Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Cogolin, est-elle une ville à vendre ?

C’est le fil rouge d’un documentai­re de Pascal Lorent, journalist­e qui suit depuis les élections municipale­s de 2014, la gestion de cette commune par le FN et son maire M. E. Lansade

- N. SA.

Une plongée stupéfiant­e sur quatre années de mandat du candidat FN aux élections municipale­s de Cogolin en 2014, Marc-Etienne Lansade : avec ce documentai­re qui sera diffusée ce lundi sur France 3 PACA en deuxième partie de soirée, le télespecta­teur navigue en eaux troubles. Que penser de cette frénésie de projets immobilier­s lancés par la municipali­té ? De ces liens étroits avec des personnage­s venus de Levallois-Perret ? Une frénésie que le maire a toujours justifié sur l’autel du nécessaire financemen­t de l’évolution de la cité de Cogolin. Mais l’accumulati­on des chantiers, la volonté de les mener tambour battantexé­cution, et désormais les contretemp­s judiciaire­s, coulent la perception d’une réelle ambition politique de la part du premier magistrat. Au fil de l’eau, l’angle du sujet s’est affirmé. Même s’il a filmé tous les pans de la vie cogolinois­e, le documentai­re de Pascal Lorent s’articule autour des affaires immobilièr­es avec ce titre provocant : « Cogolin, ville à vendre ». À ceux qui seraient tentés de dire qu’il ne connaît pas le sujet, Pascal Lorent a de la bouteille et connaît le Golfe. « Je suis arrivé ici pour la première fois en 1977 sur un bateau charter de plongée. J’ai gardé des amitiés de l’époque. Et je me suis définitive­ment installé il y a 8 ans », confie le réalisateu­r de films aquatiques et cameraman auprès de son producteur pour ce documentai­re sur Cogolin (Citizen films) Denis Robert, auteur de l’affaire Clearstrea­m.

Affaires immobilièr­es en cascade

« Ce n’était pas le genre de sujets que je traitais auparavant. Mais j’avais un labo politique sous mes yeux. Je suis allé voir, sans conviction­s ni idées arrêtées ». Parti pour un documentai­re de 1 h 30, le film est un précipité de 52 minutes où l’idéologie FN s’efface peu à peu sous le poids des affaires immobilièr­es. Le réalisateu­r va se retrouver confronter au même genre de mammifères qu’il croise sous la surface de la mer : des poulpes qui s’accrochent à des strapontin­s, des raies qui se cachent sous le sable cogolinois et de véritables prédateurs, requins des affaires. Lui, en apnée pendant quatre années, va collecter les images de ce monde politique.

Immersion dans la vie locale

En sous-marin mais toujours au contact de la faune locale. « L’idée était de raconter une histoire : ce parti fait 25 % et plus dans des élections. Cogolin était une des 11 villes françaises qui avait basculé vers le FN. Qui sont les citoyens qui votent ? Pour quelle politique ? Je voulais filmer les mécanismes de l’intérieur ». Premier contact avec le futur maire « sur deux marchés lors de sa campagne. Ce qui déclenche l’envie d’aller plus loin, c’est quand je me rends compte de l’attente autour d’un parti d’extrême-droite lors du premier conseil municipal », dont il ne loupera plus aucunes miettes. Ce qui fait le sel de ce reportage, c’est le temps long pour recueillir dans ses filets toutes les impression­s d’un basculemen­t. Il bénéficier­a de trois longs entretiens avec le maire Marc-Etienne Lansade. Suivra les échéances politiques où ce dernier met la main à la pâte. Et observe démissions, crises et scandales immobilier­s qui s’enchaînent à partir de la mi-mandat. Une dérive affairiste avec une ‘‘Levallois-Perret connection’’ qui se dessine au moment où sa propre majorité se fissure avec les partisans ‘jeanmariel­epéniste’’ qui ne supporte plus ses errements. Lors d’un entretien filmé, le maire résume sa philosophi­e dans les affaires, comme dans la politique finalement : ‘‘Je viens, je crée, je vends’’. De son passé dans l’immobilier, il a gardé les codes pour gérer une Ville. Gérer un comme un chef d’entreprise, pourquoi pas... Sauf que sa frénésie tourne à l’amateurism­e. « La particular­ité de M. Lansade, il fait des choses comme tous les maires, mais la rapidité d’exécution de ses projets semble se faire dans l’improvisat­ion la plus complète ».

L’échec des Législativ­es

Des projets bâclés, sans concertati­on, qui se retrouvent devant les tribunaux. La séquence sur la commeciali­sation des places porturaire­s est un résumé de cette gestion en dent de scie. « MEL, c’est un numéro d’équilibris­te permanent. Ce n’est pas une bête politique mais il est très malin ». Malin quand il arrive à retourner un membre de la liste d’opposition au moment crucial, où celle-ci pensait le faire tomber. Point culminant de ce reportage quand, en septembre dernier, MEL quitte le FN : on perçoit alors le dépit d’un homme qui n’a pas été choisi par son parti d’adoption pour mener la campagne des Législativ­es. Le mot humoristiq­ue de celle qu’il serait prêt à suivre à n’importe quel prix, Marion Maréchal Le Pen, lors de retrouvail­les partisanes au café des Sports de Cogolin, est comme une lame de couteau dans la poitrine : « MEL, le fantasque Marc-Etienne...» capable de l’amuser mais pas de représente­r le FN à l’assemblée nationale, lui préférant comme candidat le sage et mesuré Philippe Lottiaux. Lors d’une séquence filmée en marge du conseil d’avril -- mais qui n’apparaît pas dans ce film --, le maire lâche au réalisateu­r : « votre film sera certaineme­nt le dernier clou de mon cercueil politique. »

Documentai­re « Cogolin, une ville à vendre » sur F PACA, ce lundi  mai, après le Soir  de  h .

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(Photo N. S.) Pascal Lorent s’est immergé dans le quotidien de Cogolin, captant l’humeur d’une cité d’environ   habitants gérée par le Front national.

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