Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La mer, alternative à la catastrophe génoise
Une semaine après la tragédie de Gênes, les transporteurs varois s’attendent à être confrontés à de grosses difficultés routières en Italie. La solution pourrait venir du port de Toulon-La Seyne
Spécialisée dans le commerce des matériaux de construction, la société Bonifay, implantée sur Toulon, s’alimente depuis de très nombreuses années auprès des cimenteries du nord de l’Italie. Gênes, Savone, Arquata Scrivia. Et même Cuneo… Du moins jusqu’en novembre dernier, date à laquelle les camions se sont vu interdire la route de Tende. Autant dire qu’avec l’effondrement du pont autoroutier de Gênes, le 14 août dernier, la chaîne d’approvisionnement de cette entreprise varoise s’est considérablement compliquée. « Avant la catastrophe, on avait entre 5 et 8 camions par jour qui faisaient le voyage vers l’Italie. Désormais, avec les détours générés par l’effondrement du pont, chaque camion fait l’aller et retour avec les cimenteries italiennes en un jour et demi, contre un jour auparavant. Et ça risque encore d’empirer à partir du 1er septembre avec la fin des vacances… », déplore André Bonifay, le patron varois.
Contourner l’écueil
Sauf à s’approvisionner en France auprès de Vicat ou Lafarge – « à condition d’accepter de payer le ciment deux fois plus cher », préciset-il – André Bonifay plaide pour une alternative maritime pour contourner le nouvel écueil génois. « Contrairement à la route, la mer n’est pas encombrée. Ça fait 25 ans que je demande qu’on importe du ciment italien sur le port de Toulon. Que ce soit à Livourne, Savone ou Gênes, les cimenteries italiennes sont très souvent implantées dans les enceintes portuaires. Qu’est-ce qu’on attend pour faire venir régulièrement un cargo vraquier de 15000 tonnes à Brégaillon ? », déclare le patron varois. Il n’est visiblement pas le seul à penser à l’option maritime. Depuis ce lundi matin, Hervé Brenac, figure du port de commerce de Brégaillon à La Seyne-surMer, a en effet reçu plusieurs appels téléphoniques de transporteurs routiers et de courtiers maritimes. « On me demande si la ligne ro-ro entre Toulon et Livourne existe toujours », confie l’intéressé, un rien amusé.
Alléger le trafic autour de Nice
Il est vrai que la question des professionnels de la route a de quoi faire sourire. Lancée à l’automne 2000, dans la foulée d’un autre accident dramatique – l’incendie dans le tunnel du Mont-Blanc en mars 1999 – la ligne Toulon-Livourne a tenu à peine plus de… deux semaines. Faute de clients. Hervé Brenac a en quelque sorte eu tort d’avoir raison trop tôt. Dix-huit ans plus tard, l’entrepreneur varois ne ressent aucune amertume. Au contraire, il croit plus que jamais à cette autoroute de la mer entre Toulon et le nord de l’Italie. « À l’époque, les transporteurs routiers n’étaient peutêtre pas prêts. Mais depuis les mentalités ont évolué. De nouvelles habitudes ont été prises. On le voit avec UN Ro-Ro, et le succès de la liaison avec la Turquie qui en est à sa 9e année d’exploitation. Mettre en place une navette maritime avec l’Italie est d’autant plus facile qu’on reste en intracommunautaire. Ça pourrait être très rapide », affirme Hervé Brenac. Atout supplémentaire: cette liaison contribuerait à alléger le trafic autour de la ville de Nice. Seule réserve: « Cette solution doit impérativement être durable, ce qui, à moyen terme, impose de faire des investissements sur le port de Brégaillon pour créer un nouveau poste ro-ro ». 1. Les ro-ro, pour roll-on/roll-off, sont des navires spécialisés dans le transport des remorques routières avec ou sans tracteur.