Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Une Varoise fait condamner l’État pour faute lourde

À la demande de l’ancienne compagne d’un médecin fréjusien, décédé en détention en 2014, le tribunal de grande instance de Paris a reconnu une déficience du service public de la justice

- V. G. vgeorges@nicematin.fr

Le tribunal de grande instance de Paris (TGI) a accédé à la demande de Mme Yveline Baraton et sa fille Annabelle Baquey, en condamnant l’État à les indemniser de leur préjudice moral, suite au décès en détention du Dr Albert Israël, compagnon de la première et beaupère de la seconde. «Quand je l’ai déposé au commissari­at le 25 juillet 2014, il était convoqué pour une visite médicale. Je ne l’ai plus jamais revu. Il est mort aux Baumettes le 24 août, raconte Yveline Baraton. Ces gens-là je les hais. Vous n’imaginez pas à quel point. Mais je suis contente d’être arrivée à cela, à faire reconnaîtr­e cette erreur».

Pas avisé de la date d’audience

Pour comprendre sa colère, il faut revenir en arrière. Installé à Fréjus en 1989, le Dr Albert Israël a intégré l’associatio­n SOS Médecins de l’EstVar, qu’il a même présidée un temps. Après la mort de l’une de ses patientes en 2007, les neveux de cette dernière déposent plainte en 2008. Ils le soupçonnen­t d’avoir rédigé une attestatio­n sur l’honneur, selon laquelle il n’était pas le médecin traitant de la défunte, dans le but de pouvoir hériter d’une partie de ses biens. Le procureur classe l’affaire sans suite en 2009 puis ouvre en 2010 une informatio­n judiciaire pour des faits d’abus de faiblesse contre personne vulnérable et, dans un second temps, pour faux et usage de faux. En garde à vue, le médecin conteste tout. Il est néanmoins mis en examen fin 2012 et renvoyé devant le tribunal correction­nel de Draguignan le 25 mars 2014 pour faux et usage de faux en récidive légale (1). Le Dr Israël, qui, selon Me Denis Fayolle, l’avocat de Mme Baraton, n’a pas été cité en personne et n’a pas été avisé de cette date d’audience, ne s’y présente pas. Le tribunal renvoie l’affaire au 10 juin et ordonne de faire citer le prévenu. Ce jugement n’a jamais été signifié et le 10 juin, le médecin fréjusien est déclaré coupable d’usage de faux en écriture, condamné à un an d’emprisonne­ment, avec interdicti­on définitive d’exercer la médecine. Un mandat d’arrêt est délivré. Le 17 juillet, le Dr Israël est interpellé à son cabinet. Au regard de son état de santé, constaté par un premier médecin, la mesure de rétention est levée le lendemain. «Il était malade, souffrait d’une cardiopath­ie sévère et d’un cancer de l’oesophage», rappelle Mme Baraton. Aussitôt, il fait appel du jugement, précisant que la décision ne lui a pas été notifiée. Le 25 juillet, un autre médecin expert le considère apte à la prison, où il est conduit et où il décédera un mois plus tard.

Une perte de chance d’éviter la détention

Dans un jugement du 16 octobre 2017, le TGI de Paris a estimé que les diverses erreurs de procédure ont nui au Dr Israël et que « le préjudice qui en résulte consiste en une simple perte de chance d’être placé sous contrôle judiciaire, plutôt qu’en détention provisoire, par le juge des libertés et de la détention devant lequel il aurait dû être présenté dans le cadre de la mise en exécution du mandat d’arrêt décerné ». L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionne­ment défectueux du service public de la justice en cas de faute lourde (2). Il a été condamné à payer 3 000 € à Mme Baraton et 1 000 € à sa fille en réparation de leur préjudice moral lié à l’incarcérat­ion de leur proche, ainsi que 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. «Reconnaîtr­e la faute lourde de l’État est uneedécisi­on exceptionn­elle »

,relève M Fayolle.

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(Photo Ph. A) Le jugement du TGI de Paris, qui a reconnu une déficience du service public de la justice, est une maigre consolatio­n pour Yveline Baraton dont le compagnon est décédé durant son incarcérat­ion.

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