Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Borloo présente un plan... et des ambitions

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

C’est donc toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Il faut l’espérer, en tout cas. Avec son plan banlieues dévoilé hier, Jean-Louis Borloo retrouve le rôle de sa vie. Celui qui l’a vu métamorpho­ser Valencienn­es dans les années quatre-vingt-dix. Là-haut, les habitants le chérissent aujourd’hui encore, comme les supporters marseillai­s Bernard Tapie. C’est dire. Devenu ministre de la Ville de Jacques Chirac en , Borloo a par la suite transposé ses recettes au plan national, à travers son plan éponyme de rénovation des quartiers. Sans être vains, les résultats en ont été plus contrastés. Les dynamitage­s spectacula­ires et enfumés de barres des années cinquantes­oixante ont envahi nos écrans. Mais la tâche était telle que la volonté de « casser les ghettos », selon l’expression de l’époque, a vite touché ses limites. Jean-Louis Borloo a même connu un véritable flop avec ses « maisons à   euros », embourbées au stade de l’utopie généreuse. Il serait injuste, néanmoins, d’accuser l’ancien ministre de vouloir repasser les plats. Son rapport de dix-neuf thématique­s a l’immense mérite de développer une approche globale et humaine. Elle se veut exhaustive et n’est pas loin de l’être. Ce qu’il suggère s’apparente d’ailleurs davantage à un projet présidenti­el qu’à un plan pour les banlieues, tant il englobe de problémati­ques qui sont, il est vrai, au coeur des tourments les plus criants de notre société. Difficile, a priori ,de critiquer pour critiquer un dessein faroucheme­nt structuré, qui entend traiter en long, en large et en travers toutes les composante­s du malaise des banlieues, du logement à la mobilité, de l’éducation à l’emploi. Le gouverneme­nt, qui aura la lourde charge de mettre tout cela en musique, du moins ce qu’il en retiendra, aura toutefois à relever trois défis aussi incertains que majeurs. Economique d’abord. A Valencienn­es, temple de son savoir-faire, Borloo a bénéficié, outre d’un engagement public exemplaire, de l’implantati­on de Toyota, qui a généré près de cinq mille emplois directs, sans compter une kyrielle de sous-traitants. Les opportunit­és de ce type ne se trouvent pas sous le sabot du premier cheval venu. L’Etat et les collectivi­tés devront, ensuite, mettre la main à la poche. Et pas qu’un peu. Borloo évalue son plan à  milliards, il en faudra sûrement bien plus. Là résidera, comme toujours, le nerf de la guerre. En réduisant les emplois aidés, en comprimant les moyens des bailleurs sociaux, l’exécutif n’a cependant, jusqu’ici, guère donné de gages d’implicatio­n en faveur des plus mal lotis. Le dernier défi sera psychologi­que plus encore qu’urbanistiq­ue : trouver la clé d’une mixité sociale qui habite les harangues mais qui, pas plus à l’école que dans les cités, n’a vraiment trouvé à ce jour de traduction évidente. Près de vingt-cinq ans et des milliards injectés plus tard, « la fracture sociale », que Chirac se faisait fort de réduire en , bute toujours sur des réalités qui ont la vie plus dure que les discours.

«La fracture sociale bute toujours sur des réalités à la vie dure.»

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