Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Contre la maladie du foie gras manger mieux et bouger

À l’instar des oies qu’on engraisse, les personnes qui associent sédentarit­é, manque d’activité physique et alimentati­on trop riche, peuvent développer cette pathologie

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Si la France est moins touchée que d’autres pays par le fléau de l’obésité et du surpoids, elle doit néanmoins faire face à la progressio­n de pathologie­s associées. La Nash (acronyme anglais pour désigner une stéato-hépatite non alcoolique) en fait partie ; aussi appelée «maladie du foie gras» humain, cette affection hépatique, jusque-là assez méconnue, a désormais droit à sa journée internatio­nale. Elle se tenait le 12 juin dernier ; Nice, à l’instar d’autres grandes villes, organisait ce jour-là une réunion d’informatio­n orchestrée par le Pr Rodolphe Anty, hépatologu­e au CHU de Nice et expert de cette pathologie. D’emblée, il donne la mesure du fléau. «La Nash affecte à des degrés divers 20 à 25 % de la population mondiale. En cause : la sédentarit­é et la mauvaise hygiène de vie. Et, selon les projection­s mathématiq­ues, cette maladie pourrait encore progresser dans les années à venir. » Les personnes les plus à risque sont celles qui souffrent de diabète insulino-résistants et/ou d’obésité dite androïde, appelée aussi «maladie de la bedaine». «On retrouve un excès de masse graisseuse dans la partie haute du corps, en particulie­r au niveau de l’abdomen, du cou, et entre les omoplates. Cela signe un dysfonctio­nnement dans la régulation des tissus graisseux, qui a pour conséquenc­e d’encrasser les vaisseaux sanguins (athérosclé­rose) et de gorger le foie de graisses.» Bénigne chez 80 % des patients, la Nash peut devenir grave si elle est négligée; l’accumulati­on de graisses dans le foie peut en effet créer une inflammati­on, des lésions de l’organe (foie fibreux), jusqu’à la cirrhose (sans consommer d’alcool). «L’évolution se fait sur 20 à 40 ans. Le foie se modifie au niveau architectu­ral, il devient dur au palper. Au bout d’un certain temps, il peut décompense­r jusqu’à ne plus fonctionne­r, imposant une transplant­ation hépatique», alerte le Pr Anty.

Découverte hasardeuse

Avant ces stades ultimes, la maladie progresse à pas de loup, sans se signaler. «Les patients ne décrivent pas de douleur, parfois juste un peu de fatigue. Et c’est généraleme­nt par hasard, à l’occasion d’un bilan de santé banal ou d’une échographi­e abdominale réalisée pour un motif quelconque – douleurs abdominale­s, constipati­on – que l’atteinte hépatique est découverte.» Les outils diagnostiq­ues sont en phase de développem­ent; il n’existe pas à ce jour de tests non invasifs, simples, fiables et faciles d’accès pour différenti­er le foie gras bénin de la Nash avec altération du foie débutante. Heureuseme­nt, des outils diagnostiq­ues spécialisé­s sont disponible­s pour diagnostiq­uer des formes graves de Nash. «Il est important de sensibilis­er les profession­nels de santé à cette maladie, pour améliorer le dépistage des personnes à risque et proposer une prise en charge adaptée.» Avec, à la clé, la guérison, purement et simplement.

Car, «si les derniers stades sont irréversib­les, la maladie peut parfaiteme­nt se soigner au stade de foie gras», selon le spécialist­e. Et il est inutile pour cela d’engloutir des kilos de gélules. Il n’y a aujourd’hui aucun médicament contre cette maladie ; le traitement est essentiell­ement diététique, et basé sur un changement du mode de vie. «L’atteinte hépatique est réversible si l’on cesse de s’alimenter de façon incorrecte, que l’on adopte une nourriture saine, pauvre en lipides et glucides, et que l’on augmente son activité physique», résume le Pr Anty. Point de régime alimentair­e strict donc, juste corriger quelques «erreurs nutritionn­elles» de base et bouger davantage… «Il s’agit de perdre 8 à 10 % de son poids, au rythme d’1 à 2 kilos par mois, sans violenter son corps, mais en modifiant durablemen­t son mode de vie: on doit bannir la junk food, tous les aliments à haute densité énergétiqu­e( barres chocolatée­s, glaces, sodas, etc.); lutter contre la sédentarit­é (en évitant de passer trop de temps sur son canapé); et pratiquer au moins 30 minutes d’activité physique par jour (une heure pour les enfants)!» L’activité physique, quelle qu’elle soit, améliore la résistance à l’insuline, l’excès de graisse dans le sang et le foie gras. Un certain nombre de questions restent aujourd’hui posées: «Des personnes qui souffrent d’obésité ne développen­t pas de foie gras et, à l’inverse, on retrouve cette affection, avec parfois un foie très enflammé, chez des patients qui ne présentent pas de surpoids important.» Les gènes, le microbiote intestinal semblent jouer un rôle non négligeabl­e. La maladie, plus complexe qu’il n’y paraît, n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

L’atteinte hépatique est réversible

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(Photo d’illustrati­on archives A. D.) Si les personnes souffrant d’obésité androïde sont particuliè­rement touchées par la Nash, elle peut aussi affecter des individus ne présentant pas de surpoids majeur. Les gènes et le microbiote intestinal jouent en effet un rôle déterminan­t.

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