Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Qui veut d’un terrain de , ha en bord de mer?
Longtemps militaire, le site exceptionnel de l’ancien laboratoire acoustique du Brusc vient d’être déclassé du domaine public. Il devrait être vendu au plus offrant... à certaines conditions
Quand quelqu’un de la capitale appelait, on lui disait que le disque des Doors qu’il entendait en fond, c’était pour couvrir le bruit infernal des cigales et des vagues sur les rochers. Résultat garanti sur le pauvre Parisien crevant de chaud dans sa prison de béton… » Daniel est un ancien ingénieur de l’armement. Et c’est sur sa page Facebook qu’il se souvient avec nostalgie de ces années passées au laboratoire militaire de détection sous-marine du Brusc. Là où le travail forcément studieux, autour de tâches « ultra-secrètes », devait s’accommoder de ces couchers de soleil sur les Embiez et d’un emplacement d’une « rayonnante beauté ». Dure, la vie… Si, comme lui, les deux cents personnels sont partis en 2002 – résultat d’une énième rationalisation des moyens de la Défense – le site, laissé dans son jus, n’a rien perdu de son exceptionnel attrait. La mer est toujours là (si, si), visible depuis les toits des quelque vingt-sept bâtiments vidés de leurs occupants, l’accès à la plage aussi, tout comme les 3,7 hectares au coeur de la pinède et l’un des coins les plus beaux de Six-Fours, à deux pas de la presqu’île du Gaou. Mais pourquoi diable ce joyau est-il resté à l’abandon ? Ces dernières années, l’État n’a jamais caché qu’il espérait bien, lors d’une transaction immobilière, pouvoir en tirer quelques deniers. Pourtant, ce n’est pas du côté de la direction départementale des finances publiques du Var, et du service des domaines chargé des cessions, que nous obtiendrons la moindre information. «Les ventes de terrains militaires, c’est toujours compliqué… », nous répondon mystérieusement. Renseignements pris, entre 2005 et 2007, une étude financée par le ministère de la Défense, « relative à la reconversion de l’immeuble »,a bien été menée sous l’égide du préfet du Var. Elle concluait à l’opportunité d’en faire un site à dominante touristique, « comportant notamment une résidence hôtelière haut de gamme ». Préalable à cet objectif : l’établissement par la commune d’un Plan local d’urbanisme (PLU), fixant notamment les droits à construire sur la zone.
«La Ville aura le dernier mot… »
En attendant ce document, nombre d’investisseurs potentiels ont alors commencé à s’intéresser à l’endroit. Jean-Pierre Ghiribelli, actuel président départemental du syndicat de l’hôtellerie et de la restauration, l’UMIH, est l’un d’eux. « C’est vrai, j’avais des vues sur ce site, reconnaît le patron de l’Auberge du port, à Bandol. Je rêvais d’en faire un hôtel d’application: une structure de prestige ouverte au public, mais qui aurait en même temps servi à former aux métiers de l’hôtellerie. C’était un beau projet, unique et bien avancé. » Ce qui l’a arrêté? «Une équipe de Russes était sur le coup. J’ai préféré me retirer… », reconnaîtil, gêné. Nous n’en saurons pas plus. Erik Tamburi, élu d’opposition à Six-Fours, se rappelle effectivement des velléités d’un professionnel russophone de l’hôtellerie, l’enseigne sanaryenne de La Farandole. Il garde aussi en mémoire son opposition, dans le projet de PLU, au fait que soit conservé sur place « une densité en béton trop forte ». En l’occurrence la surface construite existante. « Sans être contre l’arrivée d’une activité touristique de qualité», le conseiller municipal dit également avoir été interpellé par la circulation qui risquait d’être générée sur l’étroit chemin de la Gardiole. Attaqué, annulé et finalement adopté en 2015, le PLU grave en tout cas dans le marbre l’impossibilité d’y faire du logement. Comme souhaité à l’origine, place sera réservée à «une reconversion à vocation touristique (hôtellerie, restauration, résidence de tourisme…), d’enseignement, de recherche, d’études ou de conception artisanale ou industrielle». Et, précision d’importance, « c’est la Ville qui aura le dernier mot sur un éventuel acquéreur », nous confie-t-on au cabinet du maire Jean-Sébastien Vialatte. Seize ans après la désaffection de ce promontoire qui domine les flots azur de l’anse du Grand Gueirouard, cela ne tardera peut-être plus à arriver : la décision de « déclaration d’inutilité aux besoins des armées et de déclassement du domaine public » vient d’être prise à Balard. De quoi, peut-être, remettre le dossier en haut de la pile et réveiller l’appétit des postulants à l’acquisition d’une des plus belles friches du département.