Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Contre la maladie du foie gras manger mieux et bouger
À l’instar des oies qu’on engraisse, les personnes qui associent sédentarité, manque d’activité physique et alimentation trop riche, peuvent développer cette pathologie
Si la France est moins touchée que d’autres pays par le fléau de l’obésité et du surpoids, elle doit néanmoins faire face à la progression de pathologies associées. La Nash (acronyme anglais pour désigner une stéato-hépatite non alcoolique) en fait partie ; aussi appelée «maladie du foie gras» humain, cette affection hépatique, jusque-là assez méconnue, a désormais droit à sa journée internationale. Elle se tenait le 12 juin dernier ; Nice, à l’instar d’autres grandes villes, organisait ce jour-là une réunion d’information orchestrée par le Pr Rodolphe Anty, hépatologue au CHU de Nice et expert de cette pathologie. D’emblée, il donne la mesure du fléau. «La Nash affecte à des degrés divers 20 à 25 % de la population mondiale. En cause : la sédentarité et la mauvaise hygiène de vie. Et, selon les projections mathématiques, cette maladie pourrait encore progresser dans les années à venir. » Les personnes les plus à risque sont celles qui souffrent de diabète insulino-résistants et/ou d’obésité dite androïde, appelée aussi «maladie de la bedaine». «On retrouve un excès de masse graisseuse dans la partie haute du corps, en particulier au niveau de l’abdomen, du cou, et entre les omoplates. Cela signe un dysfonctionnement dans la régulation des tissus graisseux, qui a pour conséquence d’encrasser les vaisseaux sanguins (athérosclérose) et de gorger le foie de graisses.» Bénigne chez 80 % des patients, la Nash peut devenir grave si elle est négligée; l’accumulation de graisses dans le foie peut en effet créer une inflammation, des lésions de l’organe (foie fibreux), jusqu’à la cirrhose (sans consommer d’alcool). «L’évolution se fait sur 20 à 40 ans. Le foie se modifie au niveau architectural, il devient dur au palper. Au bout d’un certain temps, il peut décompenser jusqu’à ne plus fonctionner, imposant une transplantation hépatique», alerte le Pr Anty.
Découverte hasardeuse
Avant ces stades ultimes, la maladie progresse à pas de loup, sans se signaler. «Les patients ne décrivent pas de douleur, parfois juste un peu de fatigue. Et c’est généralement par hasard, à l’occasion d’un bilan de santé banal ou d’une échographie abdominale réalisée pour un motif quelconque – douleurs abdominales, constipation – que l’atteinte hépatique est découverte.» Les outils diagnostiques sont en phase de développement; il n’existe pas à ce jour de tests non invasifs, simples, fiables et faciles d’accès pour différentier le foie gras bénin de la Nash avec altération du foie débutante. Heureusement, des outils diagnostiques spécialisés sont disponibles pour diagnostiquer des formes graves de Nash. «Il est important de sensibiliser les professionnels de santé à cette maladie, pour améliorer le dépistage des personnes à risque et proposer une prise en charge adaptée.» Avec, à la clé, la guérison, purement et simplement.
Car, «si les derniers stades sont irréversibles, la maladie peut parfaitement se soigner au stade de foie gras», selon le spécialiste. Et il est inutile pour cela d’engloutir des kilos de gélules. Il n’y a aujourd’hui aucun médicament contre cette maladie ; le traitement est essentiellement diététique, et basé sur un changement du mode de vie. «L’atteinte hépatique est réversible si l’on cesse de s’alimenter de façon incorrecte, que l’on adopte une nourriture saine, pauvre en lipides et glucides, et que l’on augmente son activité physique», résume le Pr Anty. Point de régime alimentaire strict donc, juste corriger quelques «erreurs nutritionnelles» de base et bouger davantage… «Il s’agit de perdre 8 à 10 % de son poids, au rythme d’1 à 2 kilos par mois, sans violenter son corps, mais en modifiant durablement son mode de vie: on doit bannir la junk food, tous les aliments à haute densité énergétique( barres chocolatées, glaces, sodas, etc.); lutter contre la sédentarité (en évitant de passer trop de temps sur son canapé); et pratiquer au moins 30 minutes d’activité physique par jour (une heure pour les enfants)!» L’activité physique, quelle qu’elle soit, améliore la résistance à l’insuline, l’excès de graisse dans le sang et le foie gras. Un certain nombre de questions restent aujourd’hui posées: «Des personnes qui souffrent d’obésité ne développent pas de foie gras et, à l’inverse, on retrouve cette affection, avec parfois un foie très enflammé, chez des patients qui ne présentent pas de surpoids important.» Les gènes, le microbiote intestinal semblent jouer un rôle non négligeable. La maladie, plus complexe qu’il n’y paraît, n’a pas fini de livrer tous ses secrets.
L’atteinte hépatique est réversible