Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Brégançon : la grande et la petite histoire...
Journaliste politique à la rédaction de France 2, Guillaume Daret retrace près d’un demi-siècle de vacances présidentielles à Bormes-les-Mimosas. Plongée dans les coulisses de la forteresse
Àdéguster les pieds dans l’eau, cet été, de préférence du côté de Cabasson, un oeil rivé sur le fameux îlot : Le Fort de Brégançon, Histoire, secrets et coulisses des vacances présidentielles est sorti le 6 juin aux éditions de l’Observatoire. Grand reporter à la rédaction de France 2, Guillaume Daret se penche sur ce totem de la République qui a fait fantasmer des générations d’estivants et de journalistes. Il est vrai que cet ancien repaire de pirates, devenu au siècle dernier résidence d’été des présidents de la République, a connu une histoire on ne peut plus mouvementée. De Gaulle qui l’a officialisé, refusait catégoriquement d’y passer ses vacances. Pompidou et Giscard y ont pris leurs aises. Boudé par Mitterrand et restauré par Chirac avant d’être abandonné par Sarkozy au profit du cap Nègre, il avait finalement été ouvert au public par Hollande en 2014. Un nouveau chapitre s’ouvre aujourd’hui avec Emmanuel Macron qui devrait y séjourner en famille au mois d’août (lire ci-dessous). Mais entre réunions au sommet et bouillabaisses d’anthologie, sur le plan politique comme sur le plan privé, que s’est il vraiment joué à Brégançon ces cinq dernières décennies ? Une enquête plutôt bien troussée sur l’une des demeures les plus secrètes et symboliques de France. Interview.
Pourquoi ce livre sur le fort de Brégançon ?
Parce que, déjà, je suis lyonnais, et enfant, je venais très souvent en vacances dans le Var au Lavandou, à Saint-Clair, à Cabasson… On passait régulièrement à côté de ce fort. Je suis passionné de politique et cet endroit m’a toujours fasciné. Je trouvais intéressant de se pencher sur ce qu’il y a derrière. Et puis j’ai très vite compris aussi que Brégançon intéressait Emmanuel Macron. Cela colle parfaitement à l’image politique et symbolique qu’il veut donner. Mais je ne pensais pas que la récupération du fort par l’Élysée serait si rapide, dès le mois de mai…
Votre enquête, qui a duré un an, fait intervenir de nombreux interlocuteurs…
Je m’y suis mis avant l’été et je suis venu au fort à partir de l’automne dernier. Les témoignages viennent aussi bien de personnalités connues, de proches, que de « locaux » comme Dédé Delmonte. Ce qui m’a intéressé, c’est ce mélange de politique et de petites anecdotes. Et puis, lorsqu’on fait une enquête, on a souvent des retours inattendus. C’est comme cela que j’ai pu avoir l’histoire avec Mitterrand et Léotard. On m’avait conseillé d’appeler Philippe Léotard. Il a été ravi de me raconter cette visite à Brégançon où Mitterrand l’avait quasiment accueilli en pyjama.
Quel est le témoignage qui vous a le plus marqué ? Le témoignage de Hollande est intéressant parce qu’il correspond à une prise de conscience politique, quand il comprend, cet été-là, qu’il ne peut pas prendre de vacances parce que cela lui sera reproché. Mais c’est le témoignage de JeanFrançois Tézenas qui m’a le plus marqué. J’ai été reçu trois heures par la famille au château de Brégançon. Quarante ans après, ces octogénaires m’ont raconté avec émotion leurs souvenirs. Il y a cette affection personnelle pour Giscard, mais aussi cette confrontation entre ces Français ordinaires et ce Président qui vient jouer chez eux au tennis.
Privilège rare, vous avez pu visiter les appartements privés de la résidence présidentielle. Alors ?
Ce n’est pas ostentatoire. C’est très simple. Les salles de bain année soixante/soixante-dix sont dans les conditions d’époque. Et je ne sais pas si elles seront rafraîchies…
Pourquoi est-il si difficile d’estimer précisément ce que coûte Brégançon aux contribuables ?
Jusqu’ici, il y avait une configuration différente avec le Centre des Monuments Nationaux (CNM) qui gérait tous les aspects de l’entretien. Les derniers chiffres de la Cour des comptes remontent à 2008 : 226 000 euros pour l’année. Depuis, c’est difficile à chiffrer avec une répartition un peu baroque entre le CMN et l’Élysée.
Selon Le Canard Enchaîné ,la remise en service du fort en temps que résidence présidentielle devrait coûter, dès cette année, 150 000 euros, et sans doute autant les années suivantes.
L’article du Canard Enchaîné n’est pas très clair, car on ne sait pas s’il parle d’investissement ou de fonctionnement. Mais comme la Cour des comptes vise le budget, on aura bientôt des chiffres. Sur leur site internet, il y a un comparatif des budgets des diverses résidences présidentielles. Par rapport aux autres, Brégançon ne coûte pas très cher.