Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

«Je n’ai peur de personne»

À bientôt 32 ans, Guilhem Guirado n’a plus vraiment de temps à perdre. Raison de plus pour emballer ce sprint final et essayer de « tout casser » après trois finales perdues

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE BERSIA

Entre les exigences de l’équipe de France et celles qu’impose le RCT, la vie de Guilhem Guirado ne s’apparente pas vraiment à celle d’un long fleuve tranquille... Mais parfaiteme­nt conscient que ces cadences infernales ne dureront plus très longtemps, il ne risque pas de s’en plaindre. Mieux, même, soucieux de ne rien regretter à la fin de sa carrière, et même un peu frustré ces dernières saisons, le Catalan a une envie décuplée de nouveaux trophées. Il aborde cette fin de saison avec de grandes ambitions et affiche aujourd’hui un sourire communicat­if et carnassier, qui en dit autant sur sa motivation que son discours. Le printemps, c’est maintenant !

Comment va votre genou ?

Lequel ? Il y a eu beaucoup d’épisodes cette année. Là, c’est le gauche, qui m’embête. Mais plus de peur que de mal. J’ai été gêné la semaine dernière pour la préparatio­n de Castres mais là ça va beaucoup mieux. J’ai eu la chance d’avoir une semaine de récup’ et une semaine de vacances. J’ai vraiment bien travaillé la semaine dernière même si j’ai pris le temps et n’ai pas voulu brusquer les choses. Ma santé est aussi importante pour la suite. Pour l’avoir dit précédemme­nt, quand je ne suis pas à  %, je ne me permets pas de prétendre à jouer des matches de cette intensité.

À ce sujet, James O’Connor vient de révéler qu’il a joué pendant deux saisons à Toulon en se faisant lui-même des infiltrati­ons à sa cheville blessée. Qu’est ce que cette dérive vous évoque ?

Cela m’inquiète un peu. Je ne savais pas. C’est une certaine dérive qui ne permet pas d’être profession­nel. Quand je ne suis pas à  %, j’essaie de tout faire pour l’être, et si vraiment ça nécessite une interventi­on, il vaut mieux arrêter avant. Après, c’est peut-être psychologi­que: la peur de se faire opérer et de ne pas pouvoir revenir à  %. Plusieurs paramètres rentrent en jeu, mais c’est dommageabl­e d’en arriver là parce qu’aujourd’hui, la santé est au coeur du rugby et il ne faut pas jouer avec ça. On donne notre corps pendant quelques années. On en profite bien aussi au niveau de notre cadre de vie, mais c’est quand même primordial. Après le rugby, il y a une autre vie, et il faut pouvoir en profiter pleinement...

Sentez-vous monter le niveau de jeu et l’intensité des chocs de saison en saison ?

Oui, ça s’est intensifié. J’espère qu’on va arriver au bout, au niveau de la préparatio­n et de l’optimisati­on. Parce que sinon, je pense que ce sera compliqué de jouer sans se blesser gravement. On arrive à un certain seuil et on constate qu’il y a de plus en plus de blessés.

C’est ça qui vous fait déjà envisager la retraite ?

On sait que ça rentre en jeu. Mais non. Je me prépare pour être le mieux possible. C’est tout.

Vous avez la chance de vivre encore de nouvelles phases finales ?

Encore une fois... Et on se l’est pelée, cette qualificat­ion. Mais je me rappelle aussi qu’on aurait pu faire beaucoup mieux en coupe d’Europe, surtout quand on voit le parcours des équipes en finale. C’est toujours douloureux...

Pour l’instant, entre le RCT et l’équipe de France qui a tardé à se relever, pour vous, c’est un peu la saison des frustratio­ns ?

Un peu, mais c’est ce qui forge le caractère et donne envie de se surpasser le match d’après. C’est dur à avaler par moments. C’est compliqué à vivre aussi, mais c’est ce qui fait la beauté de ce sport. On a la chance d’un week-end à l’autre de pouvoir se remettre en question et de pouvoir tout de suite renverser la tendance. Ça me donne encore plus envie...

Vous pensez que cette équipe peut de nouveau aller au bout ?

On se retrouve un peu dans le même cas que l’an dernier où on était « moyennasse », et tout s’est joué sur les trois-quatre derniers matches où on a réussi à élever notre niveau. On avait aussi subi une grosse déception avec notre défaite en coupe d’Europe en quart de finale à l’extérieur. Là, on sait déjà qu’on va recevoir en barrage. Je ne crois pas au miracle des demies. L’an dernier, on n’était pas loin, on a failli le faire. Donc je pense que tout est encore ouvert.

