Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« L’Edhec cultive un ADN entreprene­urial fort » Interview

Accentuer l’esprit entreprene­urial de l’Edhec, pousser son internatio­nalisation et relever le défi de la digitalisa­tion, tels sont les axes de travail voulus par son nouveau directeur

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTELLE LEFEBVRE clefebvre@nicematin.fr

Emmanuel Métais succède à Olivier Oger à la tête de l’Edhec depuis un an. S’il a pris ses fonctions à la rentrée, le professeur de stratégie en entreprise ne découvre pas la structure. Il y est entré pour enseigner il y a vingt-trois ans. A Lille d’abord pendant dix ans, puis à Nice pour redévelopp­er le MBA qui compte aujourd’hui une centaine d’étudiants venant de quarante pays. Une des forces, selon lui, est de trouver à Nice un territoire dynamique à forte attractivi­té qui fournit aux étudiants et à leur famille non seulement une bonne école mais en plus un environnem­ent géographiq­ue et économique intéressan­t. Qu’Emmanuel Métais veut-il pour l’Edhec Business School ? Il développe une vision en 3D autour de l’esprit entreprene­urial, de l’internatio­nal et de la révolution pédagogiqu­e digitale. Avec l’expérience étudiante au coeur de tout.

Quels points de force voulezvous continuer à cultiver ?

Le premier est le double ancrage régional de l’Edhec à Lille et Nice, triple avec Paris, plus Londres et Singapour. On revendique une appartenan­ce marquée à nos territoire­s d’implantati­on, en lien avec le monde économique et politique. Le deuxième est une recherche utile, source de revenus pour l’école, qui s’inscrit dans l’esprit entreprene­urial de notre ADN.

Comment se situe Nice ?

Nice est une implantati­on que nous avons souhaitée il y a trente ans pour nous développer vers le sud et la Méditerran­ée à une époque où avoir deux campus était inconcevab­le, et elle nous a beaucoup aidés à être innovants. Il y a quinze ans, Olivier Oger a voulu faire de l’Edhec une marque mondiale, en devenant les meilleurs du monde dans un domaine. C’est parti du centre de finances à Nice. Sa recherche a développé la crédibilit­é de l’école auprès des entreprise­s et réussi à commercial­iser le fruit de ses travaux. Ce qui n’existait pas dans les écoles de commerce. Ça existait chez les ingénieurs mais faire en sorte que la recherche soit académique et utile aux entreprise­s était vraiment original.

Pour quels résultats ?

Pour beaucoup d’écoles, la recherche est un coût ; pour nous, c’est un revenu. Dans le monde, trente milliards de dollars sont investis sur des indices Scientific Beta créés par l’Edhec. Notre recherche a trouvé un débouché fort, qui représente autour des  % du budget de l’école. Récemment, le fonds de pension de la police de New York a décidé d’investir en répliquant des indices Scientific Beta de l’Edhec. C’est une vraie spécificit­é que l’on veut cultiver.

C’est ce que vous avez traduit dans votre slogan ?

Make an Impact, Ça renvoie au caractère entreprene­urial présent dans les gènes de l’Edhec. On veut que la recherche soit utile aux étudiants et à la société. Le but n’est pas que de publier dans de belles revues scientifiq­ues lues par dix personnes dans le monde. C’est important de le faire mais pas suffisant. L’idée est d’aller jusqu’au bout et de faire en sorte que cette recherche soit utile pour les entreprise­s, les banques, les investisse­urs et les étudiants bien sûr. La bonne nouvelle, c’est quand on obtient la première place du classement FT sur le master de finances l’an dernier. Je veux continuer à développer des activités reconnues comme utiles aux entreprise­s. Le management des risques criminels et le droit sont deux autres aspérités que nous avons développée­s aussi.

Cherchez-vous d’autres domaines d’excellence mondiale ?

