Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Ils vont faire parler chaque cellule du corps humain
Retour sur l’actu Ils se sont lancé un défi majeur: cartographier les voies respiratoires humaines, en n’excluant aucune cellule. Où en sont les recherches conduites par l’équipe azuréenne?
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uatre cent quatre-vingts projets au départ, trentehuit seulement retenus, parmi lesquels cinq européens et un seul français. Ce projet français est porté par deux équipes azuréennes, l’une dirigée par Pascal Barbry, à l’IMPC, la seconde, pour la partie clinique, par le Dr Sylvie Leroy, pneumologue au CHU de Nice. Leur mission : établir la carte d’identité de toutes les cellules présentes dans les voies respiratoires de l’homme, du nez jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Un travail titanesque qui participe au Human Cell Atlas Project, financé par l’initiative Chan-Zuckerberg, qu’ils ont déjà démarré en étant parvenu à franchir des étapes décisives. Le point avec le Dr Sylvie Leroy.
Comment cartographie-t-on un corps humain ?
On doit franchir toutes les étapes pour aller jusqu’à une analyse précise de chaque cellule qu’abrite un corps humain, de ce qu’elle produit, de son origine, de son parcours, mais aussi de son devenir… Et on doit travailler chacune des étapes pour la rendre la plus efficace possible.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
On vient d’achever la mise au point des étapes méthodologiques. Faire des prélèvements et les analyser, cela peut paraître simple, c’est en réalité très compliqué : les cellules sont fragiles, il faut des méthodes de prélèvement qui ne les abîment pas, des méthodes de transport qui ne les tuent pas, des protocoles pour les séparer les unes des autres qui ne les cassent pas, etc. Pour que l’on soit, au final, capable d’analyser ce que chacune d’entre elles exprime.
Une vraie avancée…
Oui, dans la mesure où jusque-là on savait identifier les données du génome à partir d’une population de plusieurs cellules. Ces techniques nous donnaient des informations moyennées sur des milliers de cellules, ce qui peut masquer des informations plus faibles mais pourtant déterminantes. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la technique de « single cell » [analyse à partir de cellules uniques, ndlr], nous pouvons accéder à des informations très fines sur l’expression génique et l’état biologique de chaque cellule. On pourra ainsi passer du stade : « la quantité fait la réponse clinique » à l’identification de petits groupes de cellules, dont on ne sait pas grand-chose aujourd’hui, mais qui auraient pourtant un impact important. Cette nouvelle étape de description du vivant est donc désormais accessible.
Des exemples?
Dans le cas de la mucoviscidose, les cellules qui expriment le CFTR [des mutations dans ce gène sont responsables de la maladie, ndlr] sont peu nombreuses. Sans la technique du « single cell », on ne les voit quasiment pas. Pourtant, à l’échelle d’un patient, ces quelques cellules ont un impact majeur : ce sont elles qui expliquent pourquoi les malades ont des complications nasales et pulmonaires… Si on se réfère au cancer – et c’est un des champs de développements du « single cell » –, car l’étude de chaque cellule individuellement permet de dépister des cibles pour de nouveaux traitements
individualisés.
Vous évoquez la pathologie, mais ce n’est pas l’objectif premier du projet d’atlas.
C’est vrai. On va devoir d’abord répondre au cahier des charges de l’atlas humain. Mais si l’utilisation de cette nouvelle technologie améliore nos connaissances sur l’appareil respiratoire, nous pourrons, par conséquence, mieux analyser leurs anomalies en cas de maladies génétiques, face à l’infection, l’auto-immunité, l’allergie, l’inflammation, le cancer…
Quelle est la toute prochaine étape de vos travaux ?
Les techniques de prélèvement ayant été mises au point (en ayant été attentifs à ce qu’elles soient suffisamment simples et non invasives), on va solliciter des sujets « sains » pour commencer à établir l’atlas.
Pourquoi est-ce si important que les techniques soient peu invasives ?
Si cette méthode « single cell » devait être appliquée à des malades (pour orienter le diagnostic mais aussi le choix du traitement), il faut pouvoir proposer une technique la moins invasive possible. Sachant que l’on pourrait aussi la répéter plusieurs fois pour évaluer l’efficacité des traitements.
On a achevé la mise au point des étapes méthodologiques Dr Sylvie Leroy Pneumologue au CHU de Nice