Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« Nous voulons faire sauter les verrous dans l’immobilier »
Julien Denormandie, secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires, se rend au Mipim de Cannes aujourd’hui et demain. Il évoque le projet de loi sur le logement qu’il portera le 4 avril
Il est à l’image de la génération Macron. Jeune, fort d’une ascension fulgurante et mu par une soif réformatrice. Julien Denormandie, secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires, ex-secrétaire général adjoint d’En Marche !, avait pourtant failli quitter la politique pour le privé, avant d’être appelé au gouvernement par son mentor. Discret, Julien Denormandie s’apprête, à 37 ans, à porter au-devant de la scène médiatique le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Il le présentera en conseil des ministres le 4 avril avec son ministre de tutelle, Jacques Mézard. Julien Denormandie lui emboîte précisément le pas aujourd’hui et demain, à Cannes, afin d’arpenter les allées du Mipim, le Marché international des professionnels de l’immobilier.
Quel message venez-vous porter au Mipim, dans la foulée de votre ministre de tutelle ?
Le principal message, c’est que l’immobilier, longtemps perçu comme un secteur d’inertie, est aujourd’hui en plein dynamisme. La France a toutes les armes pour devenir un leader, une capitale mondiale de l’innovation dans ce domaine. Il existe start-up, mais surtout un savoir-faire qui se développe considérablement !
L’innovation vise-t-elle à combler un retard pris en la matière ?
Elle est importante pour trois raisons. D’abord, le logement est au service des Français, à travers les objets connectés, l’accessibilité, l’écologie. Ensuite, c’est un vrai enjeu de gain économique pour faire diminuer les coûts de la construction, à l’image de ces logements qui adaptent la température à vos besoins réels. Enfin, c’est une source de création d’emploi, dans un secteur qui représente deux millions de salariés mais qui n’a pas l’habitude d’investir dans la recherche et le développement. Si nous sommes les premiers à prendre ce virage technologique, c’est autant de savoir-faire français qui sera exporté à l’international. Or le Mipim en est une vitrine.
Comment s’articule le projet de loi Elan que vous présenterez avec Jacques Mézard le avril ?
Ce projet de loi ne s’intitule pas « logement » mais « logement, aménagement et numérique ». Car nous travaillons beaucoup à la rénovation des coeurs de ville pour les villes secondaires, mais aussi au développement du numérique. D’où le deal que j’ai signé avec les opérateurs de téléphonie mobile : ils vont investir trois milliards d’euros supplémentaires pour apporter infrastructures nouvelles de téléphonie mobile, dont certaines mutualisées - en particulier dans les zones rurales -, et permettre à communes de passer à la G d’ici . Tout ceci est essentiel pour réduire la fracture numérique.
« Construire plus, mieux et moins cher »
: voilà la stratégie affichée du gouvernement. Si le slogan est séduisant, comment faire ?
C’est tout l’enjeu du projet de loi Elan, qui doit aussi tenir compte de la spécificité des territoires. Nous devons agir sur tous les leviers. Premier levier : les terrains. Il faut créer un choc pour libérer un nombre significatif de terrains constructibles. Nous avons donc pris des dispositions pour inciter les propriétaires à vendre avant , en accordant un abattement très significatif sur la plus-value immobilière. Autre levier : les normes. Nous avons décidé de marquer une pause normative sur le quinquennat - sauf pour les normes de sécurité ou déjà votées et de simplifier l’existant. Le code de la construction compte pages, il est plus épais que le code civil ! Troisième levier : les recours abusifs. Nous allons encadrer les délais et imposer de regrouper les griefs, afin de lutter contre les professionnels de ces recours.
La loi Elan entend réformer les bailleurs sociaux. Prévoyez-vous de les mutualiser et d’élargir leur champ d’action, à l’instar de l’office HLM de la Drôme, qui a réalisé des maisons médicales ?
