Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le Château de la Martinette redore son blason Saga
Le domaine de la Martinette à Lorgues revit depuis son rachat en 2011. La construction de son nouveau chai, réalisé avec le concours des entreprises locales, lui ouvre un large horizon
Perdu dans le haut Var, entre Lorgues et Le Thoronet, le domaine de la Martinette sommeillait depuis de longues années au bord de l’Argens. Fondé en 1620 et ayant appartenu pendant quatre cents ans à la même famille, le domaine a connu une multitude de propriétaires, tout en perdant de son éclat. Par chance, en 2011, trois riches industriels russes, amis de longue date, ont eu le coup de coeur et décidé de le restaurer. De manière spectaculaire. Une transformation qui profite à tout le monde puisqu’aujourd’hui, le nombre de salariés est passé de cinq à vingt. Les parcelles de vignes, en mauvais état, ont été replantées. Et des projets très ambitieux foisonnent, avec le concours des entreprises locales. L’objectif, à terme, étant d’aller « chatouiller » les meilleurs producteurs de la région en proposant un vin bio de qualité. Et d’ajouter des villas à louer et un hôtel à destination d’une clientèle haut de gamme pour développer un produit oenotouristique. Pour cela, les propriétaires ont mis les moyens.
« Un projet de dix ans »
« Pour ces passionnés de vins et de la Provence, amoureux de l’arrièrepays, c’est un projet de dix ans », confie Guillaume Harant, le jeune gérant âgé de 34 ans. Si le travail de remise en état des cultures et de la vigne (le domaine compte 400 hectares dont 300 de forêt) a déjà été entamé, le point d’orgue se situe au niveau de la construction du nouveau chai. Un bâtiment exceptionnel par ses dimensions et les défis techniques qu’il a nécessité. « Pour s’investir dans le tissu local, le credo des propriétaires a été de privilégier les entreprises locales », explique Guillaume Harant. Le nouveau chai, construit de toutes pièces, a déjà nécessité trois ans pour décrocher les autorisations administratives de toutes sortes. Ensuite, « ça a été un gros travail de terrassement pour l’intégrer à la colline. L’intérêt était de profiter de l’inertie thermique pour les zones de stockage afin de réguler les températures de manière naturelle ». Haut de quinze mètres, adossé à la colline, le bâtiment de plus de 5 000 m², imaginé par le cabinet Mazières à Bordeaux, spécialisé dans la construction de chais viticoles, abrite, au rez-de-chaussée, une zone de stockage laissant entrer un camion et, au premier étage, une zone de vinification et d’élevage où ont été installées vingt cuves en inox et vingt autres en béton brut. Le dernier étage étant réservé aux bureaux, à la boutique d’accueil, aux terrasses, mais surtout à la grande salle de séminaire qui offrira une vue panoramique sur le domaine à travers un vitrage exceptionnel. Un double vitrage de 8,5 mètres de long par 2,8 mètres de haut et d’une épaisseur de 56 mm, d’un seul tenant, et pesant 2 400 kg. Un défi technique pour l’entreprise Concept Alu qui l’a commandé et doit le poser à la fin du mois, avec toutes les difficultés que cela comporte, tant pour son acheminement que pour sa pose. « On croise les doigts pour qu’il n’y ait pas de vent ce jour-là, espère Rodolphe Poisson, son cogérant. Il a fallu faire des études techniques et trouvé un fournisseur. En France, même chez Saint-Gobain, ils n’en font pas. On a donc trouvé une entreprise étrangère. » Selon Guillaume Harant : « L’architecte voulait en donner plein la vue aux visiteurs et faire du domaine un tableau pour déguster les vins, d’où un vitrage sans montants. Il fallait aussi une faible émissivité, comme la salle est orientée plein sud, pour limiter la chaleur dans la pièce. » Et d’ajouter : « Il y a énormément d’éléments qu’on ne trouve nulle part dans la région, même pas à Bordeaux. » Quant à la décoration, elle a été confiée au cabinet parisien Alberto Pinto qui a prévu d’éblouir les visiteurs d’autres merveilles comme cette cage en verre, réalisée là encore par Concept Alu, qui surplombera les cuves et passerelles métalliques de la salle de vinification.
Dix millions d’euros d’investissement
En tout, ce nouveau chai aura mobilisé près d’une vingtaine d’entreprises différentes, presque toutes de la région, pour un montant global de près de dix millions d’euros, en comptant les aménagements extérieurs. La fin des travaux étant
espérée à la fin de l’année, l’inauguration aura lieu en 2019. « Il fallait sur le domaine un bâtiment qui donne le prestige que l’on voulait redonner au lieu. Tout le projet a été pensé autour de l’esthétique. On a exigé beaucoup des entreprises mais, malgré les contraintes techniques, elles se sont battues pour nous, confie Guillaume Harant. Notre objectif, avec ce bâtiment, est d’atteindre une croissance à deux chiffres, de tripler notre production tout en gardant une production bio, naturelle, cent pour cent du domaine. » Aujourd’hui, si le domaine produit 130 000 bouteilles, il espère atteindre les 350 000 d’ici 2022, dans les trois couleurs. L’idée étant d’offrir un produit haut de gamme en priorité aux hôtels, restaurants, cavistes et bars à vin de la région (40 % des parts de marché actuelles), à l’export (20 %) et en vente directe. De quoi redorer le blason de cet illustre domaine. Deux lévriers soulevant la couronne de Provence. Tout un symbole.