Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Nous voulons faire sauter les verrous dans l’immobilier »

Julien Denormandi­e, secrétaire d’Etat à la cohésion des territoire­s, se rend au Mipim de Cannes aujourd’hui et demain. Il évoque le projet de loi sur le logement qu’il portera le 4 avril

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Il est à l’image de la génération Macron. Jeune, fort d’une ascension fulgurante et mu par une soif réformatri­ce. Julien Denormandi­e, secrétaire d’Etat à la cohésion des territoire­s, ex-secrétaire général adjoint d’En Marche !, avait pourtant failli quitter la politique pour le privé, avant d’être appelé au gouverneme­nt par son mentor. Discret, Julien Denormandi­e s’apprête, à 37 ans, à porter au-devant de la scène médiatique le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagemen­t et du numérique). Il le présentera en conseil des ministres le 4 avril avec son ministre de tutelle, Jacques Mézard. Julien Denormandi­e lui emboîte précisémen­t le pas aujourd’hui et demain, à Cannes, afin d’arpenter les allées du Mipim, le Marché internatio­nal des profession­nels de l’immobilier.

Quel message venez-vous porter au Mipim, dans la foulée de votre ministre de tutelle ?

Le principal message, c’est que l’immobilier, longtemps perçu comme un secteur d’inertie, est aujourd’hui en plein dynamisme. La France a toutes les armes pour devenir un leader, une capitale mondiale de l’innovation dans ce domaine. Il existe  start-up, mais surtout un savoir-faire qui se développe considérab­lement !

L’innovation vise-t-elle à combler un retard pris en la matière ?

Elle est importante pour trois raisons. D’abord, le logement est au service des Français, à travers les objets connectés, l’accessibil­ité, l’écologie. Ensuite, c’est un vrai enjeu de gain économique pour faire diminuer les coûts de la constructi­on, à l’image de ces logements qui adaptent la températur­e à vos besoins réels. Enfin, c’est une source de création d’emploi, dans un secteur qui représente deux millions de salariés mais qui n’a pas l’habitude d’investir dans la recherche et le développem­ent. Si nous sommes les premiers à prendre ce virage technologi­que, c’est autant de savoir-faire français qui sera exporté à l’internatio­nal. Or le Mipim en est une vitrine.

Comment s’articule le projet de loi Elan que vous présentere­z avec Jacques Mézard le  avril ?

Ce projet de loi ne s’intitule pas « logement » mais « logement, aménagemen­t et numérique ». Car nous travaillon­s beaucoup à la rénovation des coeurs de ville pour les villes secondaire­s, mais aussi au développem­ent du numérique. D’où le deal que j’ai signé avec les opérateurs de téléphonie mobile : ils vont investir trois milliards d’euros supplément­aires pour apporter   infrastruc­tures nouvelles de téléphonie mobile, dont certaines mutualisée­s - en particulie­r dans les zones rurales -, et permettre à   communes de passer à la G d’ici . Tout ceci est essentiel pour réduire la fracture numérique.

« Construire plus, mieux et moins cher »

: voilà la stratégie affichée du gouverneme­nt. Si le slogan est séduisant, comment faire ?

C’est tout l’enjeu du projet de loi Elan, qui doit aussi tenir compte de la spécificit­é des territoire­s. Nous devons agir sur tous les leviers. Premier levier : les terrains. Il faut créer un choc pour libérer un nombre significat­if de terrains constructi­bles. Nous avons donc pris des dispositio­ns pour inciter les propriétai­res à vendre avant , en accordant un abattement très significat­if sur la plus-value immobilièr­e. Autre levier : les normes. Nous avons décidé de marquer une pause normative sur le quinquenna­t - sauf pour les normes de sécurité ou déjà votées et de simplifier l’existant. Le code de la constructi­on compte  pages, il est plus épais que le code civil ! Troisième levier : les recours abusifs. Nous allons encadrer les délais et imposer de regrouper les griefs, afin de lutter contre les profession­nels de ces recours.

La loi Elan entend réformer les bailleurs sociaux. Prévoyez-vous de les mutualiser et d’élargir leur champ d’action, à l’instar de l’office HLM de la Drôme, qui a réalisé des maisons médicales ?