On s’est engagé avec les bailleurs sociaux - et je dis bien “avec” - dans une réforme structurelle. Il y a un vrai manque de logements sociaux, notamment dans votre région. En France, c’est , millions pour , million en attente ! Cette réforme vise d’abord à regrouper les entités, pour leur octroyer une plus forte capacité de financement et d’accueil des publics les plus fragiles. En parallèle, on améliore considérablement l’aide à la construction. Deuxième point : simplifier le métier des bailleurs sociaux. Troisième point : faciliter l’accession sociale, en permettant de vendre plus facilement les logements sociaux aux locataires. Aujourd’hui, il y a ventes par an : c’est extrêmement faible... Il faut donc faire sauter les verrous. Pour un logement vendu, c’est deux à trois logements construits.
Vous réformez aussi les modes d’attribution des logements ?
L’enjeu est de créer plus de fluidité et de transparence. Pour cela, on introduit des systèmes de cotation, permettant de comprendre sur quels critères sont réalisées les attributions. Pour gagner en fluidité, la commission proposera tous les six ans un logement mieux adapté aux besoins du locataire. Si vous proposez d’économiser euros en passant d’un T à un T, vous créez de la mobilité ! Cette fluidité est essentielle.
La baisse de euros des APL avait été très mal perçue. Et l’effort demandé aux bailleurs sociaux est resté lettre morte...
Il y avait deux sujets différents. Cette baisse résultait d’une décision budgétaire du gouvernement précédent ; nous avons pris nos responsabilités. Aujourd’hui, le but n’est pas de subventionner encore et encore un système qui coûte milliards d’euros à l’Etat (soit la moitié du budget de la Défense nationale), mais d’améliorer les financements à l’entrée, afin de favoriser l’aide à la création de logements. Ce que nous faisons avec la Caisse des dépôts. Et ce, sans impact sur les allocataires.
Quelles garanties apportez-vous aux propriétaires ?
Dans le projet de loi Elan, nous encourageons les partenariats afin de développer la construction. Pour les propriétaires-bailleurs, nous avons massivement prolongé et renforcé les dispositifs fiscaux Pinel et PTZ. Quant aux propriétaires de logements vacants, je leur lance un appel : mettez-les sur le marché !
Sauf que ces propriétaires ont souvent peur ou sont échaudés...
Il faut apaiser la relation entre locataires et propriétaires. Ce déficit de confiance est aussi lié à certaines caricatures. Pour rendre la confiance aux propriétaires, nous développons des garanties type Visale, qui protègent contre les impayés pendant trois ans, ou le dispositif Solibail, grâce auquel une association s’occupe de tout, y compris de la remise en état.
Comment endiguer les dérives liées aux plateformes de location touristique type AirBnB ?
Ces plateformes permettent à certains d’augmenter leur pouvoir d’achat, à d’autres de se déplacer plus facilement : c’est très bien. Après, il y a des règles. Ce n’est pas la loi de la jungle ! Sinon à la fin, un certain nombre de logements est retiré du parc locatif. Nous allons renforcer les sanctions quand les règles ne sont pas respectées.
Vous aviez estimé sur France Inter à le nombre de SDF qui dorment dans la rue à Paris. C’était une bourde qui a pu nuire à votre image ?
« une cinquantaine » Je parlais d’un point bien précis : des personnes qui appellent le Samu social en fin de journée, et qui ne sont pas prises en charge. Je m’en veux si mes propos n’étaient pas assez explicites... Je suis au jour le jour sur le terrain, bien conscient des réalités.
Vous avez porté la loi olympique avec Laura Flessel. Les JO , même à Paris, est-ce un facteur de développement du territoire jusque sur la Côte d’Azur ?
Bien sûr ! Il y a des sites d’épreuve, des centres d’entraînement, des lieux d’accueil des athlètes dans toute la France. Les JO, c’est une chance pour tous les territoires. Et ce sont les JO de tous les Français.