Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Nice : acquittée après avoir poignardé son bourreau
Elwira, 32 ans, les yeux bleus, le teint diaphane, n’a plus rien à voir avec la jeune femme au visage et au corps tuméfiés photographiée au moment de sa garde à vue. Des larmes discrètes perlent quand elle étreint son avocat, Me Karine Plata. Même l’interprète est rattrapée par l’émotion. La cour d’assises des AlpesMaritimes, présidée par Benoit Delaunay, après moins d’une heure de délibéré, a prononcé un acquittement. Elwira, battue, violée, humiliée… comparaissait libre depuis deux jours. « Aidez-la à tourner la page », avait exhorté Me Plata, en conclusion d’une vibrante plaidoirie, rappelant qu’en France, « tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. » « Victime idéale » Pawel Burchacki, 1,88 m physique avantageux, n’était pas un garçon fréquentable. La défense le qualifie de « prédateur », « un bourreau qui avait trouvé en elle la victime idéale. » Elwira, jeune fille «au coeur
pur », voulait croire à cette histoire d’amour née l’été 2013 au Pays-Bas, lors de la récolte des fleurs. Pour des raisons professionnelles, Pawel s’installe ensuite dans un trois-pièces à Nice, 118, route de Turin. Amoureuse, Elwira hésite puis le rejoint. Alors que ses colocataires, des compatriotes,
sont partis en vacances, Pawel révèle sa vraie nature : jaloux, maniaco-dépressif, il a déjà effectué plusieurs séjours en psychiatrie. « C’est un homme extrêmement dangereux, à la violence physique et psychologique monstrueuse » insiste Me Plata. Un individu recherché par la police polonaise dans une affaire de violences et de chantage. À ce tableau inquiétant s’ajoute une consommation très excessive d’alcool. Privée de téléphone, séquestrée, Elwira se retrouve piégée dans un huis clos sanglant où elle ne voit pas
d’issue. « On ne lui reproche pas de s’être défendue mais de s’être trop défendue », ironise Me Plata. «On n’a pas le droit de faire justice soimême mais on n’a pas non plus le droit de gifler, d’étrangler, de violer, de mordre. » « Elle n’a pas d’autre choix »,
tonne Me Plata. La peur extrême où l’on sent qu’on va mourir s’est installée. »
Légitime défense
Pourquoi ne trouve-t-elle pas les clefs, accrochées dans le couloir, pour fuir? Pourquoi donne-t-elle des versions différentes du drame, s’étonne l’avocat général Clotilde Ledru-Tinseau qui a requis vendredi matin cinq ans de prison avec sursis. « La vengeance, ça peut être humain, mais c’est interdit par la loi. , a rappelé la magistrate tout en admettant le caractère « douloureux et délicat » de cette affaire. Accusée de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, Elwira, certes, a porté des coups de couteau mais « elle a agi en état de légitime défense », oppose Me Plata. Cette notion juridique difficile à manier n’avait pas été jusqu’alors évoquée. L’avocat général Clotilde LedruTinseau avait anticipé dans son réquisitoire, détaillant « un état de fureur », « des actes réfléchis», «incompatibles avec la légitime défense. »
« Trente-cinq coups de couteau, trente-cinq » avait martelé le ministère public. Des coups – « non mortels » selon le légiste – qui avaient poussé le jeune homme à se jeter par la fenêtre pour s’écraser treize mètres plus bas. Pawel Burchacki arborait sur ses larges épaules un tatouage : « Seul Dieu peut
me juger ». Elwira, elle, a osé affronter la justice des hommes. Les jurés lui ont donné raison.