Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Tahar Ben Jelloun, parrain de la e fête du livre d’Hyères

- RECUEILLI PAR S. MOUHOT

Tahar Ben Jelloun, prix Goncourt 1987 pour La Nuit sacrée et membre de l’Académie Goncourt, présidera la fête du livre ce week-end.

Quelles ont été les conditions de votre détention que vous relatez dans

(Gallimard) ?

La Punition C’est une épreuve que j’ai vécue quand j’avais  ans. J’étais étudiant en philosophi­e, engagé contre une circulaire que nous trouvions injuste à l’époque, en . La manifestat­ion est devenue un soulèvemen­t populaire auquel ont participé des lycéens, étudiants, ouvriers, chômeurs, etc. Le régime a réprimé très brutalemen­t ce mouvement, il y a eu des morts. Un an plus tard,  étudiants du syndicat ont été punis à travers une sorte de service militaire qui à l’époque n’existait pas. Dès notre arrivée, on a tout de suite compris qu’on allait recevoir des maltraitan­ces parce que nous avions osé contester le régime de l’époque.

Pourquoi écrire cette histoire  ans après ? Pourquoi au présent ?

Je l’ai écrite d’abord pour que les jeunes d’aujourd’hui, qui vivent heureuseme­nt dans un Maroc beaucoup plus libre, ouvert et moderne, sachent quel était leur pays, il y a  ans. Je n’ai pas attendu pour des raisons politiques, mais personnell­es. Je ne voulais pas encombrer les librairies avec un livre qui, finalement, me permettait de m’exprimer. Au fond, je me suis senti plus tard ressuscité quand j’ai vu que le Maroc évoluait dans le bon sens. J’utilise le présent pour donner plus de force et d’efficacité au récit, qui est un témoignage sur l’histoire du Maroc.

De cette expérience avilissant­e est née votre vocation d’écrivain et poète. En quoi cette période a-t-elle été formatrice ?

J’ai commencé à écrire des poèmes en cachette et je les mettais dans les poches de mon treillis. En sortant, j’ai rassemblé ces papiers et proposé mes poèmes à Souffles, une très bonne revue marocaine, qui les a publiés. Sans ce séjour dans ce camp militaire, je n’aurais sans doute jamais eu le courage d’écrire.

La privation et l’enfermemen­t ont donc été nourricier­s de la création artistique et de l’imaginatio­n ?

Oui, parce le confort ne fait jamais bon ménage avec la création. C’est Jean Genet qui disait : “Derrière chaque oeuvre, il y a un drame”. Mon drame a été cette privation de liberté que j’ai ressentie de façon beaucoup plus forte à l’âge de  ans. Quand on a vécu des choses marquantes, la littératur­e devient une nécessité, un besoin absolu.

Quel esprit, quelle tonalité allez-vous insuffler à la fête du livre ?

Je souscris à tout ce qui peut célébrer le livre et la lecture. On a tous remarqué que la lecture souffre un peu, les jeunes lisent de moins en moins. Il faut sauver le livre, le livre papier bien sûr, parce que je ne lis pas sur tablette. Je n’hésite jamais à participer aux salons où l’on célèbre les livres et la lecture. C’est grâce à la littératur­e que nous sommes aujourd’hui une civilisati­on et une culture.

Quels sont les trois livres qui ont compté pour vous en tant que lecteur ?

Les Misérables de Victor Hugo, qui vient de reparaître dans la Pléiade avec une très belle préface. Don Quichotte de Cervantès, magnifique, qui a ouvert l’ère du roman moderne. Et puis toute la poésie de la résistance avec Éluard, Aragon, Char.

Et Ulysse de James Joyce, qui apparaît dans votre livre ?

Ce livre m’a beaucoup apporté. Ce n’est pas mon univers, mais je reconnais l’importance de ce livre dans la littératur­e. On pourrait l’ajouter à la liste, sans aucun problème.

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(Photo F. Mantovani/Gallimard) Tahar Ben Jelloun a attendu plus de  ans pour raconter un épisode marquant de sa jeunesse au Maroc.

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