Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Vintimille : un camp de migrants évacué

- STÉPHANIE WIÉLÉ AVEC STELLA FURLAN

Bouteilles et canettes en plastique vides qui s’entremêlen­t avec des couverture­s effrangées, des pantalons élimés et des chaussures consumées par le temps… Tout a été avalé par les mâchoires des bulldozers, à l’aube, hier matin. Installés dans des tentes – sous le pont de Vintimille et à proximité du cimetière – une centaine de migrants ont été évacués de leur camp illégal. L’opération a été menée à l’initiative du maire de Vintimille, Enrico Ioculano et en présence de la police italienne et des associatio­ns d’aide aux migrants. Quelques jours auparavant, l’édile et la préfecture d’Imperia avaient prévenu de cette interventi­on. « Il ne s’agit pas d’un démantèlem­ent mais d’une opération de nettoyage des berges. La zone était insalubre – sans eau ni toilette – et posait des problèmes d’hygiène. Il fallait donc intervenir » ,aprécisé Vera Nesci, adjointe aux Affaires sociales de la mairie de Vintimille.

« Tous dispersés dans la nature »

Hier matin, la grande majorité des migrants installés sous le pont avaient déjà quitté le camp, en pleine nuit. « Tout s’est passé assez vite et dans le calme », témoigne Jacques Perreux. Le président de l’associatio­n de soutien aux migrants Les amis de la Roya citoyenne, était sur les lieux dès le lever du jour. Un accueil au camp de la Croix-Rouge a été proposé à la centaine de migrants restés sur place. « Mais ils ont refusé d’y aller car la Croix-Rouge est sous contrôle du ministère de l’Intérieur italien. Ils ont peur d’être fichés et d’être renvoyés dans le sud de l’Italie », a souligné René Dahon, l’un des adhérents de « Roya Citoyenne ». L’associatio­n fournit près de 200 repas chaque soir aux migrants, de Sospel à Saorge. « Ça ne désemplit pas. Ils viennent surtout d’Afrique de l’ouest, mais aussi du Soudan ou d’Érythrée… Il y a des femmes et des enfants », décrit-il. Et d’ajouter que le problème migratoire s’est déplacé : « Toutes ces personnes démunies ont quitté le camp et ne veulent pas se rendre à la Croix-Rouge. Ils sont tous dispersés dans la nature. Et maintenant ? » Et Vera Nesci de préciser : «Le problème, c’est que nous ne pouvons pas forcer ces gens à venir à la Croix-Rouge. Les passeurs colportent des fausses rumeurs. Ils leur font croire qu’on les enfermera. Or sur le camp, les migrants sont libres d’aller et venir et ils ont une bien meilleure condition sanitaire. » Durant plusieurs jours, les policiers vont surveiller de près le pont de Vintimille et ses alentours. Car malgré l’opération de « nettoyage », des passeurs rôdent toujours et un réseau de prostituti­on et de vente de drogue s’est progressiv­ement tissé… En 2017, un nombre record de 350 passeurs a été interpellé à la frontière franco-italienne. À Vintimille, le sujet migratoire reste très sensible. Hier vers midi, une cabane du camp illégal a d’ailleurs mystérieus­ement pris feu… sans témoin. « Et le maire continue de recevoir régulièrem­ent des menaces de mort », confirme-t-on à l’Hôtel de ville. L’édile italien doit alors s’entourer de policiers lors de ses déplacemen­ts. Du côté français, les chiffres des flux migratoire­s ont de quoi tourmenter. En 2017, on arrive au nombre record de 50 000 interpella­tions sur le départemen­t(2) (37 000 en 2 016). Malgré tout, le maire de Menton, Jean-Claude Guibal se veut rassurant : « J’ai toute confiance dans les équipes de la Paf et de la gendarmeri­e pour qu’elles assurent un contrôle efficace et de manière correcte tant sur le plan légal qu’humain de la frontière. » 1. En novembre 2017, le maire de Vintimille, Enrico Ioculano, avait reçu plusieurs lettres de menaces de mort. Mais aussi des insultes sur les réseaux sociaux. 2. Chiffre qui concerne les points de passage autorisés (PPA) des Alpes-Maritimes, c’est-à-dire les zones où les autorités sont habilitées à procéder à des contrôles systématiq­ues.

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