Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ce président, c’est quelqu’un !

- A. F.

Hier matin sur la place Laïk, au bas du marché de La Seyne-sur-Mer, on discute plus volontiers de la météo et du match de l’OM prévu le soir que de la première année de présidence d’Emmanuel Macron. Sur cette agora de la deuxième ville du Var, ancienne ville ouvrière dirigée depuis dix ans par la gauche, on a pourtant l’habitude d’interpelle­r les politiques de tous bords et de refaire le monde tous les jours. « Macron ou un autre, peu importe, ça fait vingt ou trente ans qu’on dit que ça va pas, c’est pas en un an que ça a changé, soupire Claude, ancien ouvrier à la retraite. La baisse de la taxe d’habitation nous aide un peu, mais il nous prend en retour sur les retraites ! Alors il faudra faire le calcul en fin d’année, pas sûr qu’on y gagne… » Son voisin, également retraité, est encore plus sévère : « On est dans le trou, on le sera toujours… Avec Macron ce sera peut-être même encore pire qu’avant ! Une chose est sûre : la redistribu­tion des richesses ne se fait pas : les riches sont toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres… Pourtant, l’argent, il y en a, il n’y a qu’à voir les montants mirobolant­s des transferts de footballeu­rs ! » Arrive Patrick qui se joint au groupe : « Macron ? Il ne défend que les riches !, s’emballe-t-il de suite. Il va même enlever l’impôt sur les riches que Sarkozy avait mis en place ! Moi je suis un homme de gauche, mais attention, de la vraie gauche, pas la gauche caviar. Et il n’y a rien de gauche dans la politique de Macron. » Un peu plus loin, sur le cours LouisBlanc, un commerçant accepte de témoigner anonymemen­t. «C’est sûr et certain, je n’ai pas voté pour lui, donc je n’ai pas à être déçu. Mais les gens qui l’ont mis en place – qui à mon avis ont voté “contre” quelque chose plutôt que “pour” sa politique – sont les premiers à grogner alors qu’ils sont les premiers responsabl­es. Il fait les réformes qu’il avait annoncées, il suit sa ligne de conduite alors que j’aurais aimé qu’il l’assoupliss­e… » Et bien qu’actif, c’est la baisse des retraites qui scandalise le plus ce commerçant : « Des choses ne sont pas acceptable­s : quand on voit qu’il prend aux retraités qui ont travaillé toute leur vie… On dit que c’est pas grand-chose, mais pour certains ça représente une semaine de repas. » 1. « L’exit tax » pour les contribuab­les transféran­t leur domicile fiscal hors de France. Depuis son élection, on commente, on scrute et on dissèque chacune des attitudes et des phrases d’Emmanuel Macron. On le compare aussi. Hier, c’est la presse australien­ne qui l’assimilait à Pépé le putois, un personnage des bandes dessinées Looney Tunes, pour avoir employé involontai­rement au sujet de l’épouse du Premier ministre une expression à une connotatio­n sexuelle. Mais au fond, qui est vraiment Emmanuel Macron ? Depuis un an, on a eu le choix... Après un hyperprési­dent (Sarkozy) et un président normal (Hollande), nous aurions donc un chef de l’Etat jupitérien. Cette posture, celle du Dieu qui règne sur tous les autres et incarne l’autorité, c’est Emmanuel Macron lui-même qui a souhaité l’installer dès le début de sa campagne. Convaincu des vertus de la parole rare, il a rapidement évolué, jusqu’à aller répondre aux questions de Jean-Pierre Pernaut dans une classe de CE. Déjà moins jupitérien. Dans son livre Un personnage de roman, l’écrivain Philippe Besson relate ses conversati­ons avec Emmanuel Macron. Le président compare notamment les membres de son entourage aux « jeunes maréchaux d’empire ». Certains trouvent aussi assez bonapartis­te d’avoir utilisé ses initiales pour le choix du nom de son mouvement, En Marche ! L’un réglait, dit-on, les factures d’électricit­é de l’Elysée; l’autre paye de sa poche ses tubes de dentifrice et les croquettes de son chien. Comme le Général, l’ex-banquier dépasse les clivages et compte faire évoluer les institutio­ns. Un président jeune et libéral, qui entend incarner le renouvelle­ment : la comparaiso­n est facile. Mais en dépassant tous les clivages, Macron va plus loin que VGE. Et entend bien être réélu... Utilisée à plusieurs reprises au sujet de sa conquête du pouvoir, l’expression « Casse du siècle » a servi de titre au documentai­re de BFMTV diffusé dimanche dernier. Un « braquage » sans arme, ni haine, ni violence ? Pas flatteur. Normal, la comparaiso­n vient de Laurent Wauquiez qui se rêve en sauveur de la galaxie France.« Il y a un très méchant Dark Vador qui essaie d’étouffer tout espoir », a estimé en novembre le patron des Républicai­ns dans une interview. Depuis, la force est plutôt du côté de l’Elysée que de celui du Luke Skywalker de Haute-Loire. « S’agit-il du président français ou de James Bond ? ». C’est la chaîne américaine CNN qui a posé la question le  juillet dernier en découvrant une photo d’Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux. Ce jour-là, le président s’était fait hélitreuil­ler en plein océan Atlantique pour rendre visite à l’équipage du sous-marin Le Terrible. Un  de la com’, en somme.

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(Photo A. F.) Pour Patrick (au centre), « Macron ne défend que les riches ».

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