Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Seul sur terre

Rafael Nadal n’a pas eu à forcer son talent face à un Nishikori émoussé pour glaner son 11e titre à Monaco,un chiffre fou jamais réalisé nulle part. Plus que jamais, le Majorquin de 31 ans apparait sans rival sur la surface ocre

- FRANÇOIS PATURLE

Impossible d’en vouloir à Nadal, dont le mode bulldozer détruit tout sur son passage, faute d’un nouveau phénomène sorti de terre et capable de s’opposer. Trop fort, monstrueux, injouable, les qualificat­ifs ne manquent pas, et en onze victoires à Monaco, avouons-le, on a fait un peu le tour. Pour donner une grande finale, hier, il aurait fallu un Kei Nishikori à 150%, or, ce fut loin d’être le cas. L’ancien N.4 mondial, émoussé par ses combats de la semaine, n’avait plus assez d’essence dans le réservoir pour s’opposer à la tornade de Manacor... Image marquante celle de Kei Nishikori après la rencontre, assis sur sa chaise et le regard fixe, tel un samouraï groggy sous un déluge de coups. Nishikori était-il soulagé d’en avoir terminé ? Toujours est-il que la seconde manche a ressemblé à un calvaire, tant l’impuissanc­e était criante, sur le Central du MCCC inondé de soleil et peu à peu tombé dans une semi-somnolence, faute du moindre scénario à suspense. Dans la première manche, pourtant, le Japonais au bandana couleur de flamme créait une étincelle avec un break réussi pour mener 2-1. Feu de paille... Nishikori se faisait débreaker sur une double en forme d’hara-kiri et encaissait 4 jeux dans la foulée. Le Nippon sauvait une balle de set sur une jolie volée de revers croisée de revers. Émotion dans les gradins... Mais Nadal répondait d’une exécution en coup droit. 6-3, fermez le ban. Nishikori s’écroulait physiqueme­nt dans la seconde manche, ne prenant alors ce que Nadal voulut bien lui laisser, c’est-à-dire pas grand-chose. 1h33 d’une finale à sens unique conclue par un revers gagnant de l’Ibère, lifté bien sûr (6-3, 62.). À s’imposer avec une telle marge, il ne fallait pas s’attendre à voir Nadal se rouler par terre pour célébrer sa onzième levée monégasque. Ce qu’il n’a pas fait, se contentant d’un large sourire et d’un poing serré. Sans doute Zverev, du haut de ses 21 ans et de son corps d’athlète, aurait pu offrir une résistance plus consistant­e. Mais là aussi, comment en vouloir à Nishikori d’avoir sorti son meilleur match depuis deux ans pour éliminer l’Allemand ! Vu que Federer ne semble plus vraiment concerné par la terre et que Djokovic est encore loin de son meilleur niveau, la question se pose de la véritable opposition à Nadal sur la route de Roland-Garros 2018. Pour le public, le tennis et même la légende Nadal, celui

qui sera capable d’offrir une résistance homérique sera le bienvenue. En attendant, Rafael Nadal a bien raison de répéter que « n’importe quel top joueur est capable de (le) battre ». S’il en est là, c’est bien parce qu’il n’a jamais rien considéré comme acquis. « À quoi j’ai pensé en voyant les images des 10 titres précédents défiler sur l’écran géant ? Au fait que je suis vieux !», a souri Nadal devant

les micros. « J’ai 31 ans, bientôt 32. Je sais que la fin de ma carrière est plus proche qu’il y a dix ans. Alors, chaque trophée, je savoure encore plus. Onze victoires à Monaco... Je trouve cela incroyable. Comment aurais-je pu l’imaginer ? C’est un sentiment énorme. Onze, c’est un beau chiffre ». Et le Majorquin, qui pense à fonder une famille quand il aura plus de temps, a livré cette conclusion. « Onze fois, si je l’ai fait, c’est que quelqu’un d’autre pourra le refaire un jour». Sur ce point, qu’il nous soit sérieuseme­nt permis d’en douter.

Je sais que la fin de ma carrière est plus proche qu’il y a dix ans. Alors, chaque trophée, je savoure encore plus ”

 ?? Photos : Jean-François Ottonello ??
Photos : Jean-François Ottonello

Newspapers in French

Newspapers from France