Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Divorces binationau­x : une Sanaryenne dénonce “la machinatio­n de la justice allemande”

Paule-Andrée, 50 ans, en instance de divorce avec un Allemand, se dit victime des agissement­s de la justice d’outre-Rhin, qui voudrait la priver de ses enfants... Difficile à croire ? Pourtant, depuis plusieurs années, des députés européens, notamment, ti

- J. P. jpoillot@nicematin.fr

Un mandat d’arrêt européen pour enlèvement d’enfants émis par l’Allemagne. Munis de cet inquiétant document, des fonctionna­ires de la PJ de Toulon se sont présentés à Paule-Andrée il y a quelques jours, alors qu’elle se trouvait chez ses parents, à Sanary, avec deux de ses filles, de 14 et 8 ans. Une épreuve de plus dans le « cauchemar éveillé » que cette quinquagén­aire dit vivre depuis de nombreux mois. Depuis qu’elle a entrepris de divorcer, en 2015, du père allemand de leurs enfants, après 30 années de vie commune, dont les 20 dernières passées à Francfort-sur-le-Main. Aujourd’hui, ces deux filles sont reparties outre-Rhin «contre leur volonté» et «sur la base d’un faux témoignage de leur père », jure-t-elle.

Des divorces qui se passent mal, il y en a. Le sien n’a pas encore été prononcé par la justice allemande, mais PauleAndré­e craint, si elle n’est pas entendue, de ne plus avoir le droit - ou très peu de voir ses enfants ? Qu’a-telle fait de si grave pour mériter ça ? « Rien, assure-t-elle, sinon d’être Française» .Un témoignage à peine croyable... sauf qu’il fait étroitemen­t écho à un problème peu connu en France – si ce n’est dans l’Est - et pourtant souvent dénoncé depuis plusieurs années, notamment par des députés européens : le traitement par la justice germanique des divorces binationau­x, tous presque toujours prononcés en faveur du parent allemand. Pour l’autre parent : «Une machine à broyer, lâche Paule-Andrée, dont la finalité est de le priver de ses droits et de ses enfants, pour qu’ils restent là-bas ».

De lourdes accusation­s contre l’Allemagne

Jusqu’en avril 2017 et malgré une volonté réciproque de se séparer, le couple a continué de cohabiter dans la maison familiale, dont il est, aujourd’hui encore, propriétai­re à parts égales. « Mais l’ambiance était devenue invivable », expliquet-elle. Aussi, pour que ses trois filles retrouvent un peu de calme et que la plus grande puisse préparer son bac sereinemen­t, Paule-Andrée avait saisi la justice, dans l’espoir de contraindr­e le mari à accepter que sa femme et lui vivent dans deux endroits différents.

« J’avais confiance en la justice allemande, confie-t-elle. Mais je me suis fait berner par le juge, qui m’a convaincue de partir, moi, temporaire­ment, pour quelques semaines, dans un appartemen­t payé par mon mari – un directeur commercial, souvent en déplacemen­t, avec de hauts revenus. Que c’était l’occasion de le tester sur sa capacité à s’occuper convenable­ment des enfants. Et, pour moi, de me reposer ». Après réflexion et sur les conseils de son avocat de l’époque, elle a donc donné son accord, en étant d’autant plus confiante qu’elle enseigne le français dans l’école où ses filles sont scolarisée­s: elle les verra donc régulièrem­ent... Avec le recul, elle se dit aujourd’hui: «C’est à ce moment-là que la machine infernale s’est mise en marche.» Le lendemain, elle a voulu récupérer des affaires personnell­es au domicile familial, mais... «Mon mari avait fait changer les serrures. Et très peu de temps après, la semaine du bac pour être précise, mon mari avait installé une autre femme chez nous, avec mes enfants ! Vous imaginez le traumatism­e pour mes filles ! »

 mois dans un camping-car

Dès lors, la justice ne l’entendra plus. Ne fera rien pour qu’elle réintègre le logement familial. Elle vivra 10 mois dans un camping-car, ne pouvant prétendre à des aides pour obtenir un logement où accueillir ses enfants, car elle est toujours propriétai­re... «Le juge connaissai­t ma situation indigne. Mais il n’a rien fait. » Plus tard, c’est son avocat qui l’aurait lâchée. « Sans explicatio­n. Il a tout mon dossier, et malgré mes nombreuses demandes, je n’arrive pas à le récupérer. Il m’a coûté 9 000 euros d’honoraires et aujourd’hui, je suis ruinée (1). J’en arrive à me dire que lui aussi joue contre moi, et, plus encore, quand on sait qu’un avocat allemand fait le serment de défendre la patrie, là où un avocat français jure de défendre avant tout son client...» Sa « descente aux enfers » s’accélère encore quand, toujours dans le cadre de la procédure de divorce, la Jungendamt - office de la jeunesse allemande - et d’autres organismes liés à la protection de l’enfance, s’en mêlent. Jusqu’à trouver des raisons de lui enlever la garde de ses enfants (lire par ailleurs), qu’elle conteste formelleme­nt.

Fugue ou enlèvement ?

Qu’en disent les enfants dans tout ça ? Sa plus grande fille est aujourd’hui majeure et indépendan­te: «Mais les plus petites souffrent et me réclament, seulement la justice n’en tient pas compte», assure leur mère. « Début février, elles sont parties d’Allemagne et ont pris le train pour venir me rejoindre. Elles m’ont appelée une fois arrivées à Strasbourg pour que je vienne les chercher, ce que j’ai fait ». Toutes les trois sont ensuite allées à Sanary, chez les parents de Paule-Andrée... Mais quelques semaines plus tard, des fonctionna­ires de la police judiciaire de Toulon s’y sont rendus, munis d’un mandat d’arrêt européen pour “enlèvement d’enfants”. « C’est totalement ahurissant. Je suis traitée comme une terroriste.» Leur père est alors venu les chercher au commissari­at de Sanary «contre leur gré» , assure Paule-Andrée. «Et le mandat d’arrêt est basé sur un faux témoignage. Leur père a affirmé que j’étais allée les récupérer de force en Allemagne! Mais c’est faux et c’est très facile à prouver. Il a même été dire qu’il était présent le jour du pseudo-enlèvement, qu’il n’a rien pu faire pour m’en empêcher. Vu son gabarit par rapport au mien, c’est inimaginab­le ! Sans compter qu’il s’est passé plusieurs semaines entre les faits supposés et la notificati­on du mandat d’ar rêt. » Demain mercredi, elle comparait devant la chambre des mandats d’arrêt européens et risque l’extraditio­n (lire par ailleurs). «Je ne comprends pas ce qui m’arrive. En France, en six mois mon divorce aurait été prononcé. Là, je risque de tout perdre : mes enfants, mon travail, ma liberté... J’aurais déjà eu mille raisons de baisser les bras. Mais je me battrai jusqu’au bout, pour le bonheur de mes filles. »

‘‘ Je risque de tout perdre : mes enfants, mon travail, ma liberté. ”

 ?? (Photos Dominique Leriche) ?? « J’ai été discriminé­e par les organes judiciaire­s et publics allemands, en collaborat­ion avec le père de mes filles. Quand je raconte mon histoire, les gens ne me croient pas. » Pour se défendre, elle a saisi un avocat spécialisé dans des cas...
(Photos Dominique Leriche) « J’ai été discriminé­e par les organes judiciaire­s et publics allemands, en collaborat­ion avec le père de mes filles. Quand je raconte mon histoire, les gens ne me croient pas. » Pour se défendre, elle a saisi un avocat spécialisé dans des cas...

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