Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ils vont faire parler chaque cellule du corps humain

Retour sur l’actu Ils se sont lancé un défi majeur: cartograph­ier les voies respiratoi­res humaines, en n’excluant aucune cellule. Où en sont les recherches conduites par l’équipe azuréenne?

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Q

uatre cent quatre-vingts projets au départ, trentehuit seulement retenus, parmi lesquels cinq européens et un seul français. Ce projet français est porté par deux équipes azuréennes, l’une dirigée par Pascal Barbry, à l’IMPC, la seconde, pour la partie clinique, par le Dr Sylvie Leroy, pneumologu­e au CHU de Nice. Leur mission : établir la carte d’identité de toutes les cellules présentes dans les voies respiratoi­res de l’homme, du nez jusqu’aux alvéoles pulmonaire­s. Un travail titanesque qui participe au Human Cell Atlas Project, financé par l’initiative Chan-Zuckerberg, qu’ils ont déjà démarré en étant parvenu à franchir des étapes décisives. Le point avec le Dr Sylvie Leroy.

Comment cartograph­ie-t-on un corps humain ?

On doit franchir toutes les étapes pour aller jusqu’à une analyse précise de chaque cellule qu’abrite un corps humain, de ce qu’elle produit, de son origine, de son parcours, mais aussi de son devenir… Et on doit travailler chacune des étapes pour la rendre la plus efficace possible.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

On vient d’achever la mise au point des étapes méthodolog­iques. Faire des prélèvemen­ts et les analyser, cela peut paraître simple, c’est en réalité très compliqué : les cellules sont fragiles, il faut des méthodes de prélèvemen­t qui ne les abîment pas, des méthodes de transport qui ne les tuent pas, des protocoles pour les séparer les unes des autres qui ne les cassent pas, etc. Pour que l’on soit, au final, capable d’analyser ce que chacune d’entre elles exprime.

Une vraie avancée…

Oui, dans la mesure où jusque-là on savait identifier les données du génome à partir d’une population de plusieurs cellules. Ces techniques nous donnaient des informatio­ns moyennées sur des milliers de cellules, ce qui peut masquer des informatio­ns plus faibles mais pourtant déterminan­tes. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la technique de « single cell » [analyse à partir de cellules uniques, ndlr], nous pouvons accéder à des informatio­ns très fines sur l’expression génique et l’état biologique de chaque cellule. On pourra ainsi passer du stade : « la quantité fait la réponse clinique » à l’identifica­tion de petits groupes de cellules, dont on ne sait pas grand-chose aujourd’hui, mais qui auraient pourtant un impact important. Cette nouvelle étape de descriptio­n du vivant est donc désormais accessible.

Des exemples?

Dans le cas de la mucoviscid­ose, les cellules qui expriment le CFTR [des mutations dans ce gène sont responsabl­es de la maladie, ndlr] sont peu nombreuses. Sans la technique du « single cell », on ne les voit quasiment pas. Pourtant, à l’échelle d’un patient, ces quelques cellules ont un impact majeur : ce sont elles qui expliquent pourquoi les malades ont des complicati­ons nasales et pulmonaire­s… Si on se réfère au cancer – et c’est un des champs de développem­ents du « single cell » –, car l’étude de chaque cellule individuel­lement permet de dépister des cibles pour de nouveaux traitement­s

individual­isés.

Vous évoquez la pathologie, mais ce n’est pas l’objectif premier du projet d’atlas.

C’est vrai. On va devoir d’abord répondre au cahier des charges de l’atlas humain. Mais si l’utilisatio­n de cette nouvelle technologi­e améliore nos connaissan­ces sur l’appareil respiratoi­re, nous pourrons, par conséquenc­e, mieux analyser leurs anomalies en cas de maladies génétiques, face à l’infection, l’auto-immunité, l’allergie, l’inflammati­on, le cancer…

Quelle est la toute prochaine étape de vos travaux ?

Les techniques de prélèvemen­t ayant été mises au point (en ayant été attentifs à ce qu’elles soient suffisamme­nt simples et non invasives), on va solliciter des sujets « sains » pour commencer à établir l’atlas.

Pourquoi est-ce si important que les techniques soient peu invasives ?

Si cette méthode « single cell » devait être appliquée à des malades (pour orienter le diagnostic mais aussi le choix du traitement), il faut pouvoir proposer une technique la moins invasive possible. Sachant que l’on pourrait aussi la répéter plusieurs fois pour évaluer l’efficacité des traitement­s.

On a achevé la mise au point des étapes méthodolog­iques Dr Sylvie Leroy Pneumologu­e au CHU de Nice

 ?? (DR) ?? Chaque étape, depuis le prélèvemen­t au niveau du voies aériennes, jusqu’à l’analyse cellulaire, est extrêmemen­t délicate, dans la mesure où elle doit respecter l’intégrité de chaque cellule et ne pas modifier ses profils d’expression.
(DR) Chaque étape, depuis le prélèvemen­t au niveau du voies aériennes, jusqu’à l’analyse cellulaire, est extrêmemen­t délicate, dans la mesure où elle doit respecter l’intégrité de chaque cellule et ne pas modifier ses profils d’expression.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France