dispose de ces éléments que depuis très peu de temps. Pourtant, il a le sentiment d’avoir toujours su. «Petit, j’entendais souvent: “Cet enfant ne ressemble à personne !” Je suis plutôt grand et mince, quand mon père était trapu…» Mais c’est à l’occasion d’un cours de biologie que la vérité va jaillir, brutale. « On étudiait les groupes sanguins, et je me suis aperçu qu’il y avait une incohérenc­e entre le mien et celui de mes parents [le groupe sanguin d’un enfant est fonction de celui de ses parents, Ndlr]. Étrangemen­t, j’ai aussitôt oublié cet épisode.»

«Tu ne seras jamais comme lui»

Marc sait, mais inconsciem­ment, accepte-t-il de savoir? Il refusera ainsi de saisir certaines perches qui lui seront tendues. « Je me souviens, adolescent de cet échange avec ma mère: “Je ne veux pas être comme papa!”, lui avais-je dit dans un moment de colère contre lui. Elle m’avait lancé: “Tu ne seras jamais comme lui!” S’agissait-il d’une remarque banale pour apaiser les tensions, ou d’un message subliminal faisant référence à la génétique?» S’il ne saisit pas ces perches, Marc tient néanmoins des propos surprenant­s. « À deux ou trois reprises, des amis m’ont dit: “On a croisé ton sosie dans la rue !” Et à chaque fois, j’ai eu cette réponse : “C’est normal, j’ai été fait avec un donneur!” En réalité, j’avais des doutes, mais jamais au point de remettre en question ma filiation.» Quand, après la mort de leur père, sa soeur – informée depuis 6 ans des origines de leur naissance –, confie à Marc: «Il y a des secrets dans la famille, il faut que tu en parles à maman», il sourit : «Je ne vais quand même pas apprendre à 40 ans que j’ai été fait avec un donneur!» Il se rend néanmoins chez sa mère et l’interroge aux détours d’une conversati­on: « Alors, vous avez eu des difficulté­s à nous avoir ?» «Tu as été fait avec un donneur, tu le savais, non?» «Non, répond Marc, je ne le savais pas.» Il y aura des larmes bien sûr, mais ce dont se souvient le plus douloureus­ement Marc, c’est d’apprendre aussi ce jour-là que sa soeur et lui n’étaient pas issus du même donneur. manquante», insiste Marc. Avant de confier: «Je regrette que mon père soit mort sans que nous ayons pu discuter de ça ensemble. Je pense que c’est lui qui a le plus souffert, à cause du poids du secret.» Même si, selon sa soeur, leur père lui-même avait fini par «oublier» l’origine de leur naissance, dans une forme de déni. « Plus jamais, après notre naissance, nos parents n’ont abordé le

sujet. » aux milliers d’autres Français, jeunes ou moins, issus de dons, le caractère irréversib­le de l’anonymat étant inscrit dans la loi. «Ceux qui sont déjà nés aimeraient simplement qu’une instance puisse contacter le donneur de sperme et lui demander s’il est disposé à confier quelques éléments sur sa vie.»

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