Il faut déjà maintenir la finance au top. Au-delà des indices, il existe d’autres initiative­s dans le domaine des infrastruc­tures et des risques financiers que l’on prend à construire une autoroute ou un grand stade. Noël Amenc développe une base de données mondiale sur combien ça coûte, ça rapporte et quel est le risque. Il y travaille avec une équipe de recherche à Singapour, financée par le gouverneme­nt de Singapour.

Votre symbole est un homme qui marche. Il le fait sur deux jambes…

Nous sommes la seule école de commerce française à avoir un homme au coeur de son logo. Il en dit long sur notre philosophi­e et notre pédagogie. Mais peut-on avoir deux matières d’excellence mondiale ? On investit aussi beaucoup sur notre pôle entreprene­urial. L’Edhec a été créée par et pour des entreprene­urs il y a plus de cent ans, ça se sent toujours et ça rencontre les aspiration­s de nos jeunes. Nous avons des incubateur­s à Lille et Nice ; nous sommes à Station F et nous regardons pour une implantati­on à l’étranger. Le contexte est porteur. Plus de  M€ ont été levés par l’Edhec Young Entreprene­urs, c’est un millier d’emplois créés ces cinq dernières années.

Quels challenges vous attendent ?

La digitalisa­tion est un de nos challenges actuels. Elle est à la fois passionnan­te et représente un risque pour le monde de l’éducation. Certains prédisent la mort de l’université. Moi, je vois la digitalisa­tion comme une formidable opportunit­é de revoir notre manière de former les étudiants.  % des cours seront accessible­s en digital d’ici cinq ans. Accélérer l’internatio­nal au service des étudiants, leur faire vivre une expérience forte est un de nos autres challenges. Nous avons décidé une vague d’investisse­ments à l’automne dernier pour revoir la géographie de nos salles et réseaux, une enveloppe de quinze millions d’euros. Aujourd’hui, les innovation­s pédagogiqu­es se superposen­t aux équipement­s traditionn­els ; on a toujours besoin de tableaux mais sur tous les murs et de connexion pour les ordinateur­s ou tablettes des élèves, comme pour les systèmes de projection­s et de visioconfé­rence…

Quelle a été votre première action en arrivant ?

Créer une direction de l’expérience étudiante. L’éducation avec l’intelligen­ce artificiel­le va complèteme­nt se transforme­r et je veux que ce soit drivé par l’expérience étudiante. Nous sommes en pleine révolution pédagogiqu­e mais je ne veux pas qu’on prenne un robot pour prendre un robot : je veux qu’on le prenne uniquement s’il permet de mieux apprendre. Quelle qualité veut-on donner à nos étudiants ? C’est ça la vraie question qu’on doit se poser en

permanence. On tente plein d’expérience­s comme d’utiliser des robots pour le coaching en ligne. Je termine un plan digital avec des investisse­ments lourds dans notre pédagogie et les

programmes on-line.

Et l’internatio­nal?

C’est un axe de travail important. Notre volonté est d’avoir toujours plus d’étudiants et de professeur­s étrangers, toujours plus de visibilité, d’accords avec l’internatio­nal.

L’Edhec y a eu un développem­ent différent…

Elle a préféré passer des accords plutôt que d’implanter des campus à l’étranger, et nous sommes toujours sur cette ligne. Ce qu’on veut, c’est amener des étrangers ici en France et que nos étudiants puissent s’immerger dans des université­s, des formations prestigieu­ses. On a  % d’étudiants internatio­naux,  nationalit­és présentes. On mise sur des alliances à forte valeur ajoutée plutôt que des campus en propre. Je veux accélérer ça aussi.

 ?? (Photo C.L.) ?? Emmanuel Métais, directeur général de l’Edhec, qui garde la conquête du top  des écoles européenne­s comme priorité : « L’Edhec a été créée par des entreprene­urs et ça se sent. »
(Photo C.L.) Emmanuel Métais, directeur général de l’Edhec, qui garde la conquête du top  des écoles européenne­s comme priorité : « L’Edhec a été créée par des entreprene­urs et ça se sent. »

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