Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le dynamiteur du secret bancaire suisse en mauvaise posture
Arrêté mercredi à Madrid, l’informaticien monégasque Hervé Falciani qui a révélé le scandale des SwissLeaks, est désormais libre sous contrôle judiciaire. La Suisse réclame son extradition
Son interpellation s’est déroulée mercredi à quelques mètres de la salle de conférences de l’université madrilène où il était attendu. Le thème de sa prise de parole ? «La nécessité de protéger les lanceurs d’alerte.» Le Monégasque Hervé Falciani, 46 ans, a une nouvelle fois été rattrapé par son passé. Il était visé depuis le 19 mars par un mandat d’arrêt international émis par les autorités suisses, en vue d’une extradition. Déjà arrêté en Espagne en 2012, ce desperado de l’informatique avait été remis en liberté un an plus tard, la justice espagnole considérant finalement qu’elle n’avait pas à le renvoyer en Suisse. Depuis qu’elle l’a condamné par contumace à cinq ans de prison pour espionnage économique, la justice helvète ne lui laisse aucun répit. Car ce Monégasque, fils de banquier, a provoqué la chute du secret bancaire suisse. Rien que ça. Et ce, après avoir révélé l’existence de comptes non déclarés dans la filiale genevoise de la HSBC, appartenant à des milliers de contribuables pratiquant l’évasion fiscale à travers le monde. Depuis, Falciani se dit traqué, menacé.
Enlèvement, menaces ...
Sa vie est un film, son quotidien un cauchemar. Tantôt calme, tantôt pris de bouffées d’angoisses, l’homme était venu témoigner dans les locaux de notre rédaction en 2009. Ses relations avec des agents secrets, son rôle d’agent double, son enlèvement en plein Genève : il avait tout déballé. Comme dans un roman d’espionnage. Depuis ses révélations, Falciani cache le lieu où il vit, se méfie du téléphone, craint pour sa vie, s’entoure de gardes du corps. Après avoir mis la main sur les données, il s’était réfugié dans la maison familiale de à Castellar, dans l’arrièrepays mentonnais. Il continue depuis à affirmer qu’il devait tout révéler. «Je ne pouvais plus fermer les yeux», avait-il confié à Nice-Matin.
Un séisme dans la finance mondiale
A la HSBC, succursale de Genève, il voyait défiler sur ses écrans des milliards d’euros d’évasion fiscale. Sa liste comporte la bagatelle de 127 000 comptes appartenant à 79 000 personnes de 180 nationalités, du politique au show-biz en passant par le sport. Montant global estimé : 180 milliards d’évasion fiscale. Parmi eux le roi de Jordanie, le coiffeur Jacques Dessange, Flavio Briatore, Fernando Alonso... Falciani c’est l’équivalent d’un séisme de 9 sur l’échelle de Richter de la finance mondiale. Falciani, lanceur d’alerte oui. Mais il aurait d’abord tenté de monnayer ses informations au Liban. Alors voleur de fichiers comme l’accuse la justice suisse, ou justicier ? À cette question, Eric de Montgolfier, l’emblématique procureur de la République de Nice (1999 à 2012) répondait à notre journal : «Vous savez, on peut être les deux... Le repentir, ça existe. On peut commencer dans une voie et se rendre compte qu’on s’est fourvoyé ou qu’on n’aboutira à rien.» C’est Eric de Montgolfier qui s’était saisi des listings de l’informaticien. Hervé Falciani attend désormais de savoir s’il sera extradé. Il a été libéré hier dans l’attente de l’examen du mandat d’arrêt. Son passeport a été confisqué. En France, grâce à ses révélations, HSBC Private Bank Suisse SA a accepté de verser 300 millions d’euros pour échapper à un procès pour « blanchiment de fraude fiscale». Plus de 3 milliards d’euros auraient été dissimulés par la succursale pour le compte de ses seuls clients français… Pris la main dans le sac, la plupart des contribuables français démasqués ont régularisé leur situation, ou ont été condamnés, à l’image de l’héritière de Nina Ricci.