Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« Juste une carte de stationnement pour handicapé » Témoignage
Il ne réclame pas de pitié. Surtout pas. Michaël, qui réside à Mandelieu, continue de travailler, de rester le plus autonome possible malgré sa terrible maladie. Il réclame juste une carte de stationnement
Il incarne la dignité. Et on devine l’effort qu’il accomplit en s’en remettant à nous. En exposant au regard ses mains dont il a tellement honte… Mais il a tout essayé avant. À trois reprises, cet homme sur lequel une forme extrêmement sévère de polyarthrite rhumatoïde s’est abattue lorsqu’il était encore un enfant, s’est vu refuser par l’administration une simple carte de stationnement pour handicapé. Motif : son état de santé ne le justifie pas. Pourtant, l’état de ses articulations, de toutes ses articulations sans exception, de l’avis même des spécialistes qui le suivent depuis des années, engendre de vraies difficultés et de terribles douleurs lors de ses déplacements prolongés à pied. « Après évaluation, il n’a pas été reconnu que votre handicap réduise de manière importante et durable votre capacité et votre autonomie de déplacement ou impose que vous soyez accompagné par une tierce personne dans vos déplacements», dit le courrier qu’il recevait en mars dernier. On pourrait presqu’en rire, tant c’est absurde. Mais la situation de Michaël ne nous y autorise pas. Sa maladie, son frère jumeau en était également porteur. Aujourd’hui, il n’est plus là. Très affaibli d’un point de vue immunitaire, il a été emporté en 15 jours par la «bactérie dévoreuse de chair». Ou fasciite nécrosante. C’était en 2011, Il avait 29 ans, et il laissait derrière lui Michaël, son frère jumeau, une compagne et une petite fille de moins d’un an. Clara. C’est à elle, sa filleule, que l’azuréen doit de bénéficier depuis 2 ans d’un nouveau traitement. Clara est aussi malade.
« Je ne pouvais plus marcher »
«Elle était toute petite quand elle a commencé à avoir mal. Et puis, elle ne se développait pas. Des études ont été menées et ont mis en évidence l’existence d’une maladie génétique extrêmement rare.» Elle a aussitôt été recherchée chez les autres membres de la famille. Michaël en est aussi atteint. « Ça ne remet pas en question la polyarthrite, ni mon lupus, mais j’ai d’autres atteintes du fait de cette maladie orpheline. » Michaël souffre notamment de fibrose pulmonaire. Notamment. Il y a aussi son bassin, ses épaules, ses coudes qui le font tellement souffrir. Et ses genoux. Comme ses mains, ils sont totalement déformés par la maladie. «En 2015, c’était tellement douloureux que je ne pouvais plus marcher. Je n’avais plus du tout de cartilage. On m’a implanté une prothèse totale du genou. » Le médecin qui le suit depuis qu’il est adolescent, le Dr Brocq, aujourd’hui chef de service de rhumatologie au CHPG (Monaco) est aussitôt entré en relation avec l’hôpital Necker à Paris où est suivie Clara. Et Michaël a pu bénéficier du même traitement expérimental. «C’est un médicament utilisé pour les cancers de la moelle osseuse. Clara est presque la seule enfant en Europe à être traitée par cette molécule. » Depuis l’instauration de ce traitement, Michaël va mieux. Et aussi longtemps qu’il le pourra, il continuera de travailler. «Depuis l’âge de 19 ans, je suis dans la même entreprise, Balicco [distributeur régional de produits alimentaires, Ndlr]à Pégomas », sourit-il fièrement. Michaël est trancheur. Depuis des années, il découpe à la main des tranches de saumons. Il anticipe notre réaction de surprise : « Je n’ai pas la cadence et la rentabilité de mes collègues, mais je suis très minutieux. On me confie les saumons destinés aux clients haut de gamme ». Ses supérieurs sont conscients des difficultés et des efforts accomplis par Michaël. «Ils sont très compréhensifs, ils ne me font pas porter de poids… j’ai du bol». Lorsqu’il a mal, Michaël préfère se taire. «Je déteste me plaindre. Oui, j’ai une maladie grave, mais il y a des gens, des enfants qui vont beaucoup plus mal que moi, qui dorment à l’hôpital ; Moi, je rentre chez moi le soir. »
«Comment, sur papier, peuvent-ils juger de mon état ?»
À son visage crispé, ceux qui le connaissent peuvent imaginer ce qu’il endure en silence. « Habituellement je suis plutôt chaleureux et blagueur. » S’il veut soumettre une nouvelle demande, Michaël devra constituer un nouveau dossier médical. À ses frais désormais. « Seules trois demandes sont prises en charge. » Son petit salaire ne lui permet pas de faire face aux frais que cela engendrerait. Alors il est tenté d’abandonner. « Comment sur papier peuvent-ils juger de mon état… Ce n’est pas normal. Non, ce n’est pas la belle vie pour moi. » Sa voix est sans colère. La vie l’a si peu épargné qu’il a appris à tout endurer. Faut-il pour autant lui refuser sa demande si modeste ? 1- Contact de Michaël : mickadsl@hotmail.fr Tel : 06.09.10.71.00.