Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

SAINT-JULIEN PREMIÈRE ÉTAPE DE L’AÏD

La fête du sacrifice a débuté hier matin. Des centaines de musulmans de la région se sont rendues à l’abattoir temporaire de la famille Menut chercher le mouton tué du jour

- GUILLAUME JAMET gjamet@varmatin.com

C’est un hameau, un peu perdu sur la D554, entre Ginasservi­s, Saint-Julien et La Verdière. Chaque année, depuis dix ans, des centaines de personnes, venues de toute la région (Aix, Brignoles ou Manosque pour la plupart), s’y rejoignent, le temps d’une journée. Toutes viennent y chercher le mouton tué du jour, plat central de la fête de l’Aïd elKebir (lire ci-dessous). Là, dans un hangar, se trouve l’abattoir de la famille Menut, des éleveurs du cru, qui font partie des six entreprise­s varoises autorisées à fonctionne­r en ce jour de fête (lire en page suivante). Brouettes, carrioles et bras costauds se croisent sur le chemin qui relie le hangar au parking, en bord de route. Les visages sont souriants, quelques gamins se fraient un passage entre les grands, certains ont sorti les habits de fête. « Ici, c’est vraiment “correct” », assure un homme. Client de longue date, il dit avoir conseillé le mouton local à nombre de ses amis des Bouches-du-Rhône. « C’est parfaiteme­nt organisé, les bêtes sont belles et le prix est juste : il n’a pas changé depuis trois ans. » En plus du service d’abattage, on offre aux clients l’occasion de se retrouver dans un espace abrité, autour d’un café ou d’un thé, de petits gâteaux, de quelques grillades… Il y a même un lieu dédié à la prière. Des attentions très appréciées.

Une bête toutes les cinquante secondes

À quelques mètres de là, la chaîne d’abattage. Une quinzaine d’hommes s’affairent en continu, sous les regards des clients, qui suivent « leur » bête des yeux, du début à la fin. « On prépare environ 600 moutons mâles en une journée et demie, à raison d’un toutes les cinquante secondes en moyenne », détaille Guillaume Menut. En fait, c’est tout son cheptel qui y passe. « On ouvre les réservatio­ns trois semaines avant l’Aïd. Les bêtes sont payées à la commande. Comme ça, aujourd’hui, il n’y a pas d’argent qui circule. » Autre astuce pour éviter la cohue : chaque client dispose d’un numéro de commande qui correspond à un horaire précis. Les flux sont ainsi tendus et réguliers, les temps d’attente minimisés.

Un seul jour par an pour rentabilis­er

Les contrainte­s sanitaires, rituelles et économique­s sont draconienn­es. «La chaîne d’abattage représente un investisse­ment d’environ 80 000 euros. Sauf qu’il ne nous est pas permis de l’utiliser plus d’un jour et demi par an. » Il faut payer les salaires, le transport, les services d’équarrissa­ge, de traitement du sang… Les bêtes sont vendues à l’unité, entre 195 et 225 euros pièce, pour environ dix-huit kilos – os inclus – en moyenne. « L’idéal serait qu’on nous laisse travailler également pour Ramadan (1) », espère l’éleveur. Il faut également pouvoir compter sur des mains expertes pour animer la chaîne durant neuf heures d’affilée. «Beaucoup de ceux qui travaillen­t aujourd’hui ont déjà été en poste dans un abattoir. Pour les autres, nous les formons à un seul geste précis et répétitif. C’est suffisant pour assurer le service », explique Guillaume Menut.

Sous contrôle vétérinair­e

L’aspect sanitaire est entièremen­t sous contrôle des services vétérinair­es mandatés par la DDCSPP (2) : deux agents sont présents sur la chaîne d’abattage tout au long des opérations. « Ils veillent notamment au respect des procédures de traçabilit­é », explique Guillaume Menut. Leur mission inclut également de

La chaîne d’abattage représente un investisse­ment de   euros. Il nous faut trouver sa rentabilit­é en ne l’utilisant qu’un jour et demi par an.” Guillaume Menut, éleveur

vérifier que les déchets sont correcteme­nt collectés et envoyés vers les services de retraiteme­nt adéquats. Le sang est aspiré dans un camion-citerne, puis envoyé vers un centre de traitement. Les viscères sont transporté­s, en fin de journée, vers une entreprise

d’équarrissa­ge située à Carnoules. « Le seul déchet qui peut être conservé et utilisé, c’est le contenu des panses : de l’herbe prédigérée. C’est assimilé à du fumier, que l’on peut stocker sur place. » Quant à l’aspect rituel, ce sont deux sacrificat­eurs agréés, envoyés par la grande mosquée de Lyon, qui officient. Ils sont les seuls à même de tuer selon les recommanda­tions coraniques : d’abord « apaiser » la bête avant de l’égorger « de manière parfaite », selon les mots du prophète Mahomet. 1. Dont l’Aïd el-Fitr marque la fin de la période de 28 jours de jeûne. En 2018, ce mois saint s’est achevé le 14 juin. 2. Direction départemen­tale de la cohésion sociale et de la protection des population­s.

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 ??  ?? Les clients défilent devant le stand de retrait. Chacun a choisi « son » mouton il y a près de trois semaines et a pu assister à son sacrifice et à sa préparatio­n.
Les clients défilent devant le stand de retrait. Chacun a choisi « son » mouton il y a près de trois semaines et a pu assister à son sacrifice et à sa préparatio­n.
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Chez les Menut, l’élevage, c’est une affaire de famille : (de gauche à droite) Christian, Marc et Guillaume.
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La chaîne tourne durant neuf heures d’affilée.
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(Photos Gilbert Rinaudo) Chacun vient prendre sa commande. Certains sont mandatés pour emmener les bêtes pour plusieurs foyers.
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La chaîne d’abattage est entièremen­t visible au travers de grillages. Beaucoup apprécient la possibilit­é de « suivre » la bête qu’ils ont choisie.
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Un stand « détente » est mis à la dispositio­n des clients. De quoi rendre l’attente plus agréable.
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La fête se prépare et durera trois jours. Certains ont déjà revêtu les habits traditionn­els.

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