Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« En Europe, nous avons un destin commun »
La ministre déléguée aux Affaires européennes Nathalie Loiseau sera, vendredi dans le Var, pour lancer les « Consultations citoyennes autour de l’Europe »
Elle était, mardi, à Epinal au côté du président de la République, pour le lancement officiel des consultations citoyennes. Aujourd’hui, à Marseille puis demain à Brignoles, la ministre déléguée aux Affaires européennes, Nathalie Loiseau, vient promouvoir l’importance de cette « première expérience de démocratie participative menée à l’échelle européenne », à laquelle participent 27 Etats membres. Organisées d’avril à fin octobre, ces consultations consistent en des débats « pour toucher la plus grande diversité possible de publics, de tranches d’âge, d’origines géographiques ou socioprofessionnelles pour entendre ce que les citoyens ont à dire sur l’Europe, celle qu’ils souhaitent dessiner pour l‘avenir ».
Vous venez dans le Var lancer les consultations citoyennes. Qu’en espérez-vous ?
Une diversité de lieux et de formats de consultations pour toucher tous les publics, et pas seulement ceux qui d’habitude s’expriment sur l’Europe, c’est-à-dire soit les plus convaincus, soit les plus critiques. Nous voulons savoir ce que nos concitoyens attendent de ce projet commun qu’est l’Union européenne. En Europe, nous avons un destin commun, une histoire commune. Aujourd’hui, il faut savoir dans quel sens doit aller l’Europe : il y a beaucoup de sujets européens sur lesquels les dirigeants doivent prendre des décisions et pour cela, il faut entendre ce que les citoyens ont à dire.
N’est-ce pas un enjeu risqué, quand on voit les taux de participation aux élections européennes ?
En effet, la participation a souvent été faible et c’est d’ailleurs contradictoire avec l’impact de l’Europe sur notre quotidien. Beaucoup de sujets sont traités au niveau européen ou auraient vocation à l’être. La nécessité de maîtriser nos données personnelles sur Internet, plus largement la révolution numérique, et le changement climatique sont, par exemple, autant de sujets qui ont une dimension européenne forte. La gestion des migrations également.
Comment garantir que les conclusions de ces consultations seront bien prises en compte ?
C’est un engagement qu’ont pris les chefs d’État et de gouvernement des pays qui ont décidé de rejoindre l’initiative. Nous demandons à tous les organisateurs de ces consultations — associations, entreprises, élus locaux, syndicats, chambres de commerce, etc. — de produire un compte rendu et de l’inscrire sur un site Internet public afin que, à la fin du processus, en octobre, nous puissions compiler toutes ces prises de paroles et ces propositions. De plus, la Commission européenne, qui participe à cette démarche inédite, mènera une consultation en ligne d’ici à quelques semaines.
N’est-ce pas un préprogramme de campagne en vue des prochaines élections européennes ?
C’est totalement différent. Le résultat des consultations sera à la disposition de tous, y compris de tous les partis politiques. Les consultations citoyennes s’inscrivent dans une démarche pluraliste, transpartisane. Je réunis d’ailleurs à mes côtés un comité de surveillance dans lequel tous les partis politiques seront représentés, pour savoir quelles initiatives de débat on valide et soutient, en toute transparence.
L’Europe compte de nombreux sujets clivants. Comment rassurer les citoyens ?
Depuis son élection, le Président Macron plaide pour une Europe qui protège les citoyens. C’est la raison pour laquelle nous travaillons par exemple sur l’Europe de la défense : dans le monde instable dans lequel nous vivons, il y a une attente par rapport à une Europe capable de protéger, de définir et défendre son autonomie stratégique. C’est aussi dans cette logique de protection que nous nous sommes attelés à réformer le régime des travailleurs détachés, vécus par beaucoup de nos concitoyens comme une injustice. Cette réforme est sur le point d’aboutir. Rassurer, c’est aussi parler d’une seule voix quand l’Europe est menacée de mesures commerciales défavorables par les ÉtatsUnis. L’Europe sait se défendre et se faire entendre.
Autre sujet clivant, la gestion de la « crise migratoire » en Europe.
Nous devons travailler avec les pays d’origine des migrations économiques incontrôlées, notamment en Afrique subsaharienne, et développer là-bas des formations et des débouchés au bénéfice de leurs jeunes – les plus tentés par une aventure migratoire risquée. Nous prenons également en compte la situation dans les pays de transit – la Libye par exemple – pour faire en sorte de traiter les demandes d’asile en amont du passage par la Libye en Europe et nous renforçons le contrôle de nos frontières extérieures. Nous sommes en train de réviser la convention de Schengen pour la rendre plus efficace. L’Europe a un devoir d’accueil, et nous sommes engagés à mieux accueillir les demandeurs d’asile, mieux harmoniser nos procédures. C’est d’ailleurs parfaitement cohérent avec le projet de loi asile et immigration discuté en ce moment au Parlement. En revanche, nous ne pouvons pas accepter une immigration économique illégale et incontrôlée. Nous devons être plus efficaces dans nos politiques de retour vers les pays d’origine. Cela nécessite de travailler avec nos voisins européens mais aussi avec les pays d’origine. Il a beaucoup été question dernièrement, du mode de nomination du président de la Commission européenne. Il est arrivé une fois, en , que le candidat du parti arrivé en tête aux élections européennes soit choisi pour devenir le président de la Commission. Rien n’exclut que ce à nouveau le cas dans les années à venir mais rien dans les traités, tels qu’ils existent, ne le rend automatique. Les chefs d’Etat et de gouvernement doivent, c’est ce qui est prévu par les traités, choisir le président de la Commission en tenant compte du résultat des élections.
Est-ce parce que la montée des populismes inquiètent les dirigeants que l’on s’inquiète du mode d’élection du président de la Commission ?
La montée des populismes est un fait. Ils expriment souvent des points de vue différents, de la méfiance ou au contraire de la déception vis-à-vis de l’Union européenne. Il faut justement les écouter et les comprendre. Le résultat des élections en Italie, par exemple, est davantage l’illustration d’un mécontentement devant ce que les électeurs italiens ont considéré comme une « absence de l’Europe » dans la crise migratoire et la crise financière, qu’un rejet de l’Europe ellemême. Les consultations citoyennes sont aussi là pour ça : avoir une vision qualitative de ce qu’attendent les citoyens vis-à-vis de l’Union européenne.
Les listes transnationales ont finalement été écartées pour . Vous le regrettez ?
C’est le réflexe conservateur d’un groupe politique, qui ne voulait pas voir menacer sa suprématie au Parlement européen, que nous regrettons. Mais le débat n’est pas clos. Le Parlement européen s’interroge depuis des années sur la possibilité de créer, en son sein, une circonscription purement européenne qui conduise les partis politiques à tenir un discourssur l’avenirde l’Union. Ce que je déplore jusqu’à présent, c’est que les élections européennes se résument à scrutins nationaux simplement concomitants, puisqu’ils se déroulent la même semaine, mais traitent d’enjeux purement nationaux et qui, souvent, ont peu à voir avec les enjeux européens. C’est bien cela qu’il faut parvenir à dépasser.
Le président plaide pour une Europe qui protège les citoyens. » Nous ne pouvons pas accepter une immigration économique illégale et incontrôlée. »
Cet entretien a été relu par la ministre.