Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Aux racines du mal

- de DENIS CARREAUX Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

La loi des chaînes d’info en continu est impitoyabl­e. Hier, alors qu’Emmanuel Macron présentait très solennelle­ment ses mesures pour les quartiers sensibles, BFMTV diffusait en boucle des images de scènes de guerre entre un commando armé et des policiers dans un quartier de Marseille lundi. Un télescopag­e qui résume finalement assez bien une situation qualifiée de « scandale absolu » par Jean-Louis Borloo. D’un côté des discours et des intentions louables, de l’autre la réalité de quartiers où la majorité de la population subit la loi de quelques-uns. Depuis au moins quatre décennies, les gouvernant­s se refilent la patate chaude. Les milliards, les ministères dédiés, les plans Marshall ou Tartempion, les opérations de réhabilita­tion, les Tapie, les Borloo, les grands frères et les coups de Kärcher n’y ont rien changé. Tour à tour zones urbaines sensibles et zones de sécurité prioritair­es, les quartiers dits difficiles le sont toujours autant. Des poudrières qui ne demandent qu’à exploser comme en  lorsque la France, plongée dans trois semaines d’émeutes urbaines, s’est retrouvée pour la première fois en état d’urgence. Treize ans plus tard, la situation est toujours explosive. A l’image de ses prédécesse­urs, Emmanuel Macron en est conscient. Et comme à son habitude, il ne fera rien comme eux. Il l’a martelé hier, le chef de l’Etat ne veut pas d’un énième plan banlieues, « une stratégie aussi âgée » que lui. Il a peut-être raison. Vaincre le mal à coups de millions est une chose, s’attaquer à ses racines en est une autre. En reconnaiss­ant qu’« on a perdu la bataille du trafic dans de nombreuses cités », le président enfonce une énorme porte ouverte. En annonçant un plan de lutte contre ce trafic, il s’impose une obligation de résultats. Les   stages de troisième promis aux jeunes ne serviront à rien si la loi de la République ne redevient pas celle des quartiers sensibles. Car au-delà des trafics et des violences en tout genre, le développem­ent du communauta­risme gangrène les cités à vitesse grand V. « Dans certains quartiers, la radicalisa­tion a gagné, est en train de gagner, est en train de monter », admet le président. L’heure n’est plus aux discours – même d’une heure et demie – mais bel et bien à l’action. Souhaitons que le choix par Emmanuel Macron d’une méthode différente ne soit pas uniquement une figure de style.

« Les milliards, les plans Marshall ou Tarpempion, les grands frères et les coups de Kärcher n’y ont rien changé. »

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