Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le roi Merly au coin du bois...

En 36 ans de carrière, le maître artisan en a envoyé du bois. Mais depuis la crise économique et l’émergence des concurrent­s industriel­s, il résiste, seul, dans son atelier salernois de 400 m²

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Fallait s’en douter: les grandes enseignes de meubles en bois, ce n’est pas trop son truc. Michel Merly, ébéniste de formation, menuisier touche-à-tout de métier, préfère le savoir-faire des artisans. Son savoir-faire. Une compétence acquise très jeune et qu’il a su affiner tout au long de sa longue et mouvementé­e carrière jusqu’à devenir une référence régionale en la matière. Aujourd’hui, après  ans de métier, Michel Merly détient un avis aiguisé sur l’avenir de sa profession. Même s’il affirme, un brin résigné, « avoir fait le tour de la menuiserie», le maître artisan est toujours aussi passionné par les planches. En visite dans son atelier salernois, il prend plaisir à nous faire découvrir son monde, garanti... sans langue de bois.

« Depuis que je marche je veux être menuisier. Enfin ébéniste. Mais minot je ne savais pas encore ce que c’était », déclare Michel Merly, l’accent chantant. Un destin que le Lorguais de naissance a choisi et que le métier semble avoir aussi adopté, tant il excellait sur les bancs de son CFA toulonnais. « Pour mon sujet final de CAP il fallait réaliser un meuble en 24 heures. J’ai mis 23h30 à le faire mais j’ai terminé

premier », dit-il fièrement. Le meuble en question ? Une commode d’inspiratio­n Louis XVI, impeccable­ment conservée, qui trône désormais dans le bureau de son atelier salernois de 400m². Mais d’ébéniste, Michel Merly va rapidement « mal tourner » et devenir, par la force des choses, menuisier. En élargissan­t son champ d’action, passant du mobilier aux fenêtres, portes, placards, parquets, il va développer sa clientèle jusqu’à fonder son entreprise. Installée à Salernes depuis 27 ans, sa menuiserie croît rapidement et les commandes s’enchaînent. «À l’époque, on avait toujours jusqu’à 1 an de travail en avance »,

observe l’artisan. Alors, pour faire face à la demande, Michel recrute des menuisiers, forme neuf apprentis, et investit pour 300 000 euros de machines. L’entreprise touche du bois. Le maître et son équipe « font tout », du neuf ou de la restaurati­on. Il ne le cache pas, sa clientèle est plutôt « aisée ». Un aveu qui se confirme lorsqu’il fait défiler les photograph­ies de ses chantiers sur sa page Facebook. Ici une étagère sur-mesure pour des Hollandais, là une armoire pour un château de la région. Autant de réalisatio­ns qui montrent tout son savoir-faire. Mais la fréquence de ses travaux a considérab­lement diminué. Depuis que la crise économique et la concurrenc­e des grandes enseignes ont frappé à sa porte. « Nous sommes passés de sept salariés à un seul : moi-même », concèdet-il.

Crise et concurrenc­e

« Il y a dix ans, on faisait encore des bibliothèq­ues. ». Les gens ne lisent

plus ? « Si mais maintenant ils vont chez Ikea. Avant, les jeunes mariés nous appelaient pour réaliser leur chambre à coucher. Du sur-mesure pour eux. Aujourd’hui ils vont dans les grandes surfaces. ». Les comporteme­nts d’achat changent, au détriment des artisans. Pourtant, Michel l’affirme, entre les

industriel­s et lui, «ce n’est pas la même fabricatio­n. Eux, ils grattent de partout pour faire des économies. Jusqu’à la longueur, le diamètre des vis ! ». Et, selon lui, la différence ne

s’arrête pas là. « L’artisan est un gage de proximité avec le client, il est polyvalent, nous avons un SAV plus efficace. La dernière fois, un client dont j’avais réalisé une cuisine il y a 25 ans est revenu me voir pour la réparer. J’ai pu le faire car je garde toutes mes teintes, même celles d’il y a 30 ans. Chez Ikea ça n’aurait pas été possible ». Le monde artisanal, son monde, il le défend corps et âme. Élu à la chambre de métiers et de l’artisanat de la région Paca il tente de faire entendre sa voix. « Depuis janvier, j’ai fait 26 sorties en tant qu’élu et nous arrivons à des résultats. Par exemple, Draguignan veut recréer une dynamique artisanale dans son coeur de ville. C’est une superbe initiative. ». Car, malgré les déboires, le travail est toujours présent. Michel Merly a par exemple rénové une porte « plein cintre » qu’il terminera dans trois jours. Parce qu’il « aime s’emmerder sur des petits trucs». Pour

ses clients bien sûr.

Crise ou pas, la passion du métier est toujours là. Il n’y a qu’à voir

lorsqu’il décrit ses machines. «Là je peux raboter de 10 et dégauchir en même temps. Sur celle-ci on fait des trous de persiennes. Regardez, ici je peux poncer 120cm en 45 secondes. Attendez, je vais vous montrer l’ancêtre de cette machine », explique-til comme il le ferait pour un apprenti menuisier à qui il voudrait transmettr­e son métier. Mais pour autant, les jeunes, cela fait bien longtemps qu’ils ne sont plus présents. Et ce n’est pas faute d’avoir cherché. La faute aux mentalités selon lui. « Aujourd’hui si tu es artisan cela signifie que tu es mauvais à l’école. Comme si c’était dégradant de faire un métier manuel alors que le bois, c’est une matière noble. », déclare-til, accoudé sur son plan de travail. Même s’il est conscient que les

«menuisiers des villes» sont dans une situation compliquée du fait de la concurrenc­e, les « menuisiers

des champs », comme lui, ont encore du travail. Et un beau travail.

« En ce moment on ne parle que des gens qui ont obtenu leur Bac. Quid des autres ? Pourtant avec un CAP on mange, avec un Bac on fait quoi ? », conclut le maître artisan.

De sept salariés à un seul: moi-même. ” Si tu es artisan, cela signifie que tu es mauvais à l’école ”

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