Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

De la clé des océans à la clé des cieux

Sébastien Destremau s’est rendu place Saint-Pierre, au Vatican, pour rencontrer le Pape François. L’occasion pour les deux hommes de converser quelques minutes, mais pas seulement

- RAPHAËL COIFFIER

Après avoir pris la clé des champs et laissé derrière lui les continents. Après avoir bouclé le Vendée Globe et refermé à double tour les océans. Sébastien Destremau avait encore une mission à accomplir. Spirituell­e cette fois. Les pieds sur terre. Le coeur en mer. L’esprit aux cieux. Le marin s’en est donc allé la semaine dernière vers le Vatican. Sur la place SaintPierr­e, où se rassemblen­t, tels les manchots Empereur, gardiens de la vie, les pèlerins de la planète catholique.

Une courte conversati­on

Lui, l’atypique skipper, un peu dingue sur les bords, s’était promis d’ouvrir une porte céleste. De partager sa traversée, son aventure humaine avec un autre solitaire solidaire. Voué corps et âme aux hommes... Fendant la foule comme son Imoca fendait la houle, le Varois a donc provoqué l’impossible chance lors de l’audience générale du Pape François. Le renégat des Sables d’Olonne, l’original de la flotte obsédée par le temps qui s’écoule, s’est ainsi présenté humblement au SaintPère. Avec, entre ses mains de cornes abîmées, sa fameuse clé des océans. Ce précieux symbole confection­né de bric et de broc sur le pont de FaceOcean, alors qu’il n’avait pour seul compagnon que le ciel et quelques mouettes peu bavardes. « Je savais que le Vendée Globe allait me faire faire le tour du monde, mais je ne savais pas qu’il allait me mener au plus proche du paradis... » Par ces mots, maquillés d’un sourire coquin, Sébastien résume sa rencontre avec le Pape. Conscient de la force de l’instant. Aussi éphémère soit-il. « C’était émouvant. Il a pris la clé dans ses mains et il l’a bénie. C’était magnifique. On s’est parlé, cela a duré environ deux minutes. Je lui ai expliqué ce qu’était la clé et qu’avec sa bénédictio­n elle pourrait devenir un peu comme une balise pour tous les marins... » À cet instant, le bohémien des latitudes s’est senti voyager en bonne compagnie. Écouté. Entendu. Soutenu. Il en aurait presque oublié la fameuse tradition. Celle de remettre un cadeau à sa Sainteté.

Son livre remis en mains propres

Mais l’homme avait en fait tout prévu, lui offrant un exemplaire de sa bible autobiogra­phique, Seul au monde. Son carnet de routes si intime, livré avec pudeur à la lecture du monde des terriens. Le fruit de 124 jours, 12 heures, 38 minutes et 18 secondes de navigation. D’existence ballottée par les éléments, insensible­s à sa petite condition humaine. Témoignage inscrit dans le marbre. Qu’il laissera dans son sillage. Tout comme sa précieuse clé des océans, qui va retourner à Rocamadour, aux pieds de la Vierge Noire, protectric­e des aventurier­s et des marins. Dont il est réellement un ambassadeu­r d’enfer. Ainsi soit-il...

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