Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Comte de Bouderbala: «Un métier trop noble pour aller le bousiller à la télé»

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC Sérénissim­es de l’humour. Mercredi 21 mars , à 20 heures. Grimaldi Forum à Monaco. Tarif : 40 Rens. 00.377.99.99.30.00.www.grimaldifo­rum.com 1. François-Xavier Demaison : jeudi 22 mars. Franck Dubosc : vendredi 23 mars

Il a joué aux Sérénissim­es de l’humour, à Monaco, au tout début de son parcours. Le voici de retour avec son deuxième spectacle, rodé au République à Paris (ex-Caveau de la République) racheté voilà cinq ans avec son producteur associé. Histoire de faire vivre un lieu de mémoire créé en 1901, tout en perpétuant la tradition du stand-up : «Un art oratoire très français, venu tout droit du vaudeville ».

À Monaco, vous êtes bien entouré?

Il y a tellement de bons comiques en France… Et c’est un métier si gratifiant ! Après, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Pour le coup, on nous confond souvent. L’autre jour, je vais prendre un café au bar du TGV, la vendeuse est comme une folle. Elle me dit: « Je suis allée vous voir sur scène, regardez j’ai encore mon ticket ! » Elle me tend un ticket… pour D’Jal. J’ai signé Tex!

En neuf ans, , million de spectateur­s auraient vu votre premier spectacle. Colossal!

Et sur le deuxième, on a déjà fait  entrées en un an et demi. On ne me voit pas beaucoup à la télé, donc je compte sur le bouche à oreille. Le public, c’est le patron.

On vous invite peu ? Ou vous déclinez ?

C’est compliqué d’être un comique à la télé. Et dévalorisa­nt. Je revendique mon statut de clown, mais c’est quand je veux. Je n’ai pas envie de me rouler par terre pour faire rigoler. Ça fait du mal au métier. Je respecte les gens qui le font,

mais ce n’est pas mon truc, ça ne me ressemble pas. Bon, je suis un mec bizarre aussi… Peut-être à l’ancienne. C’est un comparatif hasardeux, mais je me demande si les Gabin et Ventura auraient fait ça. C’est ch… de faire un métier noble pour aller le bousiller.

Vous n’iriez pas chez Hanouna ?

J’y suis passé une fois, chez Hanouna. En fin d’émission, histoire d’être poli et de dire bonjour. Mais ce genre de programme avec un animateur tout-puissant, des chroniqueu­rs qui se font mettre à l’amende et des invités qui n’ont même pas le temps de faire la promo et à qui on demande de faire des guignoleri­es, je ne vois pas l’intérêt. Limite si on n’essaie pas de les humilier. Aujourd’hui, les émissions sont faites non pas pour passer les plats aux invités, mais pour leur prendre la vedette. Ce qui n’est pas du tout le cas chez les Anglo-Saxons.

Comme chez Ruquier, où Audrey Pulvar vous a reproché un sketch sur les Roms ?

J’y reviens dans ce deuxième spectacle. C’est l’occasion de reparler du traitement médiatique. Ce sujet, je le connais bien puisque je vis toujours en partie à Saint-Denis, où il y a un camp de Roms. Si j’ai eu l’outrecuida­nce de les charrier, c’était pour les humaniser. Ils sont devenus les parias de la société. Je peux comparer avec mes parents : quand ils sont arrivés d’Algérie, ils ont vécu dans un bidonville. Eux aussi sont toujours à SaintDenis. C’est pas une ville malade, non plus. Il y a des gens heureux, on avance.

Comment, avec la notoriété, retourner sur les lieux où l’on a grandi ?

Moi, j’ai grandi dans la rue de la mort. Face à un hôpital. Ma fenêtre donnait sur la morgue. Soixante mètres plus loin, un foyer de personnes âgées. Encore dix mètres et un hôpital psychiatri­que avec, juste en face, un distribute­ur de seringues pour toxicos. On habitait audessus des pompes funèbres, au n° . Je le raconte dans le spectacle et là, c’est pas une blague. Quand tu évolues dans une atmosphère de lose comme celle-là, tu n’as qu’une envie, c’est de croquer la vie à pleines dents.

Ce spectacle est une suite du premier ?

Oui, sachant qu’on peut le voir très facilement, même si l’on ne connaît pas le précédent. Par exemple, le consensus général autour du sketch sur les fautes de français des rappeurs m’a donné envie d’aller revoir les textes des grandes icônes de la chanson française. Les Aznavour, Johnny, Montagné, Voulzy, Lama… Histoire de rééquilibr­er.

Vous avez du courage. Y compris en faisant rire des djihadiste­s…

À partir du moment où j’ai une légitimité pour en parler, je ne m’interdis aucun sujet. J’ai aussi vécu en Algérie. Front islamique du salut, GIA, on a connu tout ça. Mais je fais attention à ne pas être « relou ». Car je suis bien conscient que la vie des humoristes n’est pas la vie des gens. Quand on est artiste et que ça se passe bien, je trouve un peu démagogiqu­e de faire la morale. Je ne suis pas là pour dire qu’il faut penser comme ci ou comme ça.

Jawad, faut-il en rire ou en pleurer ?

Quand on détourne les faits, on peut faire rire. Son arrestatio­n est l’une des pires de l’histoire : si tous les malfaisant­s se faisaient interpelle­r comme lui, la France serait la Suisse. Ou Monaco... Après, deux terroriste­s ont été hébergés et ça, ça ne me fait pas rire du tout. Quand on imagine que ce mec-là est suivi par  personnes sur les réseaux sociaux, on se dit qu’il y a quand même beaucoup de «fatigués».

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(Photo Ben Dauchez) Mercredi  mars, à  heures au Grimaldi Forum, à Monaco.

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