Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Latouche-Tréville, premier commandant de l’Hermione meurt à Toulon en 

- 1 Il est l’auteur du livre «Latouche-Tréville, l’amiral qui défiait Nelson», éditions SPM. RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

Le port de Toulon est encore dans la fournaise de l’été 1804, lorsque la nouvelle se répand : l’amiral Louis-René de LatoucheTr­éville est mort, à bord de son vaisseau le Bucentaure, refusant d’être conduit à l’hôpital. Dans la nuit du 18 au 19 août, la fièvre et l’épuisement sont venus à bout de ce gaillard d’1,77 mètre, aux yeux bleus, commandant de l’escadre de Toulon, à qui Bonaparte veut confier un rôle déterminan­t dans son grand dessein d’invasion de l’Angleterre. Les équipages organisent aussitôt une collecte pour offrir une sépulture à ce commandant qu’ils apprécient tant: «Un fait unique dans l’histoire de la Marine française », souligne Rémi Monaque, membre de l’Académie du Var.

Avec La Fayette à bord de l’Hermione

C’est un miracle que Latouche ait vécu jusqu’à 59 ans. À 12 ans, il rejoint les gardes de la marine de Rochefort ; à 14 il embarque à bord du Dragon que commande son père. À 34 ans, en 1779, il prend le premier commandeme­nt de l’Hermione, tout juste sortie des chantiers navals de Rochefort. Latouche et sa frégate vont damer le pion aux Anglais durant la guerre d’Indépendan­ce des États-Unis. L’Hermione dont la réplique est entrée jeudi dans le port de Toulon, et repart demain - est née pour cela. Le 20 mars 1780, au couchant, il met le cap sur Boston. À son bord se trouve le soldat La Fayette. Un noble qui a embarqué avec sa suite de quatre officiers, huit domestique­s, un chirurgien, un cuisinier et un piqueur pour une éventuelle chasse à courre en Amérique. Gilbert du Motier de La Fayette choisira à la Révolution, d’écrire son nom en un seul mot, Lafayette, et renoncera au «de» marquant ses origines. Pour l’instant, il est engagé aux côtés des Américains insurgés contre le pouvoir colonial britanniqu­e. Il vient à Boston annoncer que la France va engager un corps expédition­naire à leurs côtés. Le 27 avril 1780, l’Hermione jette l’ancre face à la capitale du Massachuse­tts. La Fayette et Latouche, devenus amis, sont reçus avec les honneurs. Latouche donne des réceptions, porte des santés suivis de plusieurs coups de canons : 21 pour le roi de France ; 13 à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie pour la cause américaine… Des morts il y en a, témoigne le journal de l’Hermione : combats, scorbut, noyade, petite vérole… «La campagne de l’Hermione est un modèle du genre, dans cette guerre. Elle participe entre autres, à la première bataille de la Chesapeake, le 16 mars 1781. Mais aussi à un raid victorieux mené aux abords du Canada sous les ordres du célèbre Lapérouse, face à cinq petites frégates ennemies » souligne Rémi Monaque(1). Latouche est un héros, qui se repose dans les bras des femmes. Il flambe amour et argent. Mais en 1782, alors qu’on lui confie le commandeme­nt de l’Aigle, une frégate bien plus grande que l’Hermione, il tombe amoureux de La Créature. La jeune femme n’est connue que par ce surnom. Il la fait embarquer à bord d’un navire marchand la Sophie pour l’avoir près de lui le temps d’une mission aux États-Unis. Mais, parvenu aux Açores, il réalise son coup de folie, se sépare à la fois du navire et de sa conquête. Pas pour longtemps ! Peu après, il est fait prisonnier après avoir sabordé l’Aigle et retrouve sa dulcinée, elle aussi captive des Anglais. Ils seront libérés un an plus tard. Nul ne sait ce qu’est devenue cette folle passion.

Un mausolée à Saint-Mandrier

Latouche est le grand adversaire de l’amiral anglais Nelson. Il le repousse à plusieurs reprises. Et une dernière fois peu avant sa mort, en juillet180­4. Nelson cherche à s’emparer de frégates françaises à Porqueroll­es. Latouche repère sa manoeuvre depuis la Croix des Signaux à Saint-Mandrier, enfourche son cheval, rejoint le Bucentaure et lâche son escadre. Nelson abandonne. La Croix des Signaux, c’est là que Latouche veut être enterré. Ses marins y font bâtir un mausolée pyramidal. Le jour où sa dépouille y est transporté­e, il n’est pas une barque dans le port de Toulon, qui n’ait pas fait le plein d’hommes pour l’accompagne­r. Le monument est transféré en 1902 dans le cimetière franco-italien de Saint-Mandrier. Deux sphinx veillent toujours sur la dépouille de Louis-René Latouche-Tréville. À la Révolution, il a voté l’abolition des privilèges et renoncé lui aussi, à la noble particule.

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Louis-René de Latouche-Tréville : sa famille quitte Paris en  pour La Martinique et la Guadeloupe, donnant naissance à des génération­s de flibustier­s, aventurier­s et grands marins.
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(DR) Le  mars , l’Hermione participe à la première bataille de la Chesapeake. Elle arrivera trop tard pour la seconde en octobre, décisive dans la victoire des insurgés américains contre les Anglais.
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Le Bucentaure a bord duquel Latouche est mort (DR)
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La pyramide dans le cimetière franco-italien de Saint-Mandrier

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