Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les sex shops flirtentavec le coup de mou
Florissants il y a encore quelques années, les sex-shops toulonnais ont aujourd’hui du plomb dans l’aile. La faute à une économie morose, à une industrie du X chamboulée et à une consommation en pleine mutation
Orgie à la piscine, La Veuve jouisseuse, Grandes pointures ou encore C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes… Bientôt, les DVD aux titres évocateurs s’alignant sur les murs du sexshop de la gare relèveront de l’histoire ancienne. «J’ai mis le local en vente. Ça fait 19 ans que je suis patron de sex-shop, j’ai envie de passer à autre chose… », confie Eric Croisard, polo et cheveux blancs (lire ci-dessous). Si les désirs personnels sont invoqués pour prendre le gode des champs, force est de constater que le business des sex-shops n’est plus aussi florissant qu’au temps où le monde entier venait s’encanailler à Toulon et son « petit Chicago». Si la ville compte toujours ses cinq sex-shops, l’époque où l’on se pressait pour mater son petit film cochon dans une cabine est en passe d’être révolue. «Entre 1985 et 2000, c’était le jackpot ! Il y a 15 ans, je faisais encore 750 entrées par mois pour les cabines de projection», s’enflamme Eric Croisard. Le chiffre est à inscrire dans les annales: «Aujourd’hui, je ne fais même pas la moitié. »« En 10 ans, mon chiffre d’affaires a été divisé par deux», abonde un autre boss de sex-shop spécialisé dans les cabines, désirant garder l’anonymat et cherchant lui aussi à vendre son affaire.
Fermé à La Seyne
En janvier, faute de fréquentation, le sex-shop seynois Univers parallèles a carrément déclaré forfait. Et ne croyez pas que seuls les petits établissements de quartiers sont touchés. Si l’on en croit Mickey, gérant du «love-shop» Planète X, à deux pas de l’Avenue 83, «la fréquentation se maintient mais le chiffre d’affaires est en baisse. Les gens achètent des choses moins chères. » Le géant propose pourtant toutes sortes de gadgets sexuels sur 400 m2 et est axé sur le plaisir féminin, véritable Eldorado pour les professionnels. Alors comment expliquer cette débandade ? Les uns évoquent le ralentissement économique général, les autres des centres-villes sinistrés. Mais une série d’évolutions a percuté particulièrement fort le monde du X. En premier lieu, Internet est passé par là. «Les cabines sont fréquentées par un public vieillissant, à 80 % composé d’hommes en couple avec des femmes mais souhaitant des relations avec d’autres hommes, glisse Eric Roux-Paris, co-patron du sex-shop Eroshop. Avant, il n’y avait que ça pour se rencontrer. Maintenant ce qui est à la page, ce sont des applications comme Grinder !» Une raison sociologique s’ajoute là-dessus. «Aujourd’hui, avec le mariage gay, vous avez moins de refoulements et la bisexualité est mieux acceptée», estime Eric Croisard.
L’effet Grey
Dans le rayon sex-toys, si certains jugent que sur le Net, «les sites cassent les prix », les boutiques physiques semblent bien tirer leur épingle du jeu. « Il y a plus d’arnaques sur Internet, et pour bien choisir un gadget, il faut le toucher. Vous avez des godes effet peau de pêche!», détaille Jean-Luc Leblanc, l’autre directeur d’Eroshop. Mieux, depuis le film Cinquante nuances de Grey, la clientèle aurait tendance à rajeunir. De son côté, Sylvie Larendeau, ancienne de Planète X, a ouvert en janvier Alcôve secrète. Cette boutique toulonnaise à beau être axée sur la lingerie coquinette et quelques gadgets, entre les commandes privées et les réunions vibros entre copines, «la part de ces derniers dans mon chiffre d’affaires est passé de 10 à 30 %. » Une lueur d’espoir économique ? « Les sex-toys existent depuis les Mayas, ça correspond à un besoin ! »