Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Pierre Duffort: «En irriguant, on va gommer la typicité de nos vins»
En charge du domaine de Rimauresq, il est pour l’heure le seul viticulteur à s’opposer au projet, porté par l’AOC côtes de Provence, d’irriguer les vignes grâce au Canal de Provence
J’ai plus à perdre qu’à gagner en prenant la parole ». Pierre Duffort, directeur du domaine de Rimauresq à Pignans depuis près de vingt ans, n’est pas dupe. En critiquant le choix du Syndicat des côtes de Provence qui voit dans la généralisation de l’irrigation la parade à la sécheresse, il sait qu’il ne va pas se faire que des amis dans le vignoble varois.
Promotion des solutions alternatives
Avec une baisse de la récolte de 20 % par rapport à 2016, et même - 30 % pour le rosé, Pierre Duffort aurait pourtant toutes les raisons de se rallier à la cause des partisans de l’irrigation. Il n’en est rien. Question de bon sens, tout d’abord. « Comment peut-on affirmer que la solution à un manque d’eau réside dans une plus grande consommation d’eau ? », interroge-t-il. Et de mettre en avant des solutions alternatives qui permettent de limiter les effets du réchauffement climatique. L’enherbement, qui consiste à entretenir un couvert végétal entre les rangs de vigne, en fait partie. « On a mesuré une différence de 5 à 7 °C avec les zones désherbées. Ça évite l’évaporation de l’eau et ça profite aux pieds vigne tout proches ». Mais si Pierre Duffort est si opposé à l’idée d’irriguer les vignes, c’est qu’à ses yeux, « ça va gommer la typicité des terroirs ». Évoquant un risque de « standardisation », d’« artificialisation » de la viticulture, le directeur du domaine de Rimauresq estime qu’une telle pratique « va à l’encontre de l’AOC côtes de Provence ». Ce n’est pas sa conception du métier de vigneron.
Typicité contre standardisation
À ceux qui voudraient lui opposer l’équilibre financier des exploitations mis à mal par une baisse de rendement chronique, Pierre Duffort rétorque: «Un produit standardisé induit un prix d’achat plutôt peu élevé ». En jouant à fond, au contraire, la carte de la typicité, « véritable reflet d’un terroir », les viticulteurs ont tout à gagner. «Le vin est une création humaine. Les plus grands vins sont ceux où l’intervention humaine est la plus importante. En mettant en avant la spécificité du milieu dans lequel ils élèvent la vigne, en expliquant le travail en cave, les viticulteurs peuvent valoriser leurs vins et justifier des prix plus élevés. Les consommateurs sont prêts à payer plus cher s’ils sont convaincus que ce qu’ils mangent et boivent est plutôt sain et produit en harmonie avec la nature ». Et de rappeler ce qui devrait pourtant être une évidence : « C’est à l’homme de s’adapter au milieu, pas l’inverse ».