Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La Beaucaire « Ici, les coups de feu, c’est normal »

Dans la nuit du lundi au mardi, deux individus en scooter tiraient dans ce quartier de l’ouest-toulonnais. Habitants et commerçant­s livrent leurs regards sur cette flambée de violence

- SIMON FONTVIEILL­E sfontvieil­le@nicematin.fr

Mercredi après-midi, un lourd parfum se dégage des arbres en fleurs et des bambins filent en vélo entre les tours de la cité de la Beaucaire. Mais quand une habitante pénètre dans un des commerces du quartier pour faire quelques emplettes, ce n’est pas la pluie ou les rayons du soleil qui occupent la conversati­on. Non, aujourd’hui, ils ont laissé la place aux coups de feu tirés mardi, vers minuit et demi, par deux individus en scooter (lire notre édition du 6 juin). « Mon beau-frère était dehors à ce moment-là, il jouait aux cartes », glisse la jeune femme en attrapant son paquet de courses.

Double passage

Le duo a fait parler la poudre tout en remontant plein gaz l’avenue Albert-Camus. Deux balles de 9 mm se sont logées dans la vitrine d’une boulangeri­e, des dizaines de mètres plus loin. Rupture du jeûne du ramadan oblige, une trentaine de personnes étaient présentes devant le commerce… «J’étais devant la boulangeri­e ce soir-là, assure un adolescent rencontré au pied d’une tour. Les types étaient à bord d’un T-max. Ils ont tiré une première fois en descendant l’avenue, quatre ou cinq coups. Tout le monde s’est baissé! Une fois passés, on s’est dit que c’était bon, des gens ont commencé à se relever. Mais les gars sont revenus en remontant AlbertCamu­s et ont tiré à nouveau. Tout le monde s’est recouché par terre! » Dans cette fameuse boulangeri­e, la vitre de l’entrée a été traversée par les projectile­s en plomb à environ un mètre du sol. Si les gens n’avaient pas eu la présence d’esprit de se baisser… «Moi, je me suis accroupie derrière le comptoir quand il y a eu les deux chocs, comme un réflexe », glisse la patronne de la boulangeri­e, installée depuis un mois. « C’est la troisième fois qu’ils viennent et qu’ils tirent, jure, en allumant un joint, un jeune homme aux longs cheveux foncés . La première fois, c’était il y a environ dix jours, à bord d’une Punto noire. Ensuite ils sont venus avec le T-max, puis ils sont revenus mardi… » Et à l’en croire, la lutte pour le contrôle du trafic de cannabis ne serait pas la seule cause de ces expédition­s ressemblan­t fortement à de l’intimidati­on. « Le pilote et le tireur travaillen­t pour un gars qui a été rejeté par le quartier, c’est des rancoeurs personnell­es. La drogue vient se greffer là-dessus. Et je ne pense pas qu’il va s’arrêter là… Les flics savent qui c’est, mais ils n’ont pas de preuves », avance-t-il.

Génies du crime ?

Dans une voiture sport, un jeune homme a la jambe immobilisé­e. Il dit avoir pris une balle la semaine dernière. À cause des trafics? « Non, non!», s’exclame-t-il sans en dire plus… Pour les autres habitants, reste à composer avec cette violence. « En février, ils ont même tiré dans mon immeuble et tapé aux portes. Il y avait du sang partout. J’ai peur pour mon fils, lâche une trentenair­e. Il y a cinq impacts de balles dans mon appartemen­t. J’ai fait une demande pour déménager. » « Le soir, je ne sors pas de chez moi», soupire un ancien moniteur de centre aéré. Avant de livrer son analyse sur le quartier. « C’est difficile pour les jeunes de trouver du boulot, et il n’y a rien à faire ici pour eux.

À la limite, je préfère qu’ils gagnent quelques sous en vendant de l’herbe plutôt qu’en piquant le sac d’une vieille dame…» Pour une autre, les odeurs de cordite font désormais partie du quotidien. «Ça fait plus de vingt ans que je vis ici, les coups de feu, c’est normal. Après, j’ai grandi avec tous ces types qui trafiquent. Ils se prennent pour des fous, mais c’est loin d’être des génies du crime… »

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(Photos Luc Boutria) Deux balles de  mm ont traversé la vitre d’une boulangeri­e. « Venez dans le quartier vers  h, à tout moment vous prenez une balle ! », jure un jeune.
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Depuis mai , trois morts par balles ont été dénombrés dans l’ouest toulonnais.
 ??  ?? À en croire plusieurs jeunes, la raison des coups de feu de mardi serait à chercher du côté des « rancoeurs personnell­es ».
À en croire plusieurs jeunes, la raison des coups de feu de mardi serait à chercher du côté des « rancoeurs personnell­es ».

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