Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
LE LOUP TOUJOURS PLUS GOURMAND
Face au ras-le-bol des éleveurs de Canjuers dont les troupeaux sont décimés par le loup, le coordonnateur national du plan loup était hier dans le Var pour tenter de trouver des solutions
Face aux attaques de plus en plus nombreuses du prédateur, les éleveurs de Canjuers et le préfet coordonnateur du plan loup tentent de trouver des solutions. Vers une expérimentation varoise ?
Les éleveurs varois savent recevoir les invités de marque. Stéphane Bouillon, préfet coordonnateur national du plan loup, s’en est rendu compte. En visite hier matin sur le camp de Canjuers, considéré par les éleveurs comme véritable «fabrique à loups » du département, le représentant de l’État a été accueilli par le cadavre sanguinolent d’une brebis. « La bête a été tuée au lieu-dit Pétorgue, situé à peine à 200 mètres à vol d’oiseau du camp bâti. C’est la troisième fois en huit jours que mon troupeau est attaqué. Le loup n’a vraiment plus peur de l’homme », raconte Marion Belisaire, la propriétaire de la brebis. Et elle n’est pas la seule à avoir subi une attaque de loup la nuit précédant la visite préfectorale. Attiré par un attroupement de 5 ou 6 vautours à quelque 500 mètres de la ferme des Amandiers, son père Alain ramène lui aussi une carcasse salement amochée…
Le désespoir des éleveurs
Avec déjà plus de 900 brebis tuées dans le Var sur les sept premiers mois de l’année, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’an dernier, les bergers varois sont fatigués. Ceux de Canjuers – une grosse trentaine, auxquels s’ajoutent six groupements pastoraux – ne sont pas loin de jeter l’éponge. Sur leurs visages, la colère semble d’ailleurs avoir déjà laissé la place à la résignation… « Vu le nombre de loups sur Canjuers, le pastoralisme n’est plus viable », lâche Jean-Guy Rebuffel, lui-même berger sur le camp militaire et responsable de la commission élevage à la Chambre d’agriculture du Var. « En France, c’est à Canjuers qu’on constate la plus forte concentration d’attaques de loup à l’hectare», reconnaît David Barjon, patron de la Direction départementale des territoires et de la mer. Autant dire qu’il y a urgence. S’il refuse de considérer le plan loup comme un échec – « l’un des objectifs est d’assurer la viabilité de l’espèce dans l’Hexagone avec une population souhaitée de 500 loups » rappelle-t-il –, le préfet Stéphane Bouillon reconnaît que « la situation dans le Var est compliquée ». Et l’ambition du président Macron de «remettre l’éleveur au coeur de la montagne »est loin d’être atteinte.
Se montrer plus efficaces
Les éleveurs de Canjuers n’ont pourtant rien à se reprocher. Comme l’a rappelé Nicolas Perrichon, président de l’association des éleveurs de Canjuers, « sur ce territoire, 100 % des troupeaux sont protégés et le taux de prédation ne cesse pourtant d’augmenter. Il est déjà supérieur à 5 % des effectifs de brebis ». Conscient du «traumatisme économique et psychologique des éleveurs » lorsque, chaque matin ou presque, ils découvrent le carnage, le « Monsieur Loup » du gouvernement est conscient qu’il va falloir se montrer plus efficace pour faire comprendre aux loups que les troupeaux ne sont pas leurs gardemanger. Et les tirs de prélèvements (1), dont la campagne reprendra demain, ne suffiront pas. Du moins pas en l’état. Par l’intermédiaire du Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée qui les conseille, les éleveurs de Canjuers demandent à ce que les prélèvements soient mieux adaptés à la situation du terrain. Au passage, ils dénoncent « le manque de transparence »de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qui rechigne à donner une estimation du nombre de loups agissant sur Canjuers.