Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Stéphane Audran, son paradis en Méditerranée
Corse par sa mère, la comédienne fétiche de Chabrol n’en gardait pas moins une affection sans pareille pour la presqu’île tropézienne où elle résida ponctuellement tout au long de sa vie
Une beauté que les critiques ont dépeinte comme froide et énigmatique, une tension intérieure qui s’est illustrée dans une centaine de films dont plusieurs chefs-d’oeuvre, tournés avec les plus grands, Jacques Becker, Éric Rohmer, Claude Sautet, Bertrand Tavernier, Samuel Fuller, Orson Welles… Et bien sûr les accents bouleversants de Violette Nozière qui lui valut un César, sous la direction de son second mari, Claude Chabrol, dont elle fut l’égérie attitrée même après leur séparation en 1980. Stéphane Audran, c’était un accent pincé et un style bourgeois qui ont couvert six décennies du Septième art. Sa disparition, hier chez elle à Paris à 85 ans, annoncée par son fils Thomas Chabrol « des suites d’une maladie » résonnait tout particulièrement dans nos contrées où elle s’est illustrée jusqu’à son dernier long-métrage en Principauté. Et plus anecdotiquement à ses débuts dans Saint-Tropez Blues…
À Saint-Tropez avec Chabrol
« Qu’est-ce que j’étais nulle là-dedans! Mais l’ambiance de tournage avec Marie Laforêt et Jacques Higelin efface tout. On s’amusait ! Et puis je venais de rencontrer Chabrol pour qui j’ai tourné à la même époque Les Godelureaux à Pampelonne et plus tard Les Biches à Saint-Tropez», racontait-elle à l’occasion d’une rencontre tropézienne où elle officiait voici quelques années comme présidente du jury du Festival du cinéma des Antipodes. Une proximité qui se prolongea dans sa vie personnelle, Stéphane Audran ayant toujours gardé un pied-à-terre dans la presqu’île. « À l’origine, nous avions une maison à SaintTropez avec Claude. Lorsque nous l’avons vendue, je suis restée un moment sans rien, avant de fréquenter de nouveau, loin des mondanités et hors saison, Ramatuelle au milieu des années 80 grâce à Florence Malet, la mère des comédiens Pierre et Laurent Malet », poursuivait-elle. « Elles étaient très proches, comme des soeurs ! se souvient Laurent qui apprenait catastrophé hier après-midi à son domicile ramatuellois la nouvelle de sa disparition. Je me souviens d’elle qui arrivait à la maison avec son petit sac à dos pour venir chercher ma mère et parcourir ensemble le sentier du littoral. Elle adorait la nature. C’était une marcheuse », se souvient le comédien qui loue aussi son humour et sa facette rebelle. Côté cinéma, il définit celle qui incarna sa mère dans Les Liens du sang comme « la femme française des années 70 par excellence. Elle avait ce côté grande bourgeoise classe et décalée, très bien cerné par Chabrol qui en fit son égérie », conclut Laurent Malet qui regrette son absence des écrans ces dernières années. Une remarque à laquelle Stéphane Audran répliquait en riant : « Si vous lisiez les scénarios que l’on me propose vous comprendriez pourquoi je ne tourne plus ! ».
Terminus cinéma à Monaco
Clin d’oeil, elle termina sa carrière dans la région puisque son dernier long-métrage n’est autre que La Fille de Monaco en 2008. «J’aimais le personnage imaginé pour moi par Anne Fontaine, mais l’ambiance était stressante. Heureusement que Luchini, fidèle à lui-même, était là pour alléger cette atmosphère pesante », déclarait a posteriori la comédienne qui renâclait à parler de sa carrière préférant aborder médecine chinoise et cultures traditionnelles. Une passion et son « élixir de vie » jusqu’à la fin qui lui inspira le livre Une autre façon de vivre en 2009. « Plus on s’éloigne de la nature, plus on s’éloigne de notre propre nature. Le bonheur matériel est un leurre et l’histoire démontre que seules les sociétés traditionnelles sont durables ». Ainsi concluait jadis son entretien Stéphane Audran, disparue hier à 85 ans.