Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Macron appelle la Nouvelle-Calédonie à «ne pas faire reculer l’Histoire»
Emmanuel Macron a joué l’apaisement hier lors de sa visite sur l’île d’Ouvéa, étape la plus sensible de son séjour en Nouvelle-Calédonie. «C’est aux Calédoniens qu’il appartient de choisir» lors du référendum du 4 novembre, a déclaré M. Macron samedi soir (heure locale) à Nouméa lors d’un discours en clôture de son déplacement de trois jours sur le Caillou. Le chef de l’État a assuré qu’il n’entendait pas prendre parti, « pas pour me soustraire à une responsabilité, mais parce que ce n’est justement pas ma responsabilité ». Mais, a-t-il ajouté, « la France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie ». «Il n’appartient qu’à nous tous de ne pas faire reculer l’Histoire, que le choix se fasse dans le calme en gagnant chaque centimètre de paix et de concorde », a-t-il déclaré devant le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les élus, les chefs coutumiers, les représentants de la société civile et les responsables économiques, réunis dans un théâtre.
« Ne pas s’enfermer dans les douleurs »
La journée d’hier a été riche en gestes symboliques, à commencer par la visite de l’île d’Ouvéa, théâtre en 1988 du paroxysme des violences entre indépendantistes kanak et loyalistes caldoches. Premier Président à se rendre sur l’île depuis l’assaut militaire de la grotte, il y a trente ans jour pour jour, Emmanuel Le corps de la petite Angélique a été retrouvé dimanche dans les bois de Quesnoy-sur-Deûle et cette nuit son meurtrier a été mis en examen. Le procureur de la République a donné des détails glaçants sur le martyre de la fillette, violée puis étranglée par un dénommé David Ramault, déjà condamné en pour « viol avec arme ». Cette abomination bouleverse à juste titre l’opinion publique, et chacun se demande comment notre société n’arrive pas à protéger ses enfants des agissements de détraqués déjà condamnés pour de graves agressions sexuelles. Il est en effet extrêmement compliqué d’avoir des éléments prédictifs robustes pour évaluer le risque de récidive d’un délinquant sexuel, et les études donnent des chiffres contradictoires même si les travaux les plus alarmistes indiquent néanmoins que la récidive chez les personnes condamnées pour des crimes sexuels est un phénomène largement minoritaire. Contrairement aux idées libertaires qui voudraient que la prison soit criminogène, il apparaît qu’en ce domaine, elle soit largement dissuasive. Il n’y aurait donc que des avantages à voir durcir la sévérité des peines encourues et à combattre de façon déterminée ce qui a pu – à juste titre – apparaître non comme une « culture du viol », mais à tout le moins comme une indulgente passivité chez certains magistrats. Il suffit de voir la difficulté constatée pour que soit qualifiée de viol une relation sexuelle entre un adulte et Macron n’a pas déposé de gerbe sur la tombe des 19 militants kanak tués, mais a été chaleureusement applaudi et remercié par la population. Il a aussi rendu hommage aux six militaires qui ont perdu la vie dans ces tragiques une fillette de onze ans… Il convient également que le suivi des violeurs d’enfants soit particulièrement attentif. C’est en effet dans cette population que le risque d’un nouveau passage à l’acte ne diminue que peu avec le temps. C’est ce que dit d’ailleurs l’histoire de David Ramault : ce n’est pas parce que l’individu semble avoir retrouvé un équilibre social et conjugal avec travail, femme et enfants que l’éventualité d’une agression disparaît, l’assassinat subséquent ou concomitant en étant la conséquence parfois inéluctable. Quant à ce qu’on appelle à tort la « castration » chimique, elle est un élément utile du suivi de ce type de criminels. Toutefois, il serait trop facile d’en faire « la » solution. D’abord parce que le risque d’échappement thérapeutique est majeur, que l’injonction de soins peut être largement éludée ou surmontée, et surtout parce qu’on ne peut réduire le viol à une dimension purement hormonale. La volonté morbide de posséder, de dominer et de faire souffrir est hélas un mécanisme beaucoup plus complexe qu’une démarche libidinale. Elle peut mettre en jeu une construction psychologique barbare, perverse et dissimulatrice, inaccessible chez certains aussi bien à l’enfermement qu’aux psychothérapies ou à la doxa médicamenteuse. Ces psychopathes, très difficiles à distinguer de profils aptes à la réhabilitation, sont dans la jouissance de la perspective d’un crime qu’ils commettront parfois des années plus tard et le concept de « pulsion » événements devant la stèle à leur mémoire à Fayaoué, et aux deux leaders indépendantistes Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, assassinés par un des leurs en 1989. Il avait auparavant rencontré, à huis clos, les familles qui souhaitaient le voir.
ne leur est pas applicable. Une fois encore, dans ce domaine, je crains les déclarations politiques simplistes qui vont inévitablement faire florès et qu’il faudra prendre pour… du bullshit.
