Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Quel est ce pouvoir occulte en Allemagne?»
Sous toute réserve d’éléments susceptibles de le démentir, le témoignage de Paule-Andrée illustre les soupçons qui pèsent sur l’Allemagne, qui se réserverait le droit de conserver sur son sol les enfants issus de mariages binationaux en cas de divorces, de déménagements... Avec pour conséquence, des familles déchirées. Parmi les raisons régulièrement entendues pour expliquer ce phénomène : un moyen de lutter contre la faible natalité ou, encore, un nationalisme plaçant l’intérêt du pays avant celui des familles. Presse, associations, avocats, élus... Depuis des années, le sujet fait débat, mais semble rester tabou. En ligne de mire : le rôle du Jugendamt.
« Il faut une coopération européenne renforcée »
Au Parlement européen, des députés s’en inquiètent. Parmi eux, Nathalie Griesbeck, qui déclarait déjà en 2011 sur France 3 Région : « L’Europe, ce sont 27 législations nationales différentes, et c’est par le biais d’une coopération renforcée que l’on pourra réussir à faire comprendre au Jungendamt, cette instance allemande de protection de l’enfance, que la position qui est la sienne ne va pas dans le sens du respect des droits de l’enfant et de sa vie de famille. A ce niveau, le droit allemand est en violation avec le droit européen. À plusieurs reprises, les juridictions européennes l’ont souligné ». Un autre eurodéputé, Edouard Martin, en donne une inquiétante définition : «Le Jugendamt est un auxiliaire du tribunal aux affaires familiales dans les affaires portant sur les enfants et adolescents. Cela lui confère une influence majeure dans toute la procédure familiale et son issue. Il est un acteur du dossier au même titre que les parents des enfants concernés par ces mesures (une sorte de parent d’Etat) et peut décider d’être tuteur avec ou sans le consentement des parents. Il est aussi chargé de l’exécution des décisions de la justice familiale avec toutes les possibilités d’interprétation restrictive (...) Par ailleurs, le Jugendamt est lui-même un acteur de l’organisation judiciaire puisqu’il note les juges des tribunaux aux affaires familiales et influence donc leurs car rières. »
« Le Jugendamt viole le droit à un procès équitable »
Selon lui, cette commission « viole le droit à un procès équitable du parent non requérant (...); le droit pour l’enfant à être entendu (droit au procès équitable en tant que partie) et à pouvoir connaître ses deux parents (convention internationale de l’enfant) et être élevé par eux ; le droit à la libre circulation et au libre établissement dans l’Union européenne ». Son objectif : « Avec d’autres collègues motivés par cette problématique, nous avons lancé un groupe de travail spécifique au sein de la commission PETI pour creuser la question et essayer de trouver des pistes pour rendre au moins un peu d’espoir à ces parents et faire bouger l’Allemagne. La mettre devant ses responsabilités, sans animosité (même si, naturellement, les victimes de ce système ont tendance à nourrir ce sentiment), mais avec fermeté. » En 2018, il est intervenu publiquement lors d’une commission des pétitions au parlement européen : « Concernant les pratiques du Jugendamt, je ne connais pas un seul cas où le parent nonallemand a eu gain de cause. J’ai des dizaines et des dizaines de cas similaires (...) L’Allemagne a déjà été condamnée par la cour des Droits de l’Homme. Mais ça a changé quoi ? Rien ! Et je dénonce ici l’hypocrisie des états membres. Je ne sais pas quel est ce pouvoir occulte en Allemagne, mais dès qu’on parle de Jungendamt ici : dossier sensible, il ne faut pas en parler ! » Des observateurs affirment que ces pratiques existent en Allemagne depuis les années 90... et qu’elles sont dénoncées depuis plus de 20 ans.