Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Dans les valises des cheminots varois
Joignant la gare de l’Est à la place de la Bastille, le défilé parisien des cheminots était composé de délégations syndicales venues de toute la France. Parmi elles, quelques-unes du Var et des AlpesMaritimes. Var-matin a pu les suivre. Reportage.
8h15 . Sur le parvis de la gare de Toulon, une vingtaine de militants de la section toulonnaise de la CGT cheminots. S’ils se sont levés si tôt, ce n’est pas pour beurrer des tartines. Non, c’est pour monter à la capitale et dire tout le mal qu’ils pensent du projet de réforme de la SNCF défendu par le gouvernement.
8h52 et 52 secondes. « Et ils sont où, et ils sont où, les Tou-lonnais ! » Eric Franciosi, secrétaire général de la CGT cheminots des Arcs, bondit de la voiture 15, armé d’un mégaphone. Le TGV 6 172 en provenance de Nice et à destination de Paris vient d’ouvrir ses portes sur la voie A de la gare toulonnaise, avec quatre minutes de retard. À son bord, une quarantaine de cheminots venus en voisins des Arcs et une centaine des Alpes-Maritimes. Essentiellement des cégétistes remontés comme des coucous. À en croire les organisateurs, ils seraient mille de la région Paca à cingler vers Paris.
9 h 30. C’est l’heure de l’atelier créatif. Dans le bas de la voiture 15, on s’affaire autour des pancartes, bombe de peinture et pochoirs à la main. Sur les cartons, « Service public » écrit en noir, surmonté d’un poing rouge, prend rapidement sa place sur des boucliers en carton.
10 h. Casse-dalle. Au menu : jambon, pâté, saucisson, brie et côtes-du-rhône.
11 h 05. Qu’ils soient en train de jouer à la belote, ou de manger un sandwich au fromage, les cheminots varois et azuréens sont catégoriques. Le statut, un privilège? « Pas du tout, on travaille les weekends, les jours fériés… J’ai vingt ans de boîte et je touche 2 900 euros par mois. Et pour les retraites, on peut partir à 57,5 ans mais on surcotise !», assure Michel Masioly, conducteur et cégétiste aux Arcs. La dette du géant ferroviaire? «Le problème, c’est que l’État a créé les Lignes à grande vitesse, mais en a fait porter le coût par la SNCF ! Il faut la nationaliser, comme en Allemagne ! », lance Najim Abdelkader, secrétaire général de la CGT cheminot à Nice. Du côté des voyageurs, les avis sur l’action des cheminots sont partagés. «Je suis venu rouspéter avec eux, s’ils gagnent bien leur vie, c’est normal », lance Paul Crisci, ancien employé municipal de Fréjus. « Ily a eu des abus d’un côté, avec les patrons du XIXe siècle, et maintenant, c’est de l’autre côté avec la CGT », soupire Patrice de Dagueville conseiller en entreprise, en terminant son risotto.
12h43. Le TGV des Provençaux s’arrête dans un bruit de ferraille, gare de Lyon. Un passage par la ligne 1 et la ligne 5 plus tard, voici les 150 cheminots devant la gare de l’Est à 13 h 30, dans les fumigènes. « C’est ma première manif à Paris, lance Hubert Sorcio, contrôleur depuis 35 ans à Toulon, par-dessus son écharpe du RCT. On est là contre le système qui va se mettre en place et qui va toucher tout le monde ! »
15 h. Au 15 boulevard Magenta, entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, voilà Olivier Besancenot, l’ancien porte-parole du NPA, qui parle à une nuée de caméras. «Attention au passage de la SNCF en société anonyme, déclaret-il à Var-matin. C’est ce qui est arrivé à La Poste en 2010, on est alors dans une logique purement actionnariale. C’est faire entrer le loup dans la bergerie… »
15 h 45. Non loin de la place de la Bastille, changement d’ambiance avec quelques centaines d’anarchistes et autres black blocs . Une agence AXA vole en éclat. Les CRS sont caillassés, ils répondent avec du gaz lacrymogène et le canon à eau. « Putain, on va encore dire que c’est nous ! », s’étrangle le cheminot Cannois Christophe Vair.
17 h 19. Le TGV 0681 pour Nice quitte Paris. « Ça fait quinze ans que je suis dans la boîte, je n’avais jamais vu une manif comme ça!, s’amuse Sébastien Gronnier, secrétaire fédéral de la CGT Paca. Ça va peser pour la grève du 3 avril ! » Hervé Fechino, cégétiste toulonnais, est sûr des forces des cheminots. «On a eu Juppé en 1995, et c’était pas un rigolo. On aura Macron… » 1. Le nom a été modifié.