Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Une école pour s’extraire du monde du silence
Depuis trois ans, des bambins sourds ou malentendants sont scolarisés à la maternelle Gensollen : enseignement spécifique le matin et inclusion l’après-midi avec leurs camarades valides
C’est une classe qui ne se réunit que le matin. Après la cantine, les pitchouns de 3 à 5 ans, sourds et malentendants, sont immergés dans les classes de leur tranche d’âge. C’est le volet socialisation de l’école maternelle, souligne la directrice Chantal Badel qui, en enseignante expérimentée, s’appuie sur les piliers de son institution. Elle y tient. Les autres axes principaux sont : la sécurisation, le fait pour les enfants de se sentir à l’aise avant tout enseignement ; et le bain de langage. Précédemment installée à la maternelle de la Visitation à Toulon, cette classe unique en son genre existe depuis trois ans à la maternelle Marius-Gensollen. Un emplacement plus accessible pour les familles d’élèves malentendants, certains venant de Gonfaron ou du Luc. En trois ans à La Farlède, un premier bilan réaliste peut être fait. De plus en plus d’élèves pourront rejoindre un CP classique en septembre prochain, sans passer par une classe ULIS Bref, ça marche. « Ça tient beaucoup au lien qu’on crée avec les adultes qui interviennent. Cela prend du temps. Mais si le travail d’équipe fonctionne, les enfants le ressentent. Là, en l’occurrence, c’est le cas. » Chantal Badel est très attachée à cette classe particulière, qui, pour être efficace, ne peut recevoir plus de dix élèves. Ce matin-là, on assiste à une séance de yoga. Encouragés par la psychomotricienne Virginie Laurent, les enfants doivent se figurer la mer et les embruns, un bateau à enjamber, leur petit corps à étendre au soleil. L’orthophoniste Valérie Charlier prend un enfant à part. L’AVS Patricia Plumecocq, elle, s’occupe spécifiquement de la petite Léonie. Durant la séance, l’enseignant spécialisé Bernard David produit des signes avec ses mains pour qu’un enfant prononce un mot.
Le rôle social de l’oralité
C’est du « langage parlé complété » : un son est codé, un signe est puisé dans la langue des signes française (LSF) pour soutenir la communication orale. « Les déficients auditifs lisent sur les lèvres, explique Virginie Laurent. Mais des phrases produisent des mouvements de lèvres similaires, comme “Je mange des frites” et “Je marche très vite”. On appelle ça des sosies labiaux. » On l’aura compris, le projet pédagogique de la classe se rapporte à l’oralité, qui revêt un rôle social primordial. Le langage des signes, lui, n’est pas enseigné ici. La classe est le fruit d’une collaboration entre les services Safep/Seefis des Pupilles de l’enseignement public, de l’Éducation nationale et de la mairie de La Farlède, qui fournit un appui financier pour le matériel. Léonie, Salim, Maé, Ema, Adam, Maël et Chahinez sont appareillés avec des amplificateurs d’audition. L’après-midi, quand Chahinez est en milieu bruyant (28 élèves par classe en maternelle...), elle bénéficie même de la voix de sa maîtresse, équipée d’un micro HF, directement dans sa prothèse. Sans brouaha ambiant. Ce type d’école est unique dans le Var (avec l’ULIS Debussy à Toulon, en primaire). Si le principe de l’inclusion est ici bien intégré – une école qui s’adapte au handicap –, le département a encore beaucoup à faire dans sa prise en compte de la déficience auditive, ce handicap invisible qui n’octroie pas d’AVS dans les écoles varoises. Il n’existe pas plus de centre d’apprentissage de la langue des signes dans le Var, contrairement aux Alpes-Maritimes et aux Bouches-du-Rhône.