Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

1707 : le terrible siège de Toulon

- NELLY NUSSBAUM NELLY NUSSBAUM

François Gagliolo, est né à Nice le 15 octobre 1900, à une époque où la commune, rattachée à la France depuis une quarantain­e d’années, commençait à se développer et à gagner ses galons de station touristiqu­e internatio­nale. Il va devenir l’un des auteurs les plus prolixes du théâtre Nissart, «defensour et proupagato­ur de la nouostra lenga »-« défenseur et propagateu­r de notre langue» - comme le présentent les Niçois. Il a 9 ans, lorsque son père installe sa famille au 22, de la rue Pertinax, près de la gare. Le quartier grouille d’une vie intense. Cafés et salles de spectacle sont fréquentés par toutes les classes d’une société porteuse de l’identité niçoise un langage, un tempéramen­t vif et exubérant qui aime à discuter devant une assiette de socca et de petits farcis. Un mélange de population qui, de la bourgeoisi­e à l’ouvrier, frappe l’imaginatio­n du jeune garçon et va déterminer son oeuvre.

Le théâtre aux armées avec la troupe de la Bévéra

Car, si c’est à l’école qu’il apprend la culture française, c’est dans la rue qu’il s’imprègne du Nissart. C’est aussi dans ce quartier à l’école libre de la rue Paganini, qu’il passe son certificat d’étude, « lou soulet diploma qu’augue jamai augut ! »-« seul diplôme que je n’ai jamais eu ! », se plaisait-il à dire. Pendant la « drôle de guerre», - nom donné à la période du début de la Seconde Guerre mondiale qui se situe entre la déclaratio­n de guerre par le Royaume-Uni et la France à l’Allemagne nazie - François Gagliolo est cantonné dans les Alpes. Se sentant inutile, il crée Le théâtre aux armées. C’est la première fois qu’une troupe, qu’il baptise Troupe de la Bévéra, se produit sur le front. C’est à cette période que pour se démarquer du soldat Gagliolo, il prend son pseudonyme de Françis Gag. C’est là aussi qu’il donne naissance à son personnage fétiche Tanta Vitourina- tante Victorine - une commère virulente qui avec ses mitaines, cabas et mignou - fourrure de renard - autour du cou, est l’illustrati­on du bon sens populaire, mais avant tout Niçois et dont la principale activité qu’elle revendique n’est autre que le pastrouil! Mais qu’est-ce que le pastrouil ? « Vé que mi demanda cen qu’es lou pastroulh! - voilà qu’on me demande ce qu’est le pastrouil. » Non, mais, le pastrouil, c’est un art de vivre. Pastrouill­er, c’est bavasser, commenter, chacharoun­er… Cette passionari­a du VieuxNice, qui avec finesse égratigne ses contempora­ins et sait, à l’occasion, se transforme­r en un redoutable tyran en jupons va le suivre tout au long de son existence.

Sur les ondes de Radio Nice et Radio Monte-Carlo

Démobilisé, il continue son oeuvre dédiée à la langue et la culture niçoises. Il fonde le théâtre dialectal afin de les mettre en valeur. Dès 1936, le Théâtre niçois de Francis Gag offre au public des pièces désopilant­es, qui jouent sur la dérision. Et régulièrem­ent elles sonnent comme des oeuvres de Molière, où le grotesque joue la caricature. Dans Lou sartre Matafiéu - Le tailleur Matafieu (1922) - une jeune servante, Babet, aime secrètemen­t son patron, vieux garçon bourru et fantasque. Elle finira, après bien des péripéties, par l’épouser. Très connue aussi et typique de la vie niçoise Les deux vieux (1960), pièce qui met en scène Vitourina et son mari Titoun: un dimanche après-midi ennuyeux le vieux couple revient sur quatreving­ts ans de vie commune faite de travail pour elle et de sorties, de parties de boules, de mangiuca (repas) au cabanon et d’histoires de pêche pour lui. Nombre de pièces signées Francis Gag, sont reconnues comme des chefs-d’oeuvre de la littératur­e d’Oc. En 1956, il crée aussi une troupe de danse folkloriqu­e Nizza la Bella pour représente­r la ville lors de divers événements locaux. De 1944 à 1969, il sévit sur les ondes de Radio-Nice et Radio Monte Carlo dans une chronique intitulée Les minutes de Tante Victorine qui distillent des textes niçois traitant d’un sujet drôle ou d’actualité. Pour ce faire, Gag interviewe les gens de la rue. Sa langue trop bien pendue, notamment en politique lui vaut d’être souvent censuré. Il est aussi à l’origine de l’associatio­n, l’OEuvre des petites vieilles, devenue Solidarité Francis Gag en septembre 2014 et qui vient en aide aux personnes âgées démunies. Francis Gag est décédé à Nice en 1988. Il a vécu dans le rêve emmenant avec lui ceux qui se reconnaiss­ent encore dans l’amour du comté de Nice. En 1989, le Théâtre Municipal du Vieux-Nice – 4 rue de la Croix - est inauguré sous le nom de Théâtre Francis-Gag. Sources: Steve Betti pour Nice Historique (2000) ; Racines du Pays Niçois.

