Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Les échouages de cétacés s’intensifie­nt sur nos côtes

2017 a été l’une des années les plus noires sur le littoral méditerran­éen. Faut-il s’inquiéter pour nos amis dauphins et baleines ? Enquête

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Qui sont les coupables ? Le mystère reste à élucider. À Toulon, les enquêteurs de la gendarmeri­e maritime sont confrontés à un cas intrigant. Seize victimes ont été recensées en l’espace de six semaines. Seize dauphins échoués sans vie, entre fin août et octobre 2017, sur trente kilomètres de littoral varois. Le phénomène est à ce point inhabituel que la préfecture maritime a diligenté une enquête administra­tive. « Nous attendons encore les résultats des autopsies », indique Stéphane Peron, chef du Pôle protection et environnem­ent durable de l’espace marin. Trois décès pourraient être liés à des techniques de pêche. Un dauphin avait une nageoire sectionnée. Pour les autres, la piste d’un virus est étudiée. L’affaire est symptomati­que. Car les échouages de cétacés ont connu une nette recrudesce­nce en Méditerran­ée, notamment dans le Var et les Alpes-Maritimes. « 2017 a été une année relativeme­nt chargée : 127 échouages en Méditerran­ée, ce qui la classe au 5e rang en quarante ans d’étude. La moyenne est de 80, mais cela fluctue d’une année à l’autre », explique le Dr Frank Dhermain, relais régional du Réseau national échouages (RNE), qui préside le Groupe d’étude des cétacés de Méditerran­ée (GECEM), à Marseille.

La piste du morbillivi­rus

Dans cette affaire, les causes sont multiples. « Il y a les facteurs météorolog­iques, avec les vents d’est de l’automne, décrypte le Dr Dhermain. On a aussi observé des captures dans des filets. Et il y a eu le morbillivi­rus. Une maladie propre aux cétacés, qui touche l’espèce la plus courante ici : le dauphin bleu-et-blanc. » Pour l’heure, le virus a été diagnostiq­ué dans l’Hérault et en Toscane. De forts soupçons planent sur des cas recensés d’Antibes à l’ouestVar. « En Méditerran­ée, ce virus n’est pas présent en permanence. D’où les pics épidémique­s, sans doute liés à l’entrée de dauphins globicépha­les venus de l’Atlantique. C’est cyclique », précise Frank Dhermain. Marseille. Toulon. Antibes. Saint-Jean-CapFerrat. Et la Rochelle, QG de l’observatoi­re Pélagis, centre de recherche sur les mammifères marins. Une chaîne d’étude désormais bien rôdée, associant les mondes associatif­s et scientifiq­ues, est sur le pont pour comprendre ces échouages. Ceux des dauphins, baleines, mais aussi phoques ou marsouins. Le phénomène reste bien plus marqué sur la façade atlantique. « Rien qu’au cours du weekend pascal, nous avons recensé 47 échouages, la plupart en Vendée et dans les Charentes-Maritimes, dixit Fabien Demaret, assistant ingénieur à Pélagis. Ce sont des chiffres assez impression­nants, dont il faut s’inquiéter. À terme, cela peut représente­r une menace pour une espèce comme le dauphin commun. » Côté atlantique, 70 % des échouages seraient liés aux activités de pêche, au chalut notamment.

Décès records chez les géants

Autres causes, autres victimes. En Méditerran­ée, « les chiffres sont certes trop élevés, mais la situation n’est pas alarmante comme dans l’Atlantique, où environ 800 individus se sont échoués en 2017, tempère Stéphane Peron. En 2003, 2008 ou 2013, il y avait déjà eu près de 150 échouement­s de mammifères marins. Et en 1990, il y en avait plus de 200 ! » « Pas d’inquiétude à avoir », non plus, aux yeux du vétérinair­e Frank Dehrmain, dont l’expertise en Méditerran­ée fait autorité. «En 40 ans d’étude, il y a des pics et des creux. On a aussi une meilleure diffusion des signalemen­ts. » Reste un point noir, et de taille : «Jamais nous n’avions recensé autant de grands cétacés (rorquals communs, cachalots...) morts en mer qu’en 2017. On a eu sept cas dans les eaux françaises entre France et Corse. Et là, c’est préoccupan­t. Car on parle d’individus beaucoup moins nombreux... »

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Antibes, août . Désorienté, ce dauphin bleu-et-blanc nage à la surface et va s’échouer vivant.
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Petit dauphin bleu-et-blanc échoué et décédé. L’espèce est identifiab­le aux trois bandes noires qui partent de son oeil.

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