Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
M€ à investir d’urgence pour irriguer le vignoble varois Climat
La Société du Canal de Provence est appelée à créer les adductions d’eau nécessaires. Une start-up l’aide auprès des viticulteurs pour assurer la maîtrise des consommations
Les Varois vont-ils planter des dattiers sur les restanques et dans les champs qui jusque-là se partageaient entre la vigne et l’olivier ? Le changement climatique ne va peut-être pas l’interdire. Dans le pire des scénarios, celui où les émissions de gaz à effet de serre ne baissent pas ou augmentent – et c’est le cas ! – la décennie 2 070 va ouvrir un cycle très routinier : une canicule tous les deux ans, à l’image de celle de 2003, mais avec des 50° à l’ombre, des sécheresses plus longues et plus intenses. Le vignoble varois n’y résistera pas. Il supporte déjà mal les débuts de ce dérèglement. Seule solution pour l’instant, l’arroser. Les viticulteurs sont de plus en plus nombreux à le faire. Leurs besoins en eau vont augmenter rapidement et les infrastructures nécessaires pour l’acheminer devront être adaptées. Ce sera le rôle de la Société du Canal de Provence (SCP) d’équiper le département. Deux cent cinquante millions d’euros sont nécessaires pour sécuriser le vignoble en irriguant 20 000 hectares, et ce d’ici vingt ans. Dans l’immédiat, la SCP a signé un partenariat avec la start-up Fruition Sciences pour faciliter l’installation d’un réseau de goutte-àgoutte au pied des ceps tout en évitant le gaspillage. « L’irrigation de la vigne ne pourra se faire et s’étendre que dans le cadre d’une utilisation optimale de l’eau à la parcelle, pour des raisons techniques mais aussi d’acceptation sociale de cette nouvelle pratique » a insisté Philippe Vitel, président de la Société du Canal de Provence.
Les ceps équipés de capteurs intelligents
La Conférence du millésime lundi au Tholonet, au siège de cette entreprise, a permis de présenter les innovations en matière d’irrigation, à des oenologues, des viticulteurs et propriétaires de domaines. Le millésime 2017, qui a donné les rosés et les blancs à consommer en 2018, a servi de référence. Car, insiste Alice Ract Madoux, ingénieur agronome auprès de la SCP, « si l’année 2003 a débloqué certaines pratiques comme l’arrosage des vignes, l’année
2 017 avec ses aléas climatiques pose de nouvelles questions. » Quand arroser, comment, en quelles quantités ? Aujourd’hui, Fruition Sciences développe une assistance intelligente sur et autour d’un cep à l’aide de capteurs, a expliqué Sébastien Payen, un des fondateurs de la start-up. Des capteurs chauffent la sève et mesurent la perte d’énergie entre deux points sur le pied de vigne pour déterminer son déficit hydrique et son besoin en eau. La société utilise déjà cette technique en Californie «qui est un
avant-goût de ce qui nous attend en Provence », affirme Sébastien Payen. Des Californiens qui vont plus loin que l’arrosage au goutte-à-goutte. Il ne suffit plus et ils sont d’ores et déjà obligés de brumiser autour des ceps pour créer un micro-climat et faire descendre la température sur les feuilles. L’adaptation au changement climatique du vignoble varois ne fait que commencer. La survie de cette économie et des paysages en dépend.