Vu vos dernières performanc­es à Mayol, on vous imagine déjà, et peut-être un peu vite, en demie...

Attention, l’an dernier, je crois que c’était pareil aussi. On avait reçu Castres trois semaines avant et fait un gros match. Mais en barrage, Castres était revenu en mode phase finale et ce fut bien plus compliqué. On sait que ce sont des matches à part, mais quand je vois le soutien du public toulonnais qui s’est mis, comme l’équipe, en mode phase finale, on sait qu’on sera poussé. En avril, mai, avec le beau temps, tout est fait pour qu’on réalise une grosse fin de saison.

Après tant de finales ratées, cette fois, il va falloir gagner...

J’ai eu la chance de gagner la coupe d’Europe, et ça fait trois ans qu’on se casse les dents sur le Top . Là, je n’ai pas envie de laisser passer, car les années passent et je me rends compte combien il est dur de gagner des titres. Il ne m’en reste plus beaucoup. J’en prends conscience. C’est tellement dur d’être dans les six que c’est important de profiter des phases finales mais aussi de gagner à la fin...

Que manque-t-il encore au RCT. Un peu de maîtrise, d’expérience ?

Il y a encore beaucoup d’imprécisio­ns, de petites scories. On sent qu’on peut faire beaucoup mieux donc c’est de bon augure, mais on a encore du travail pour être fin prêt en phase finale. Sur ces matches-là, les défenses sont quand même au rendez-vous. On aura besoin d’un peu plus de maîtrise collective.

Et d’un gros mental ?

Bien évidemment, mais avec le groupe qu’on a, moi je le dis : je n’ai peur de personne quand on se met à jouer en équipe. Après, il faut assurer sur  minutes. Tout est ouvert. Le champion est toujours allé chercher des victoires particuliè­res sur des matches couperets. Il faudra être présent. Tous nos adversaire­s sont forts, impression­nants et respectabl­es, mais sur un match de phase finale, sérieuseme­nt, je n’ai peur de personne.

Vous avez retrouvé le sourire et ne semblez plus disposé à le perdre ?

J’espère que j’en ai terminé avec les petites blessures. C’est toujours gênant pour quelqu’un qui veut toujours jouer. J’ai mangé un peu mon pain noir, mais j’espère que maintenant ça va aller.

Que pensez-vous finalement de votre préparatio­n individuel­le, cette année, pour l’équipe de France ?

Je me suis bien senti physiqueme­nt, puis j’ai eu un coup de mou prévisible. Globalemen­t, je pense qu’il ne faut pas trop délaisser le rugby. Il faut rester sur du rugby intégré, trouver un bon équilibre entre le rugby, la base et le physique. Quand on postule à l’équipe de France, Il faut se rajouter des séances avant, après, ne jamais lâcher, en faire toujours plus. Il faut aussi réussir à rester proche de son club car c’est la base. Là, on s’est un peu cherché, c’était un peu compliqué, mais j’ai toujours cru à la force de l’équipe... Le plus important est d’être bon au sein du collectif et d’avoir tous la même idée en tête.

Êtes-vous prêts à enchaîner avec le stage de l’équipe de France la semaine prochaine, la tournée des Bleus en juin ?

Oui. Il y a des hypothèses qui vont entrer en jeu, mais bien sûr que j’ai envie d’y être. Je n’ai plus beaucoup de temps devant moi. Je l’ai encore vu en disant au revoir à mes copains le week-end dernier à Mayol. Ça touche et ça fait prendre conscience que mon tour viendra bientôt.

‘‘ Je ne crois pas au miracle des demies”

‘‘ On sent qu’on peut faire mieux”

‘‘ Avoir tous la même idée en tête”

 ?? (Photo AFP) ?? Touché au genou droit contre l’Angleterre, Guilhem Guirado vient d’enchaîner avec le gauche... Ses ambitions en cette fin de saison sont à la hauteur de ses frustratio­ns.
(Photo AFP) Touché au genou droit contre l’Angleterre, Guilhem Guirado vient d’enchaîner avec le gauche... Ses ambitions en cette fin de saison sont à la hauteur de ses frustratio­ns.
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