Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Du Revest, la mortelle virée à moto arrive au tribunal
Plus d’un an après une collision brutale entre deux motos, un Varois de 22 ans a comparu, hier. Est-il en partie responsable de la mort de Nathan, 19 ans ? Une audience entre effroi et froideur
Devant le tribunal, il porte jean et chemise, mais jamais ne semble quitter sa cuirasse. Tel un motard sanglé dans sa combinaison. Comme s’il se protégeait de l’abrasion de l’audience. Le moment est douloureux. Nathan, un jeune homme de 19 ans originaire de La Farlède, est mort. Celui qui comparait, Brice S., n’avait qu’un an de plus que lui au moment de l’accident. Lui-même a été grièvement blessé. Leurs deux motos se sont violemment embrasées. La vie du premier s’est arrêtée quand il a percuté le second. « Vous avez fait un demi-tour sur la chaussée, vous êtes à l’arrêt, chevauchant la voie de circulation, ce qui a provoqué la collision », décrit la présidente du tribunal correctionnel de Toulon. La famille de la victime est là – ses parents se soutiennent comme ils peuvent pour ne pas s’effondrer. Difficile de qualifier d’accident de la route, les circonstances de la mort de Nathan, sur une ligne droite du plateau de Tourris au Revest. Les uns et les autres y roulaient comme sur un circuit. Au terme d’une audience qui s’est divisée sur les responsabilités de chacun, le tribunal a mis sa décision en délibéré.
) Le rassemblement sauvage
Ce dimanche 28 mai 2017, avait lieu l’un de ces rassemblements sauvages fréquentés par des passionnés de moto. On y roule. Fort. On fait la course. On cabre sa machine sur la roue arrière. On fait des freinages d’urgence sur la roue avant. Et on se filme, pour mettre sur les réseaux sociaux le reflet de ses exploits. « Ce sont des conduites dangereuses », pointe le tribunal. «À risques », nuance le prévenu. « Dangereuses », maintient le tribunal.
) La manoeuvre inexplicable
La présidente Patricia Krummenacker cherche à comprendre. « Comment expliquez-vous, alors que ça pétarade, que vous faîtes cette manoeuvre ? » Le bruit fracassant est celui des motos, qui arrivent à vive allure, dont celle de Nathan. « Je ne sais pas comment j’ai fait pour ne pas les voir arriver », admet Brice S., dont la mémoire a effacé la scène de l’accident. Lui-même a passé des semaines en hospitalisation et a eu 120 jours d’ITT. Le visionnage de vidéos tournées sur place a permis d’établir effectivement, que Brice S. a tourné la tête de part et d’autre de la route avant de faire son demi-tour et de revenir. «Tout le monde voit les motos arriver et les entend. Et lui, il traverse là », souligne la partie civile, consternée. Mais au terme de l’audience, on ne sait toujours pas pourquoi Brice S. a fait cette manoeuvre. Pourquoi il a roulé si lentement. Pourquoi il est resté la roue arrière en travers de la chaussée. Au même moment d’autres y roulaient, comme sur un circuit.
) La vitesse et la ligne droite
La vitesse est l’autre élément central des débats, un élément que l’enquête policière n’a pas déterminé. Et à ce sujet, on affirme tout et son contraire. Nathan roulait-il à 80 km/h, voire moins, comme le subodore le conseil de la partie civile, Me Xavier Arrighi ? « La moto derrière Nathan roule à 70 km/h», illustre l’avocat. Ou bien à 130 km/h, comme l’avance la défense, s’appuyant sur des témoins visuels le long de cette ligne droite de 80 m? Pourquoi Brice S. n’a-t-il pas vu les motards arriver ? « 80 mètres se parcourent en deux secondes à 130 km/h. » Alors l’avocat de la défense Me Olivier Mino compte à haute voix : « Un. Deux. Choc. » Inévitable à cette vitesse.
) La vidéo à moto et le film effacé
Il est rare que le tribunal visionne des vidéos à l’audience. Il s’agit de la caméra fixée sur le casque d’un motard qui roulait juste derrière Nathan. La greffière tourne l’écran de l’ordinateur et tous les regards se focalisent sur un bout de route qui défile, en même temps que les dernières secondes de vie d’un homme. Insoutenable pour les parents de Nathan qui couvrent leur visage de leurs mains, puis les oreilles. En larmes. On entend crier « Mon Dieu, ô mon Dieu». L’accident vient de se produire. Nathan avait lui aussi posé une caméra sur un trépied, sur le bord de la chaussée. Or, ces images, qui auraient été si précieuses, ont été effacées. Le disque dur formaté, avant que les policiers n’aient pu visionner le moindre centimètre de bitume. Justification de ce vilain nettoyage commis par un participant : « Pour pas que les images se retrouvent sur le net .» Heureusement, d’autres témoins ont permis à une famille endeuillée de s’approcher, un peu, de la vérité.
) Facebook et le drame de l’immaturité
C’est l’intervention du ministère public, révolté par « la chronique d’une ou de plusieurs morts annoncées », qui pousse Brice S. à entrouvrir sa froide cuirasse. « Un rassemblement sauvage, où il faut immortaliser ses exploits. C’est un drame de l’immaturité », s’exclame la procureure Élisabeth Liard. «Quel recul sur les événements avez-vous pris ? », questionne-telle. Le prévenu avait osé poster sur son profil Facebook : « Qui aurait des photos de moi, le jour où ma belle est partie en fumée ? » Sa belle… c’est sa moto. La famille est révulsée. « Je ne vais pas vous dire que je n’ai pas de morale, se justifie-t-il. Je suis remonté plusieurs fois à Tourris, pour tenter d’avoir un souvenir. » Et ce qui semble le marquer par-dessus tout : « Je ne suis pas insensible à ça. Il était plus jeune que moi. » Une peine de 18 mois de prison avec sursis a été requise, plus l’interdiction de repasser le permis de conduire pendant cinq ans. La défense a plaidé la relaxe. Le jugement tombera le 25 septembre.
À km/h, mètres se parcourent en deux secondes. Un. Deux. Choc ” Me Olivier Mino, avocat de la défense C’est la chronique d’une mort annoncée. Quel recul avezvous pris sur l’événement ? ” Élisabeth Liard, vice-procureure