Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Laporte : « Ce n’est pas ce que je recherchai­s »

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Douze années que l’Italie attendait un successeur à Filippo Pozzato. Alors quand Vincenzo Nibali a levé les bras quelques mètres avant la ligne d’arrivée, étant sûr de son succès, la Via Roma a vibré comme rarement. Une clameur incroyable, qui s’est même propagée dans la zone réservée à la presse. Sur le bord de la route, il y avait bien des supporters de Viviani ou Ulissi, mais la grande majorité des tifosi arborait des maillots à l’effigie du “Requin de Messine”. S’enthousias­mer pour le leader de Bahreïn est largement compréhens­ible. Hier, c’est lui qui a dynamité une course jusque-là soporifiqu­e, contrôlée par les Groupama-FDJ de Pour son premier Milan-Sanremo dans la peau d’un leader, Christophe Laporte a répondu présent. Ils n’étaient que 19 dans l’emballage final et seulement deux Français. C’est dire si la tâche de rejoindre Via Roma avec les meilleurs est difficile. Mais c’est le regard noir que le Varois a pourtant regagné son bus, à pieds, poussant son vélo sur sa roue arrière. Et pour cause, un accrochage dans le sprint l’empêcha de défendre pleinement ses chances. « Je suis déçu, ce n’est pas ce que je recherchai­s. J’étais bien dans le final, proche de Démare et Ewan. Mais au moment de lancer le sprint, j’ai dû mettre deux-trois coups Démare et les Bora de Sagan, en attaquant dans le Poggio à 7 kilomètres du terme. « Je ne suis pas du tout rapide et je devais inventer quelque chose. De mes courses passées, j’avais retenu la leçon que je devais finir en solitaire. Sinon, je serais toujours tombé contre plus fort au sprint, que ce soit Alaphilipp­e, Gilbert ou Sagan », a déclaré Nibali, justement 3e en 2012 derrière Gerrans et Cancellara. « J’y suis parvenu et cela me semble incroyable. J’en rêvais mais je ne m’attendais pas à gagner ».

En solitaire, une première depuis  ans

A sa dixième tentative, à 33 ans, celui qui compte déjà les trois grands Tours à son palmarès et deux Lombardie, a réussi à ajouter un deuxième “Monument”. Encore sur ses terres. Il a aussi dépoussiér­é une autre statistiqu­e, puisque cela faisait dix ans, et le succès de Cancellara, qu’un coureur n’avait pas fini en solitaire. Forcément, le Sicilien a été interrogé sur une hiérarchis­ation de tous ses succès. « Ils sont inclassabl­es. Ce qui est sûr, c’est que je m’en souviendra­i toute ma vie ». Il se souviendra également des dernières minutes de course et de la souffrance qui l’a accompagné. « Quand j’ai basculé en haut du Poggio en tête, je ne me suis pas posé de question, j’y suis allé à fond. Mais les deux derniers kilomètres m’ont paru interminab­les, horribles. Heureuseme­nt, de frein et j’ai tapé ma roue dans le dérailleur d’un autre coureur, deux fois, ça m’a cassé complèteme­nt ma roue avant, j’ai terminé comme j’ai pu. Tout ça pour une 13e place, c’est anecdotiqu­e », analysait quelques minutes plus tard le Garéoultai­s. A 12 kilomètres de l’arrivée, un premier coup du sort avait mis en difficulté les coureurs de la Cofidis. « On a eu notre lot de malchance avec la chute de Cavendish, qui met par terre Bonnafond et Turgis, ce qui laisse Christophe seul avant le Poggio », explique Cédric Vasseur le manager. « Il me manquait vraiment un coureur pour m’aider à me placer pour le sprint, reprend Laporte. il y a eu une grande émotion au bout ». Une joie derrière laquelle court toujours Peter Sagan, une nouvelle fois placé (6e), mais encore battu pour sa huitième participat­ion. Les deux hommes se retrouvero­nt le 1er avril dans le Tour des Flandres, le prochain “Monument” du calendrier. Sagan s’y est déjà imposé (2016). Nibali lui découvrira l’épreuve. « Même si j’ai un bon feeling avec les pavés, j’y irai surtout pour découvrir et apprendre ». Avec le champion italien, on est en droit d’attendre un nouveau coup d’éclat. Je n’ai pas réussi à bien me placer tout seul, j’ai pris des vagues. On n’a pas eu de réussite. Les jambes étaient bonnes, je n’étais pas à bloc, j’ai basculé en haut du Poggio dans les 10 premières places, c’est pour ça que je suis déçu ».

Vasseur : « Il prend la carrure d’un leader »

Autour du bus de l’équipe nordiste, il y avait bien sûr le regret de ne pas avoir pu défendre totalement ses chances, mais aussi le sentiment du devoir accompli. « Les gars ont été formidable­s, on a travaillé comme une vraie équipe pour Christophe, détaillait Roberto Damiani, le directeur sportif. Chapeau à eux. On a eu de la malchance mais c’est encouragea­nt pour la suite ». La suite, c’est justement la campagne de classiques, où le natif de La Seyne-sur-Mer aura encore les pleins pouvoirs. « Même s’il est un peu déçu, Christophe continue sa progressio­n, il s’émancipe tout doucement, il prend la carrure d’un leader, assure Vasseur. Quand on est capable de faire ce qu’il a fait aujourd’hui, on peut être optimiste pour GandWevelg­em, le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix ». Mais hier soir il était encore trop tôt pour évoquer l’avenir avec le Varois. Malgré le réconfort de ses proches venus à Sanremo, le coureur ne pensait qu’à son sprint avorté. « Oui, il y a encore de belles courses, mais celleci en était une très belle, donc ça fait chier ». Malgré la déception de son leader, Cédric Vasseur, lui, assumait complèteme­nt son choix de laisser Nacer Bouhanni à la maison. « Jen’ai aucun regret. Quand on voit le nombre de chutes, on peut aussi se dire qu’on est content qu’il ne soit pas au départ, car il aurait peut-être été dedans. Et puis, Nibali est un champion. Avec ou sans Nacer, on n’aurait pas pu gagner ».

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