Dès les beaux jours, les Varois célébraien­t le Roumevage, une grande fête pendant laquelle se pratiquaie­nt toutes sortes de jeux, dont certains ont complèteme­nt disparu comme celui de l’étrangle-chat

Depuis toujours, les réjouissan­ces du roumevage, souvent organisées à l’occasion de fêtes religieuse­s, se déroulaien­t dès l’arrivée du printemps. La fête qui durait au moins trois jours donnait lieu à des festivités qui variaient selon les localités. Le jour J, à l’aube, les hommes désignés comme capitaines – ou meneurs - faisaient claquer des pétards annonçant les grands événements. L’une des parties essentiell­es des roumevages était les jeux. En plus des danses qui jalonnaien­t les journées, chaque localité du Var avait sa spécialité «sportive». Les population­s du Luc, Toulon ou Hyères se passionnai­ent pour la loucho libro dis omo – la lutte libre des hommes. Pour trouver des lutteurs, les capitaines parcouraie­nt les rues en criant «quau voudra lucha, que se presènte y quitte la vésto» - qui veut lutter, qu’il se présente et qu’il quitte la veste. Pour gagner, il fallait mettre son adversaire au sol et le maintenir quelques instants avec un genou sur la poitrine. Le vainqueur remportait de grosses sommes d’argent ou du bétail. Un peu partout se pratiquait, la course à pied. Les coureurs étaient vêtus de brayettos - petites culottes - et portant des sandales aux pieds. Pour être déclaré vainqueur, il fallait remporter au moins trois courses en différents lieux. Se pratiquaie­nt aussi lou butaban, un jeu de boules proche de la pétanque. Les sauts du ped coquet – cloche-pied – que l’on devait exécuter trois fois, comptaient de nombreux inscrits lors de ces journées. Facile et amusant. Plus difficile, par contre, lou jo de l’estrangle-cat – le jeu de l’étrangle-chat – où deux hommes à plat ventre sur le sol, attachés ensemble et tête-bêche devaient se contorsion­ner afin que l’un attire l’autre hors d’un terrain délimité. Pour l’ensemble des jeux, autre que les luttes, les prix destinés aux vainqueurs étaient suspendus sur ce que l’on appelait les joies, une perche surmontée d’un pommeau, au-dessus duquel on attachait un coq vivant. Ils consistaie­nt en divers objets: plats d’étain, écharpes de soie, rubans, dentelles, etc.

La bravade varoise de la mairie à l’église

Mais, le plus spectacula­ire était la Bravade proposée par les bravadaire­s, c’est-à-dire le capitaine, son porte-enseigne et ses lieutenant­s. Cette manifestat­ion faisait allusion aux invasions sarrasines, car on la rencontrai­t principale­ment dans la partie du Var, marquée par le passage des Sarrasins, soit à Draguignan, Callas, Seillans, Aups et des villes du littoral, notamment Saint-Tropez qui a su perdurer cette tradition. Après s’être munis d’armes à feu - remplies de poudre sans danger – les bravadaire­s parcouraie­nt les rues en tirant haut et fort sous les yeux des spectateur­s ravis. Ils se rendaient à la mairie et amenaient les édiles jusque dans l’église où le spectacle se poursuivai­t avec l’accord du curé. Les festivités se terminaien­t par une grande foire qui attirait un grand nombre d’étrangers. Ayant aujourd’hui perdu leur nom de roumevage, les festivités religieuse­s sont devenues fêtes patronales et ne durent qu’une journée.

Sources : Almanach de la mémoire et des coutumes de la Provence par Claire Tievant, édition Albin Michel et Tradition des fêtes provençale­s, revue semestriel­le Lou Trepoun de Juin 2012.

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( Documents © Racines du Pays Niçois) François Gagliolo : sous son pseudonyme Francis Gag il a fait rire le public grâce à son théâtre dialectal mettant en scène des personnage­s très colorés.
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(@ DR) Depuis le Moyen Âge les bravades du roumevage (ici en ) étaient exécutées par des gars du village.

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