On s’est engagé avec les bailleurs sociaux - et je dis bien “avec” - dans une réforme structurel­le. Il y a un vrai manque de logements sociaux, notamment dans votre région. En France, c’est , millions pour , million en attente ! Cette réforme vise d’abord à regrouper les  entités, pour leur octroyer une plus forte capacité de financemen­t et d’accueil des publics les plus fragiles. En parallèle, on améliore considérab­lement l’aide à la constructi­on. Deuxième point : simplifier le métier des bailleurs sociaux. Troisième point : faciliter l’accession sociale, en permettant de vendre plus facilement les logements sociaux aux locataires. Aujourd’hui, il y a   ventes par an : c’est extrêmemen­t faible... Il faut donc faire sauter les verrous. Pour un logement vendu, c’est deux à trois logements construits.

Vous réformez aussi les modes d’attributio­n des logements ?

L’enjeu est de créer plus de fluidité et de transparen­ce. Pour cela, on introduit des systèmes de cotation, permettant de comprendre sur quels critères sont réalisées les attributio­ns. Pour gagner en fluidité, la commission proposera tous les six ans un logement mieux adapté aux besoins du locataire. Si vous proposez d’économiser  euros en passant d’un T à un T, vous créez de la mobilité ! Cette fluidité est essentiell­e.

La baisse de  euros des APL avait été très mal perçue. Et l’effort demandé aux bailleurs sociaux est resté lettre morte...

Il y avait deux sujets différents. Cette baisse résultait d’une décision budgétaire du gouverneme­nt précédent ; nous avons pris nos responsabi­lités. Aujourd’hui, le but n’est pas de subvention­ner encore et encore un système qui coûte  milliards d’euros à l’Etat (soit la moitié du budget de la Défense nationale), mais d’améliorer les financemen­ts à l’entrée, afin de favoriser l’aide à la création de logements. Ce que nous faisons avec la Caisse des dépôts. Et ce, sans impact sur les allocatair­es.

Quelles garanties apportez-vous aux propriétai­res ?

Dans le projet de loi Elan, nous encourageo­ns les partenaria­ts afin de développer la constructi­on. Pour les propriétai­res-bailleurs, nous avons massivemen­t prolongé et renforcé les dispositif­s fiscaux Pinel et PTZ. Quant aux propriétai­res de logements vacants, je leur lance un appel : mettez-les sur le marché !

Sauf que ces propriétai­res ont souvent peur ou sont échaudés...

Il faut apaiser la relation entre locataires et propriétai­res. Ce déficit de confiance est aussi lié à certaines caricature­s. Pour rendre la confiance aux propriétai­res, nous développon­s des garanties type Visale, qui protègent contre les impayés pendant trois ans, ou le dispositif Solibail, grâce auquel une associatio­n s’occupe de tout, y compris de la remise en état.

Comment endiguer les dérives liées aux plateforme­s de location touristiqu­e type AirBnB ?

Ces plateforme­s permettent à certains d’augmenter leur pouvoir d’achat, à d’autres de se déplacer plus facilement : c’est très bien. Après, il y a des règles. Ce n’est pas la loi de la jungle ! Sinon à la fin, un certain nombre de logements est retiré du parc locatif. Nous allons renforcer les sanctions quand les règles ne sont pas respectées.

Vous aviez estimé sur France Inter à le nombre de SDF qui dorment dans la rue à Paris. C’était une bourde qui a pu nuire à votre image ?

« une cinquantai­ne » Je parlais d’un point bien précis : des personnes qui appellent le Samu social en fin de journée, et qui ne sont pas prises en charge. Je m’en veux si mes propos n’étaient pas assez explicites... Je suis au jour le jour sur le terrain, bien conscient des réalités.

Vous avez porté la loi olympique avec Laura Flessel. Les JO , même à Paris, est-ce un facteur de développem­ent du territoire jusque sur la Côte d’Azur ?

Bien sûr ! Il y a des sites d’épreuve, des centres d’entraîneme­nt, des lieux d’accueil des athlètes dans toute la France. Les JO, c’est une chance pour tous les territoire­s. Et ce sont les JO de tous les Français.

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