Pauvres syndicalistes! Le traditionnel défilé du er-Mai a été gâché à la fois par les saccages perpétrés par des casseurs cagoulés mais aussi par les déclarations les plus convenues et les plus absurdes de la classe politique. Marine Le Pen a demandé la démission de Gérard Collomb, Laurent Wauquiez a critiqué le déplacement d’Emmanuel Macron en Australie, comme si le Président et son ministre avaient dû empoigner le bouclier en Kevlar, baisser la visière du casque et foncer sur le pont d’Austerlitz face aux casseurs. La gauche avait au préalable mené une pathétique manifestation dite unitaire, mais sans le Parti socialiste, et avait regroupé quelques dizaines de personnes abritées sous des parapluies. Jean-Luc Mélenchon a attribué sans vergogne les dégradations à l’extrême droite avant de rétropédaler devant l’évidence. Le président de la République a répliqué en tenant le discours classique désignant les professionnels de l’agitation ou ceux qui n’ont pas accepté leur défaite à l’élection présidentielle. Suivez mon regard… Le Président ferait mieux de s’inquiéter du dépérissement des corps intermédiaires, syndicats en tête, qu’il accompagne avec entrain et de la mise au pas du Parlement qu’il organise avec méthode, laissant ainsi l’espace de la protestation aux tenants des discours irresponsables. Il faut « accepter toutes les mémoires pour ne pas s’enfermer dans les douleurs » ,aexpliqué le chef de l’Etat, qui est également revenu, dans son discours, sur la colonisation, période de «fautes et de crimes» mais aussi de «grandes choses de faites » : « La France se grandit toujours de reconnaître chacune des étapes de ce qui l’a fait, sans déni, sans repentance.»
« Nous sommes au temps des choix »
À Ouvéa, le président a planté un cocotier, symbole de vie dans la culture kanak. Il avait à ses côtés un des fils d’Alphonse Dianou, chef du commando FLNKS qui attaqua, le 22 avril 1988, la brigade de Fayaoué et fut tué lors de l’assaut le 5 mai dans S’il est un discours qui devient une démonstration clinique du double langage, c’est bien celui de La France insoumise pour qualifier les débordements que ce soit à Notre-Dame-des-Landes, dans les universités ou dans les mouvements syndicaux. Première figure imposée : condamner les violences, sur le mode « Attention, Mesdames, Messieurs, nous sommes des républicains responsables et un parti de gouvernement ». Il s’agit de ne pas affoler madame Michu. Deuxième étape : fustiger un prétendu laxisme qui serait imposé aux forces de l’ordre pour discréditer le mouvement social. Au passage, cette accusation est un comble pour un parti qui n’a eu de cesse de dénoncer les violences policières. Troisième étape, et c’est là que le double langage atteint son acmé, après avoir regretté les violences, dire qu’on les comprend et qu’on en rejette la responsabilité au choix sur le capitalisme, la société de consommation, l’agriculture productiviste, la Commission européenne, la financiarisation, le traité transatlantique. Ben voyons, c’est encore plus simple, si les « Black Blocs » mettent à sac un McDonald’s ou un concessionnaire automobile, c’est la faute à Macron! Si certains enfants gâtés en mal de sensations fortes ont profané le monument aux morts de l’École normale supérieure, ce n’était pas par une lâcheté ou une bêtise insondables, mais pour lutter contre les élites dont ils font partie afin de défendre les damnés de la terre et le peuple de la faim. Était-ce sot de ne pas y avoir pensé plus tôt ! Si tout cela n’était pas aussi triste, cela inciterait franchement à rire. La vérité est plus terrible : des conditions controversées. Autre geste hautement symbolique, cette fois au Centre culturel Tjibaou, à Nouméa : Emmanuel Macron a remis au gouvernement les actes de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie, des 24 et 29 septembre 1853 au nom de Napoléon III. Les documents étaient jusqu’alors conservés aux archives de l’outre-mer d’Aix-en-Provence. «Nous ne sommes plus au temps de la possession, nous sommes au temps des choix et de la prise de décisions collectives», a déclaré le président. Avec ce geste, «vous allez marquer l’histoire de la Nouvelle-Calédonie », a estimé Philippe Germain, président du gouvernement local.
la démocratie est menacée par des forces anarchistes sauvages et internationalisées qui viennent se greffer sur des mouvements de contestation classiques, rendant extrêmement délicates et parfois impossibles les opérations de maintien de l’ordre, sauf à risquer un drame. Sans verser dans le complotisme, on peut croire qu’un martyr arrangerait bien ces ennemis de la République. Il conviendrait que les « pyromanes indignés » ne jouent pas les idiots utiles des forces du désordre. Ils seraient d’ailleurs les premiers à monter sur la charrette…
Plutôt que faire la fête à Macron, courez vite chez votre libraire et procurez-vous – si ce n’est déjà fait – le livre de Philippe Lançon Le Lambeau, paru chez Gallimard. Philippe Lançon est un écrivain et journaliste, rescapé du massacre de Charlie Hebdo, le visage fracassé par les tirs des tueurs. Le livre est admirablement écrit, sans concession et sans pathos. Les sentiments et les émotions de l’auteur, de ses proches, des policiers, des soignés et des soignants qui l’entourent sont décrits avec une subtilité qui rend compte de toutes leurs nuances et de leurs ambivalences. Le système hospitalier français reçoit un hommage à la mesure de ses compétences et surtout du dévouement incommensurable des professionnels qui s’y déploient. Mais surtout, grâce à Philippe Lançon, on comprend pourquoi être le rescapé d’un attentat est une épreuve qui ne peut être comparée avec aucune autre dans sa dimension personnelle et historique. Si vous ne lisez qu’un livre en , il faut que ce soit Le Lambeau. Parfois, vous le poserez, suffoqué par les larmes, puis vous y reviendrez parce que la fraternité vous emportera. Malgré tout.