Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Mélanome métastasé : les rechutes élucidées ? À la une
Comment les cellules du mélanome parviennent-elles à échapper aux effets des thérapeutiques? Des chercheurs niçois apportent un début de réponse
Thérapies ciblées, immunothérapies… l’arsenal thérapeutique contre le plus redoutable des cancers de la peau, le mélanome métastasé, s’est considérablement enrichi au cours de la dernière décennie. Bouleversant le pronostic de cette maladie. « Environ 70 % des malades répondent aux thérapies ciblées et 15 à 30 % aux immunothérapies, avec une nette amélioration de la survie globale. Mais, on est aujourd’hui confrontés à la problématique des récidives. Beaucoup de patients rechutent, quel que soit le type de traitements. Et il existe toujours des patients qui d’emblée, ne répondent pas aux traitements», constatent Corinne Bertolotto et Robert Ballotti, chercheurs au C3M (Centre méditerranéen de médecine moléculaire). À l’origine de ces résistances, deux grands types de mécanismes. « Exposées à un environnement défavorable pour elles (privation de nutriments, d’oxygène, médicaments cytotoxiques), les cellules du mélanome peuvent modifier l’expression de leurs gènes (plasticité phénotypique), mais aussi leur métabolisme, ce qui leur permet d’échapper à l’effet des médicaments.» Déjà pionnière dans ce domaine, l’équipe dirigée par ces deux scientifiques de renom s’est lancée dans l’étude des mécanismes sous-jacents à ces changements de métabolisme
Dérégulation du métabolisme
« Nous avons étudié ce qui s’opérait au sein des cellules de mélanome traitées par une thérapie ciblée couramment utilisée en clinique, le vemurafenib (Zelboraf)», relatent les scientifiques. Ces recherches les conduisaient il y a quelques mois à pointer une anomalie pouvant contribuer à expliquer les mécanismes de résistance : « Nous avons mis en évidence une dérégulation du métabolisme d’une molécule essentielle pour la production d’énergie dans la cellule, mais aussi pour le fonctionnement de certains enzymes et la régulation des modifications épigénétiques. » Des études ultérieures, utilisant un inhibiteur pharmacologique capable de corriger cette anomalie, confirmaient le rôle clé de cette molécule. «Nous avons pu restaurer l’efficacité des médicaments dans les cellules de mélanome résistantes aux thérapies ciblées. » Une demande de brevet a depuis été déposée ; l’objectif est de tester chez des malades en échec thérapeutique l’efficacité de cet inhibiteur pharmacologique. « Il ne faut pas attendre de révolution thérapeutique à court terme, tempèrent les chercheurs. Pour que ces découvertes bénéficient aux malades, d’autres étapes doivent encore être franchies, avec le soutien des structures de valorisation et des industriels.» En attendant ces soutiens, l’équipe azuréenne s’est récemment lancée un nouveau défi : étudier les mécanismes moléculaires impliqués dans un cancer très rare, le mélanome oculaire, et identifier des traitements efficaces contre sa forme métastatique. 1. Ces travaux ont été réalisés grâce aux soutiens financiers de l’INSERM, l’UCA, l’INCa, le Canceropôle PACA, la Ligue contre le cancer et l’ARC. L’équipe pointe aussi l’importance du soutien financier de la ville de Nice.